– Par Camille Lhost –
L’identité francophone au Canada reste forte malgré les menaces qui pèsent sur elle. Les communautés s’organisent pour valoriser le français dans la vie quotidienne et dans la sphère politique. Des efforts récompensés, mais parfois, de longue haleine.
S’engager pour défendre ses droits, militer pour promouvoir et valoriser le français, les membres de communautés francophones du Canada se regroupent pour se faire entendre et assumer leur identité. Depuis une dizaine d’années, le français est en danger, mais les fervents partisans de la langue croient dans la volonté des citoyens à sauvegarder leur histoire et leurs valeurs.
Se battre contre l’envahisseur
« Les francophones ont de grands défis à relever au quotidien comme sur le long terme ». Yves Frenette, directeur du Centre en recherche des études canadiennes-françaises de l’Université d’Ottawa (U d’O), est confiant dans la détermination des communautés à résister au grand nombre. « Les minorités savent que rien n’est gagné d’avance. Elles doivent toujours redoubler d’efforts pour satisfaire leurs exigences », explique-t-il. Mark Power, professeur de droit à l’U d’O, note lui aussi que la guerre n’est pas remportée, mais que certaines batailles sont déjà gagnées. « Les lois constitutionnelles et provinciales, comme la Loi 101 des services en français sont une bonne représentation de cette envie de sauvegarder le français et le faire reconnaître officiellement », précise-t-il.
La disparition éventuelle du français
Pendant de nombreuses années, les structures institutionnelles et les réseaux de communautés francophones n’ont pas réellement existé. C’est à partir de 1969, date de la Loi sur l’officialisation du bilinguisme, que la défense du français apparaît clairement dans l’enseignement.
« C’est vrai que l’exogamie, c’est-à-dire les couples dont un seul des deux parents est francophone, ralentit la sauvegarde de la francophonie » souligne M. Power. Les efforts vains et quotidiens des francophones, face aux médias et à l’Internet omniprésents, les poussent parfois à baisser les bras. « On peut imaginer que dans 50, 100 ou 200 ans, plus personne en Amérique du Nord ne parlera français » pense M. Frennette. « Cela est déjà arrivé en Saskatchewan. Dans les années 1930 la population parlait français, aujourd’hui c’est fini », souligne-t-il. Toutefois, l’historien ne baisse pas les bras pour autant. « Personne ne m’a donné de preuve que le français disparaîtra, et même si c’est le cas, je continuerai à me battre », assure-t-il.
Instaurer une « culture jeune francophone »
Les adolescents doivent prendre conscience que la défense du français est importante pour les communautés. M. Frenette donne l’exemple des jeunes Franco-Ontariens qui, en quête d’identité, renient parfois leurs racines francophones et engagent alors une bataille qui devient linguistique contre leurs parents et contre eux-mêmes. « Il est indispensable que les jeunes se rendent compte que le français est quelque chose de vibrant », ajoute-t-il.
M. Power insiste aussi sur le fait que le « leadership politique et économique » est également important pour garder la culture francophone. « La nouvelle génération va tourner la page sur certains événements historiques, comme les États Généraux du Canada Français, que leurs parents ont encore en mémoire, et instaurer une nouvelle image du français. »
Une identité à redorer
« Lorsque j’ai effectué mon étude en Ontario, en particulier à Toronto, certaines personnes interrogées avaient dénoncé l’identité francophone. Elles voulaient l’oublier, ne plus en entendre parler » se rappelle Amal Madibbo, sociologue et professeur à l’Université de Calgary. Elle explique aussi que la représentation de l’identité francophone est erronée. D’après les résultats de ses recherches, le francophone-type est une personne dont les ancêtres viennent de France, et vivent sur le territoire depuis plusieurs générations.
M. Power affirme que « les statistiques démographiques révèlent que le nombre d’immigrants d’origine francophone qui s’installent au Canada devient de plus en plus important. » Et selon Mme Madibbo, la communauté francophone doit être plus ouverte à la diversité et accueillir davantage ces communautés venues d’Afrique ou d’Europe, par exemple. Cependant, elle note aussi que l’identité canadienne doit être également repensée pour que les « identités soient complémentaires et non conflictuelles ».