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Par : Shérazade Faynel – Journaliste
Ancien étudiant à l’Université Gallaudet (Washington D.C.), seule université pour les sourds et les malentendants au monde, André Thibeault est aujourd’hui chargé de cours à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa (U d’O).
« Je suis un Sourdien fier d’employer tous les jours la langue sourdienne québécoise (LSQ) et de démontrer l’existence et la valeur de la culture sourde à mes semblables » revendique Thibeault.
Si la surdité est perçue comme un handicap, il définit la sourditude, un terme encore peu employé, comme « l’ensemble des caractères, des manières de penser, de sentir qui sont propres au Sourdien [personne appartenant à cette culture] ». Le terme Sourd, avec la majuscule initiale, permettait déjà de différencier la culture sourde de la surdité, se définissant par une grande diminution voire une perte de l’ouïe.
Une diversité de langues
La culture sourdienne se transmet, entre autres, à travers les langues des signes. André Thibeault les définit comme des langues à part entière dans le sens où « elles ont leurs propres registres, et, en général, elles ont leurs niveaux de phonologie, de morphologie, de syntaxe, de discours, de sémantique ». S’il enseigne spécifiquement la langue des signes québécoise, il y a environ 120 différentes langues des signes dans le monde.
Elles sont différentes, tout comme les cultures qui s’y assimilent. Le chargé de cours rapporte par exemple ne pas avoir compris la langue des signes danoise lors d’une rencontre avec un Sourdien danois. De la même manière, il précise que « les Québécois.e.s et les Franco-ontarien.ne.s parlent la langue française. Est-ce que la culture québécoise est similaire à la culture franco-ontarienne ? Non, c’est cette différente culture ».
Enseigner aux enseignants
Thibeault a dispensé des cours de qualifications additionnelles à des enseignants qui exercent auprès d’élèves francophones sourds et malentendants de l’Ontario. C’est également l’une des prérogatives du Regroupement des parents et amis des enfants sourds et malentendants franco-ontariens, organisme en partenariat avec l’U d’O qui propose des cours de langue des signes québécoise.
Charles Lemay, bénévole pour le RESO, rapporte que la majorité des personnes qui suivent ces cours sont des parents et qui souhaitent communiquer avec leurs enfants sourds. Cela suscite également l’intérêt d’enseignants qui ont dans leur classe un ou des enfants sourds. Il ajoute : « On enseigne le langage, ce qui permet de mieux saisir la culture sourde, mais pour réellement la comprendre, il faut se mêler à la communauté sourde ».
André Thibeault espère « une insertion harmonieuse de la collectivité sourdienne dans une société d’entendants ». Les termes employés, la manière d’éduquer à ce sujet et les enseignements dispensés participent en cela. Il estime que le « développement des stratégies pédagogiques est constitué de défis énormes ». Il regrette, par exemple, que les langues des signes n’aient pas de forme écrite qui leur soit propre, c’est pourquoi il encourage les Sourdiens à la créer.