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Opinions

Les universités ne devraient jamais s’immiscer dans les affaires étudiantes, sauf en cas exceptionnel

25 septembre 2018

Par : Francesco MacAllister-Caruso, vice-président aux services et communications de la FÉUO de 2016 à 2017

 

Ce qui se passe à la FÉUO est exceptionnel

La Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) continue de défrayer les manchettes.

Peut-être avez-vous récemment entendu parler des allégations de fraude visant des membres de la gestion, ou de l’exécutif. Peut-être avez-vous lu dans le Fulcrum que l’Université avait demandé aux membres en question de se récuser de leur poste en attendant les résultats d’un audit juricomptable. Sans quoi, l’administration pourrait cesser de reconnaître la FÉUO comme association représentative des étudiants de premier cycle. Une mesure sans précédent. Exceptionnelle.

 

Comment en sommes-nous arrivés là?

Le 9 août, La Rotonde publie la nouvelle : l’ancien président de la FÉUO, Hadi Wess, aurait informé le service de police d’Ottawa d’activités « frauduleuses » à la Fédération. Une rafale d’articles à controverses suivra. Quelques jours plus tard, lors d’une rencontre du Conseil d’administration de la Fédération, des représentants facultaires proposent de suspendre – avec ou sans salaire – les membres de l’exécutif impliqués pendant la durée de l’enquête. Leurs tentatives resteront vaines.

Si ce n’était pas suffisant pour ternir la réputation de la FÉUO, le CA a fait de la coordonnatrice exécutive Vanessa Dorimain sa présidente, en dépit des allégations de fraude pesant contre elle. Une décision lourde de conséquences, puisqu’elle lui confère un certain pouvoir de diriger les discussions du Conseil. Pour faire suite à ces événements absurdes, le CA a aussi approuvé une motion demandant à Hadi Wess de rembourser 994 $ en frais juridiques à la FÉUO. Le méfait qu’aurait commis l’ancien président? Alerter la police des activités potentiellement criminelles de ses anciens amis et collègues.

Malgré l’inclination du CA, les allégations de fraude ne sont pas passées inaperçues sur le campus. Rapidement, les étudiants se sont mobilisés et ont exprimé leur indignation. Une campagne a notamment été mise sur place pour destituer les membres visés par les allégations.  Le mouvement, nommé Un-Tied SFUO, a su mobiliser les étudiants et articuler leur mécontentement de façon démocratique et visible. Un-Tied SFUO, en partenariat avec de nombreux clubs, dont ceux des quatre principaux partis politiques, a organisé une manifestation devant les bureaux de la FÉUO appelant les élus visés à se retirer de leurs fonctions pour la durée de l’enquête juricomptable. Cette manifestation a été la plus grande mobilisation étudiante du mouvement contre la FÉUO depuis des années.

La semaine dernière, le CA de la Fédération s’est rencontré pour la seconde fois de l’année. La réunion n’a pas eu lieu sans controverse. La vice-présidente aux affaires de l’équité a démissionné, sans que le CA n’en divulgue les raisons. Le comité constitutionnel a par ailleurs fait savoir quelle firme il recommandait pour mener l’enquête juricomptable interne, sans expliciter si l’administration universitaire avait été consultée, tel qu’elle a exigé. Notons au passage que le vice-président aux opérations, Axel Gaga (le troisième membre ciblé par cette controverse), siège au dit comité. Encore une fois, on repousse les limites de l’absurde – et de la notion de conflit d’intérêts.

Plus récemment, The Fulcrum nous apprenait que l’administration de l’Université, dans une lettre datée le lundi 10 septembre, a exigé que les membres ciblés par les allégations « se retirent de leurs fonctions pendant toute la durée de l’enquête et jusqu’à l’adoption des mesures qui en découleront ». Au moment d’écrire ces lignes, les trois élus en question sont toujours en poste. Qu’est-ce que cela pourrait impliquer?

 

Le futur de notre Fédération étudiante

La FÉUO existe depuis 1969. Pendant près d’un demi-siècle, elle a été un outil important de progrès sur le campus. C’est grâce à elle et aux gens qui s’y sont impliqués que nous avons pu faire valoir la voix et les intérêts des étudiants jusqu’aux plus hauts échelons de l’Université. La FÉUO s’est mobilisée à plusieurs reprises pour des causes importantes : l’obtention de la U-Pass, la réduction des frais universitaires, la création de centres de service, le désinvestissement des carburants fossiles, la lutte contre le racisme, la promotion de l’équité des genres, de la santé mentale et des espaces multi-foi, et j’en passe.

Si elle pouvait accomplir tous ces exploits, c’est parce qu’elle était fonctionnelle et légitime aux yeux des étudiants.

Certes, notre Fédération n’a jamais fait l’affaire de tous et a souvent été l’objet de controverses. Il y a toujours eu – et il y aura sans doute toujours – des critiques vis-à-vis d’elle. Ce qui se passe en ce moment dépasse cependant le simple désagrément politique. Les événements exceptionnels qui ont eu lieu au cours des deux derniers mois ont mis en péril la réputation, la transparence et le bon fonctionnement de la FÉUO (et ce, sans parler de la question d’intimidation des employés, des étudiants et des médias sur le campus).

À plusieurs reprises, les membres visés par les allégations ont eu l’occasion de se retirer de leur poste (et ce, avec salaire). Un processus standard dans n’importe quelle organisation, qu’il soit à but lucratif ou non. Se retirer de ses fonctions dans une telle situation ne constitue pas un aveu de culpabilité, mais témoigne d’un respect pour le bon fonctionnement de l’organisation. À l’inverse, rester en poste à tout prix va à l’encontre de ces principes de bonne gouvernance et de transparence.

 

Aux grands maux, les grands moyens

Si l’on se fie aux informations qui nous sont présentées, ces controverses pourraient pousser l’administration à prendre une mesure extrême en cessant de reconnaître la FÉUO comme association représentant les étudiants de premier cycle. Un désaveu qui sous-entend qu’elle serait prête à reconnaître une nouvelle organisation formée de la mobilisation étudiante.

Le cas échéant, l’Université entrerait dans un territoire incertain qui plongerait notre Fédération étudiante dans un chaos constitutionnel et légal sans précédent.

Les élus de la FÉUO impliqués dans cette affaire doivent répondre aux demandes exceptionnelles de l’Université et quitter leur poste pour la durée de cette enquête. Sans quoi, le futur de la Fédération et les services essentiels qu’elle offre seraient en péril, et les grands perdants seront les étudiants.

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