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Université franco-ontarienne : Les finances publiques pourraient retarder le projet

23 février 2015

– Par Samuel Lafontaine –

Après une consultation à travers la province, les organismes porte-paroles de la francophonie ontarienne réclament désormais une université entièrement de langue française en Ontario. Cependant, le gouvernement ne semble pas pressé d’agir. Déjà, la ministre responsable des affaires francophones rejette l’idée d’ouvrir une telle institution d’ici 2018. Pourtant, l’idée d’une université franco-ontarienne remonte aux années 1940 et avait failli aboutir au début des années 1990.

À l’automne 2013, le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) lançait en collaboration avec l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) les États généraux sur le postsecondaire en Ontario français. Les consultations publiques tenues à Timmins, Sudbury, Toronto, Windsor, Thunder Bay et Ottawa à l’automne 2013 devaient aboutir d’abord à un premier rapport, puis à un sommet provincial à Toronto en octobre 2014 et finalement à un second rapport publié le 10 février 2015. Des consultations jeunesse ont également été tenues à Cochrane, Kingston, Mattawa et Windsor auprès des élèves du secondaire.

Dans son rapport de 45 pages rendu public il y a deux semaines, les États généraux dressent quatre grands constats. Premièrement, d’augmenter l’offre de programmes en français. Deuxièmement, de revoir les manières de faire concernant la rétention des étudiants francophones entre le secondaire et l’université. Troisièmement, d’obtenir une gouvernance universitaire « par et pour les francophones » et quatrièmement, de former une université à l’image de l’Ontario français.

Comme solution, le RÉFO, l’AFO et la FESFO demandent au gouvernement de mettre sur pied un Conseil des gouverneurs transitoire afin de s’assurer de l’ouverture d’une université de langue française dans trois ans. Geneviève Latour, porte-parole du RÉFO, affirme que les universités bilingues en Ontario ne suffisent pas. « Même dans nos institutions bilingues, nos jeunes nous disent qu’ils perdent leur français », rapporte-t-elle. Le rapport souligne qu’il faut une université dont la direction est dans les mains des Franco-Ontariens à part entière.

Mme Latour insiste sur le caractère raisonnable du plan. « Pour l’institut technologique à Oshawa, ça a pris 27 mois. On prend aussi en compte la mise sur pied des collèges de langue française. Nous, on donne 40 mois au gouvernement, de plus avec la situation économique notre plan d’action prend en compte le retour à l’équilibre budgétaire en 2018. C’est à ce moment-là que le plus gros de l’investissement devrait se faire. On pense que c’est un échéancier raisonnable ».

Bien qu’elle appuie l’idée d’une université francophone, la ministre libérale Madeleine Meilleur ne croit pas qu’il soit possible d’ouvrir un tel établissement pour 2018 en raison de la santé financière de la province. En entrevue avec la télévision de Radio-Canada, Mme Meilleur a qualifié « d’ambitieux » l’échéancier proposé par le RÉFO. Le gouvernement libéral a évoqué la possibilité d’une université virtuelle, mais celle-ci a été rejetée par le RÉFO, car Internet n’offre pas le même potentiel d’interaction communautaire qu’un campus réel.

Pour Gila Martow, porte-parole du Parti progressiste-conservateur (PC) pour les dossiers francophones, la faute revient aux Libéraux. Si les finances publiques ne permettent pas de financer la construction d’une université franco-ontarienne, c’est parce que le Parti libéral a « gaspillé » les fonds publics au cours des dernières années, selon elle. Ce qui ne l’empêche pas de soutenir l’idée. En entrevue avec La Rotonde, Mme Martow a affirmé dans un français correct que « les progressistes-conservateurs veulent participer à la conversation ».

« Je pense qu’il y a la demande [pour une université francophone]. Mais il sera important d’inviter les étudiants des pays francophones. Dans Thornhill, par exemple, nous n’avons pas beaucoup de gens qui parlent français, mais nous avons beaucoup d’immigrants, par exemple, du Maroc ».

Néanmoins, Mme Martow affirme ne pas être certaine de la possibilité d’ouvrir un établissement pour 2018. Elle estime que pour le PC, l’éducation « est vraiment une priorité » car selon elle, « on ne peut avoir une économie forte sans ça. Il faut des étudiants avec des habilités pour faire de l’Ontario une force économique au Canada et apprendre plus d’une langue donne des habilités à nos étudiants ».

Parole-parole néo-démocrate pour la francophonie, France Gélinas croit que l’Université franco-ontarienne devrait être « une priorité » et juge la date de 2018 « réalisable ». Elle n’hésite pas d’ailleurs à affirmer que « la position du gouvernement est très timide. L’argument comme quoi la province est en déficit, j’y crois plus ou moins. Sur un budget de plus de 100 milliards de dollars, on est capable de financer une université de langue française ». Le Nouveau Parti démocratique (NPD), alors dirigé par Bob Rae, avait promis la création d’une université franco-ontarienne en 1990. Cette promesse ne s’est pas concrétisée durant leur mandat entre 1990 et 1995. Malgré cela, Mme Gélinas défend l’appui de son parti envers le projet, parlant plutôt de l’ouverture des collèges de langue française durant le mandat néo-démocrate.

Parallèlement, l’Université d’Ottawa est en négociations avec la province pour ouvrir un campus satellite entièrement francophone à Woodstock, au sud-ouest de la province. Le recteur, Allan Rock, a rejeté le projet du RÉFO et rappelle que « les francophones de tout l’Ontario ont déjà leur université : c’est l’Université d’Ottawa ».

L’Assemblée législative de l’Ontario a repris ses activités le mardi 17 février dernier lors du retour des députés de leur congé hivernal. Un budget devrait être déposé au printemps.

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