Boni Guy-Roland Kadio
Depuis le 10 février 2015, le RÉFO et d’autres groupes franco-ontariens ont demandé au gouvernement de l’Ontario de mettre sur pied une université unilingue francophone d’ici septembre 2018. L’université idéal offrirait non seulement des programmes et services en français, mais serait aussi gérée « par et pour » les francophones de l’Ontario.
Entre dénégation et nécessité
La création d’une université franco-ontarienne soulève de grands débats non seulement politiques, mais aussi identitaires. Il faut dire que l’administration de l’Université d’Ottawa, le recteur Allan Rock en particulier, a pris position en défaveur d’un tel projet. « N’en déplaise à certains, notre Université a toujours été et demeure au cœur de l’épanouissement des communautés francophones, principalement dans l’est de l’Ontario, mais aussi dans le grand Toronto, à Windsor et bientôt, je l’espère, dans le sud-ouest, grâce à notre projet d’expansion à Woodstock », expliquait l’administration dans sa lettre ouverte, publiée en octobre dernier, avant que ce projet tombe à l’eau.
Ce qui n’est guère l’avis de Alain Dupuis, le directeur général du RÉFO. « Les universités bilingues, malgré leur bonne volonté, démontrent qu’elles ont des lacunes au détriment des francophones », explique-t-il. Celui-ci soulève des exemples, notamment l’insuffisance, voire la pénurie de programmes universitaires en français, le risque évident de foyer d’assimilation, ainsi que la hiérarchie décisionnelle à prédominance anglophone.
Il poursuit en soutenant que dans ces universités, « la vie sociale et culturelle sur le campus a surtout lieu en anglais [et qu’] on ne tient pas compte des besoins culturels spécifiques des étudiants francophones ». Ainsi, une université franco-ontarienne serait nécessaire afin de répondre à leurs besoins et deviendrait un pôle de rayonnement du fait français en Ontario.
Le bilinguisme officiel au cœur du débat
D’après Pierre Anctil, professeur d’histoire de l’U d’O, le projet d’une université franco-ontarienne est « une revendication légitime sur le plan universitaire et politique ». Sur le plan universitaire, il prend le contre-exemple de l’Université d’Ottawa. Même s’il reconnait que des initiatives sont prises par l’Université pour offrir des services et des programmes dans les deux langues, il déclare tout de même que « l’Université d’Ottawa n’offre pas un milieu de vie francophone puisque deux tiers des étudiants à cette université sur le campus sont anglophones. Il n’y a pas de garanties d’espace libre, de convivialité à dominance francophone. L’U d’O n’est prioritairement pas au service de la communauté franco-ontarienne. »
Sur le plan politique, le professeur croit que le débat controversé sur la nécessité d’une université franco-ontarienne démontre bien la crise du bilinguisme institutionnel. « Les deux langues sont dans une situation d’inégalité dans le contexte du bilinguisme institutionnel. Ce qui est naturel, normal, acquis pour la langue anglaise, ne l’est pas pour la langue française. »
Il renchérit qu’il faudrait permettre la création d’une université à prédominance francophone, comme il en existe certaines au Québec. « Il y a 600 000 anglophones au Québec », souligne M. Anctil. « Ceux-ci ont droit à trois universités anglaises indépendantes. Au Nouveau-Brunswick, les 250 000 Acadiens francophones ont l’Université de Moncton. Au Manitoba, les 50 000 francophones ont l’Université de Saint-Boniface. Pourquoi pas une université franco-ontarienne pour 600 000 francophones en Ontario? »
En attendant d’avoir gain de cause, le RÉFO continue son combat pour cette université francophone en Ontario avec comme toute dernière action, une pétition titrée « Demande d’admission à l’Université franco-ontarienne ».