Crédit visuel : Yekta Cetinkaya – Contributeur
Par Thelma Grundisch – Journaliste
Étudiant en arts visuels à l’Université d’Ottawa, Yekta Cetinkaya est un jeune artiste peintre d’origine turque. Il se livre aujourd’hui sur la place de son voyage entre Istanbul et Ottawa au cœur de ses oeuvres, marquées par l’immigration et le choc des cultures.
La Rotonde (LR) : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir artiste ?
Yekta Cetinkaya (YC) : J’adorais dessiner quand j’étais enfant. J’ai commencé à suivre des cours de dessins à onze ou douze ans, mais je n’étais pas très inspiré par ce médium. J’ai aussi essayé de poursuivre [dans] la musique, mais je n’avais pas les connaissances nécessaires pour continuer au niveau universitaire. Je trouve que l’art visuel est une discipline beaucoup plus diversifiée.
LR : Comment décririez-vous votre style artistique ?
YC : C’est difficile, aujourd’hui, de mettre une étiquette sur un style de peinture […], mais je dirais que c’est de l’art contemporain. Pour moi, c’est [comme] de la figuration narrative.
J’essaye de partager visuellement des narrations personnelles, et même spirituelles parfois. Je fais référence aux histoires mythologiques et folkloriques la plupart du temps, mais aussi à la culture anatolienne turque, aux textes religieux, et à des souvenirs personnels.
LR : Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
YC : Je suis inspiré par des mouvements comme l’expressionnisme allemand, le néo-expressionnisme, et le surréalisme. J’aime beaucoup Anselm Kieffer, Edvard Munch, Ernst Ludwig Kirchner […], Peter Doig ou encore l’artiste canadien Matthew Wong. Mes sources d’inspirations viennent de partout grâce à mon éducation.
Mais j’ai vraiment été immergé dans la culture française au lycée, où j’étudiais la monarchie, la culture et la musique baroque […]. Ce qui m’inspire principalement, c’est le voyage que j’ai commencé à Istanbul et que je continue aujourd’hui à Ottawa […], dans l’espoir d’établir une vie meilleure, de trouver une terre d’opportunités.
LR : Qu’est-ce que vous essayer de partager à travers votre art ?
YC : Des histoires très personnelles concernant mes expériences, et surtout mon voyage d’immigration, que je compare souvent avec le concept de monomythe, ou voyage du héros, de Joseph Campbell, qui est d’ailleurs le titre de ma dernière œuvre. C’est une structure archétypique dans laquelle le personnage principal entreprend un voyage et quitte sa patrie à la recherche d’une vie meilleure. Il part à l’aventure pour poursuivre ses objectifs et ramener une sorte de richesse et d’amélioration de vie dans sa communauté.
C’est quelque chose qui a été planté dans notre subconscient, je pense, et nous sommes en quelque sorte programmé.e.s à suivre ce chemin. J’ai lu un article qui disait que 70 % des jeunes Turques, si ils.elle avaient l’opportunité de partir vivre à l’étranger, le feraient. Je trouve ça vraiment tragique, mais je me sens aussi vraiment chanceux d’avoir pu partir.
LR : De quelle œuvre êtes-vous le plus fier ?
YC : Je dirais L’état c’est moi, parce que c’est celle qui reçoit le plus de succès au niveau de la critique. C’est un portrait de Louis XIV sur un tapis anatolien, donc turc.
J’ai étudié dans un lycée français où on parlait de l’époque baroque, et j’étais vraiment fasciné par le Roi-Soleil. Je pense qu’il était comme le Kanye West de l’époque, en quelque sorte. Et à cause de mon éducation plutôt européenne, je ne me suis jamais vraiment familiarisé avec la culture turque. Cette œuvre joue donc avec la juxtaposition entre les cultures.
LR : Comment est-ce que vous vendez vos peintures ?
YC : Je n’ai pas encore de méthode systématique […]. Je les publie sur Instagram en ce moment et, pour l’instant, j’ai juste exposé L’état c’est moi à l’université. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup d’opportunités pour les étudiant.e.s d’exposer […], et mes œuvres ne correspondent pas forcément avec les expositions organisées.
Il y a beaucoup d’art qui produit un récit auquel l’artiste ne s’associe pas […]. Encore en mi-octobre à New York, une statue de Méduse devenue symbole du mouvement #MeToo, faite par un homme, a lancé un grand débat sur la question […].
Je ne voudrais pas être ce type qui raconte l’histoire d’un certain groupe auquel il n’est pas associé. Pour moi, c’est important que l’artiste soit concerné.e par le sujet qu’il.elle représente.
LR : Quels sont vos projets pour le futur ?
YC : Le but est de continuer à travailler sur ma peinture et de devenir un artiste professionnel. J’ai déjà quelques projets pour des expositions et […] pour un site internet dans un futur proche. J’aimerais être plus productif […], mais en ce moment c’est difficile d’équilibrer mes études en ligne, ma pratique artistique et mon travail.
Avec la COVID-19, il y a beaucoup d’incertitudes. Je voulais faire ma maîtrise, mais si tout est encore en ligne, c’est vraiment difficile pour les étudiant.e.s en art visuel, alors je devrais peut-être changer mes plans.