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Arts et culture

Votre vie n’est pas faite d’objets…

3 février 2014

– Par Sara Ghalia –

… C’est qu’explique Petri Lukkainen dans son dernier long-métrage, Tavarataivas (My Stuff). D’abord et avant tout une expérimentation personnelle, le documentaire suit une année dans la vie de Lukkainen durant laquelle il décide de se démunir de tous ses objets personnels, de les mettre dans un petit entrepôt et de n’en retirer qu’un seul par jour. « Mes objets commencèrent à définir qui je suis. » C’est le début de longs questionnements pour lui, mais aussi pour le spectateur – en l’occurrence, moi.

Quand on y pense, la majorité des objets qu’on possède n’ont pas réellement d’usage essentiel. Peut-on se passer de la neuvième ou dixième tasse quand on vit seul? Sans doute. Ce n’est pas difficile de trouver dans son entourage cette personne qui prêche l’inutilité des objets, le matérialisme de la société moderne, la surdose de consommation, etc. Mais cette personne, ce n’est pas moi. Il est presque impossible de changer des générations qui, avant même de naître, possèdent déjà des objets. Par exemple, en Finlande, pays de Lukkainen, lorsque vous attendez un enfant, l’État vous envoie une boite en carton remplie d’objets « nécessaires » à son bien-être (cinquante-sept, compte Lukkainen).

Comment alors demander à n’importe qui d’abandonner ce qui n’est pas nécessaire à sa survie, du jour au lendemain?

Ce qui est plus intéressant dans cette réflexion, c’est ce qui concerne le rôle identitaire des objets. Quand ce qu’on possède devient une part de qui nous sommes, et qu’en perdant un objet, c’est une part de nous-mêmes qu’on abandonne. Cela me fait penser à ces moments de grande « détresse », lorsqu’on doit déménager – une autre ville, une autre province, un autre pays peut-être? – et qu’on a devant soi deux cartons : « À prendre » et « À jeter ». Ce moment, plusieurs d’entre nous l’ont probablement vécu. Chaque objet est associé à des souvenirs, mais surtout, à une période de notre vie. Quand on jette ses peluches d’enfant, ce n’est pas juste des objets de laine, de coton et d’autres matériaux auxquels on tourne le dos. Ironiquement, ces objets sont souvent fabriqués quelque part dans un pays du tiers-monde ; en Bangladesh, en Inde ou au Pakistan… Ils n’ont rien de très personnalisé. On peut passer la vieille montre de l’arrière-grand-père aux futures générations, ça fait « vintage » pour les jeunes. Mais y a-t-il vraiment quelque chose de notre temps qu’on pourra transmettre à nos héritiers? Personnellement, je pense que ma montre va être plus démodée qu’autre chose.

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