– Par Marc-André Bonneau –
L’édifice Union du Canada, sur la rue Dalhousie, sera démoli pour laisser place à la construction d’un hôtel. L’érection d’un édifice à condos est aussi prévue à quelques pas, sur la rue George. Des résidents de ce quartier historiquement francophone se sont mobilisés et ont contesté ces projets devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario. Des décisions demeurent à suivre.
L’Association communautaire de la Basse-Ville, défendant la valeur patrimoniale de son quartier, s’est opposée au projet hôtelier initial de la société Claridge. Ce projet consistait à conserver l’édifice et à augmenter sa hauteur, ce que la ville a approuvé malgré le zonage en place. Des négociations ont eu lieu en septembre devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario et ont mené à une entente entre les deux partis. Le nouveau projet sera de la même hauteur que l’édifice actuel, qui sera démoli, mais la construction sera configurée différemment pour accueillir plus d’étages. L’échéancier mis de l’avant par les promoteurs précise que l’hôtel devrait être terminé d’ici 2015. La hauteur de l’édifice à condos sur la rue George demeure à déterminer.
Marc Aubin, président de l’Association communautaire de la Basse-Ville, souligne que les immeubles du Marché By ne sont pas très hauts. « Quand tu bâtis quelque chose de très haut, c’est changer l’expérience » qu’offre le Marché. M. Aubin défend que la Basse-Ville possède une valeur patrimoniale à conserver, où l’édifice Union du Canada est un élément important de l’histoire franco-ontarienne de ce quartier.
« Au XIXe siècle, les Canadiens français avaient besoin d’aide pour les assurances. C’était, au début, pour les travailleurs de la basse-ville, francophones et catholiques, l’entreprise utilisait l’expression l’Union fait la force comme devise, c’est ce qui représentait la forte cohésion sociale de ce quartier », affirme M. Aubin. Trois édifices différents, tous situés au 325 Dalhousie, on accueilli les bureaux de l’Union du Canada.
Un combat pour le patrimoine
Certains édifices de la Basse-Ville représentent le patrimoine ouvrier de l’époque. Kenza Benali, enseignante au Département de géographie de l’Université d’Ottawa, explique que « ce quartier est beaucoup plus sensible que les autres » puisqu’il a été grandement influencé par différents plans de « rénovations urbaines» qui veillaient à moderniser le quartier, dans les années 1950. Durant cette période de transformations, une grande partie des résidents ont quitté la Basse-Ville pour s’établir en banlieue. Ces développements ont détruit l’esprit du quartier d’autrefois. Que quelques édifices ont résisté aux changements et représentent toujours le patrimoine de l’ancien quartier ouvrier. Dans ce contexte, Mme Benali explique que « [l’Association communautaire] est très frileuse par rapport à tous les projets qui viennent encore porter atteinte au patrimoine qui a survécu aux rénovations urbaines. »
Les nouveaux projets immobiliers s’inscrivent dans un mouvement de densification « qui préconise le retour des gens vers le centre-ville ». Mme Benali explique que « c’est de la manière dont [la densification] se fait » qui semble causer problème. Alors que les projets de densification peuvent « composer avec l’existant, […] la ville envisage généralement des projets de destruction puis de reconstruction. Les résidents voient ces projets immobiliers « comme une intrusion étrangère qui ne considère pas l’esprit du lieu », explique-t-elle.
M. Aubin a souligné que le représentant de la circonscription Rideau-Vanier, Mathieu Fleury, n’a pas été en mesure de représenter les citoyens dans cette affaire, pour cause de conflit d’intérêts, puisque son père est impliqué dans la compagnie immobilière Claridge. Pour cette raison M. Fleury n’a pas désiré s’entretenir avec La Rotonde.
Une menace pour les résidents
Caroline Ramirez, témoin experte pour l’Association communautaire de la Basse-Ville, et présente dans les négociations avec la Commission des affaires municipales de l’Ontario, argumente que « la ville n’a même pas développé de plan patrimonial pour le district ». Mme Ramirez décrit l’impact de ces projets comme étant « une opposition entre une sphère qui cherche à faire de l’argent […] et une sphère sociale et culturelle. Le problème c’est qu’il n’y a aucune vision à long terme pour valoriser le patrimoine du Marché By. » Qualifiant les opposants de l’Association d’individus ayant « mauvaise foi », elle explique qu’« ils n’ont pas fourni certains documents que l’Association demandait, des semaines avant l’audience ».
Mme Benali indique que la construction de nouvelles habitations qui attirent une autre classe sociale est susceptible de modifier la dynamique du quartier à long terme, puisque ces condominiums sont davantage destinés à une population aisée. Elle explique que les résidents actuels seront donc pris avec une spéculation qui haussera l’ensemble des coûts. « Les résidents qui étaient là, tranquilles, vont se retrouver à payer des taxes plus cher, et à long terme, ils risquent de quitter ».
Devenue un espace extrêmement prisé par les promoteurs immobiliers, la Basse-Ville est lieu de nombreux enjeux de développement urbain. M. Aubin souligne qu’alors « qu’on pense que tout est protégé, c’est une bataille constante avec la ville et les développeurs pour essayer de protéger la Basse-Ville et le Marché By. » La décision de la Commission concernant la hauteur de l’édifice à condos, qui sera adjacent à l’hôtel et qui remplace l’édifice de l’Union du Canada, sera annoncée dans les prochaines semaines.