
#NousCroyonsMélodie : Quand la police confond aggression sexuelle et malentendu
Frédérique Mazerolle et Yasmine Mehdi
Son expérience, ni unique ou particulière, a fait réagir de vive voix plusieurs intervenants. Le cas d’agression sexuelle de Mélodie Morin, s’il n’est pas inaccoutumé, a tout de même provoqué une réaction de profonde indignation. Ancienne étudiante de l’Université d’Ottawa (U d’O), Mélodie Morin a décidé de briser le silence en témoignant des répercussions de cet incident. Retour sur la culture de la violence sexuelle, toujours une réalité sur le campus de l’U d’O.
L’insuffisance du « non »
Le 4 novembre, une lettre ouverte, qui débutait par un avertissement aux personnes sensibles aux textes comportant de la violence sexuelle [« TW : Rape »] est partagé sur le groupe Facebook uOttawaTalkBack – Official Discussion Group. L’histoire de Mélodie Morin, victime d’une agression sexuelle près du campus, a été partagée par près de 1 300 internautes.
L’agression aurait été perpétrée par un autre étudiant le 25 septembre. Suite à l’incident, Morin s’est rendue à l’Hôpital d’Ottawa, où elle a pris part à un examen médical pour prouver qu’elle avait en effet été victime d’un viol.
Dès lors, comme le témoigne Margaux Hunter-Moffatt, amie de Morin et auteure de la lettre, le docteur aurait constaté la présence d’ecchymoses sur le cou, les bras et les jambes de son amie, ainsi que des blessures aux organes internes.
Seulement, ce n’est qu’après sa visite à l’hôpital que le véritable combat s’est entamé. Après s’être pliée à de nombreux entretiens avec la policière qui s’occupait de son cas, celle-ci a informé Morin que son dossier serait fermé puisque l’accusé aurait affirmé que l’acte était consensuel. Selon le témoignage de Hunter-Moffatt, les deux partis — Morin et l’accusé — avaient convenu que la jeune femme avait bel et bien dit non. Hunter-Moffatt affirme que les résultats du rape kit n’auraient pas été consultés de façon adéquate.
Une pétition, comptant près de 2 000 signatures, a été mise en ligne pour que le cas soit rouvert. Comme de fait, le cas a été assigné à un autre officier. Le Service de police d’Ottawa (SPO) n’a pas voulu faire de commentaire au sujet l’affaire.
Quand la violence laisse des cicatrices sur l’âme
Isabelle Côté, membre du collectif FemAnVi et professeure à l’École de service social, s’insurge devant le cas de Morin. « Ma réaction de femme a été le découragement. Mélodie avait beaucoup de preuves, elle avait tout de son bord. […] Si elle n’a pas été crue, quel message ça envoie aux autres? » Elle ajoute : « Quand la police réagit comme ça, en disant que ‘it’s a misunderstanding’, le message envoyé aux hommes est que la violence est légitimée. »
Il est à noter que la médiatisation du cas de Morin est tombée juste après le dévoilement d’une étude par la professeure en criminologie, Holly Johnson, au sujet de la réponse du SPO dans les cas de violence faite aux femmes, mettant en lumière une insatisfaction marquée de la part des femmes victimes d’agression sexuelle.
Johnson s’est avouée troublée par le cas Morin : « Je ne comprends pas ce cas et encore moins la décision de la police d’abandonner les accusations. […] La police ne fait pas respecter la loi. » L’auteure du rapport a également affirmé que la directrice de l’unité d’agression sexuelle du SPO lui avait dit de ne pas inclure à ses recommandations l’explication de chaque retrait d’accusation, en lui assurant que c’était déjà fait. « Qui a pris cette décision? Est-ce que la directrice de l’unité? Il y a quelque chose qui ne va pas », a déclaré Johnson.
En lien avec le rapport, Margaux Hunter-Moffatt soulève que le point qui l’inquiète le plus est l’idée que « les femmes qui ont dû faire affaire avec le Service de police avaient tendance à dire que si une deuxième agression sexuelle leur arrivait, elles ne voudraient pas avoir à revivre l’expérience de collaboration avec la police ». Elle souligne que Morin, en plus d’être absolument traumatisée parce ce qui lui est arrivé et d’avoir lâché ses cours, souffre de dépression et de stress post-traumatique, qui lui causent des terreurs nocturnes.
Josée Laramée, du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), a rappelé les problèmes de santé mentale que peuvent rencontrer les survivantes ne recevant pas une réponse adéquate de la police, en soulignant qu’une telle réponse pouvait exacerber des sentiments de culpabilité et de hontes chez ces femmes : « [La victime] peut s’isoler, quitter ses études. […] Les femmes peuvent en arriver à détester leur corps, à avoir des maux physiques, des problèmes de communication, à être incapables d’entrer en relation. »
Lapierre abonde en ce sens en déclarant que : « Elles [les victimes] peuvent vivre différentes conséquences, mais si elles ont le courage de nommer ce qui leur est arrivé et qu’elles ne sont pas crues, les conséquences sont définitivement amplifiées. »
Le silence institutionnel
Malheureusement, ce n’est pas la première fois que l’U d’O est associé à des cas de violence sexuelle. Après la suspension de l’équipe masculine de hockey, suite à des accusations d’agressions sexuelles et de commentaires dégradants à l’égard d’Anne-Marie Roy, ancienne présidente de la Fédération étudiante, l’Université a dû se doter d’un Groupe de travail pour évaluer et prévenir la violence sexuelle.
« Depuis le début, nous étions conscientes que l’Université était au courant du cas de Mélodie », explique Hunter-Moffatt. Cependant, Morin n’aurait pas reçu de réponse de l’Université avant vendredi dernier. Ce serait grâce à Nicole Maylor, vice-présidente aux affaires d’équité de la FÉUO, qu’elle aurait obtenu de l’aide.
À ce jour, l’Université ne s’est pas prononcée sur le sujet. Entre temps, le Centre des ressources pour les femmes devrait publier un communiqué, encourageant les gens à partager l’histoire de Mélodie Morin avec le mot-clic #NousCroyonsMélodie.