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Arts et culture

La voix des artistes de l’anthropocène

1 octobre 2018

Illustration: Andrey Gosse 

 

Par: Gabrielle Lemire, Cheffe Arts et culture

« Un nouveau règlement au Québec autorise la destruction des habitats humides au nord du 49e parallèle », m’apprend Radio-Canada la semaine dernière. Je classe cette information dans le dossier « Facteurs de l’état critique de notre planète », tout en poursuivant mon quotidien sans penser que j’évolue dans l’ère que plusieurs scientifiques appellent l’anthropocène.

Cette nouvelle « ère géologique » en est une où l’activité humaine est le principal facteur de changement dans l’activité terrestre jusque dans sa constitution géologique. Bien qu’elle fasse partie du discours scientifique depuis 1873, celle-ci ne s’est pas tout à fait intégrée à la conscience collective. Et il faudra plus que des discours sur l’environnement pour conscientiser la population. Ça, les artistes l’ont compris depuis le début. D’ailleurs, au cours de l’histoire, remplissant bien plus que la fonction d’ornement, l’art est le fruit d’une observation de la société et sert à véhiculer un message au spectateur.

Un art qui parle

Le Musée des beaux-arts du Canada ouvrait l’exposition Anthropocène au public vendredi dernier. Je vais vous avouer qu’il est bien difficile d’ignorer le caractère « anthropocénique » de notre environnement après avoir déambulé entre les installations cinématographiques et les immenses photographies qui représentent à la fois la beauté et la laideur des paysages façonnés par l’humain.

Si une seule image vaut mille mots… Alors je ne saurais dire combien de mots vaut un dispositif de réalité augmentée qui représente une immense pile de défenses d’éléphants sur le point d’être incinérées au Kenya. Et combien en vaut une séquence vidéo de cet amas d’ivoire en train de se consumer. En employant des images qui tendent autant dans l’horreur que dans le majestueux, le message avait le mérite d’être clair : il n’y aura plus de place à un marché quelconque d’ivoire au Kenya.

Bien plus que des articles de journaux, bien plus que des discours ou des traités, les images, qu’elles soient peintes, photographiées ou filmées, ébranlent la conscience. La réalisatrice Jennifer Baichwal, mise en valeur dans l’exposition, explique qu’à travers l’image, l’art a la capacité de toucher de manière viscérale l’intellect et les émotions des gens. Même des millions de discours ne pourront égaler ça.

L’humanité au-dessus de tout?

Les discours nous disent que notre espèce est en train de « braconner » toutes les ressources naturelles plus rapidement qu’il n’est possible de les renouveler. Depuis les valeurs humanistes de la Renaissance occidentale qui placent l’humanité au-dessus de tout, nous croyons que la nature est une réserve à part, dans laquelle on puise, alors qu’elle est l’environnement dans lequel on évolue ! Sans critiquer tout ça, la réalisatrice Jennifer Baichwal fait état de cette pensée qui nous dissocie de la nature. Pour elle, la fonction première de l’artiste est de s’atteler à l’humble tâche de témoigner de ce genre de changements sociaux et environnementaux qui l’entoure pour traduire ces observations sous forme d’oeuvres d’art. Tout ça, sans porter de jugement.

Si l’apport des artistes est de marquer l’ordre dominant, à l’origine de toute cette consommation, en lui renvoyant l’image de sa propre tyrannie contre la nature, le moins que l’on puisse faire est d’ouvrir sur les oeuvres un oeil plus attentif. L’humanité doit être prête à l’autocritique, prête à écouter le cri des artistes, prête à changer ses habitudes destructrices.

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