– Par Sinda Garziz –
Le Centre d’études en politiques internationales a organisé, mardi dernier, une conférence dirigée par Philippe Kirsch, ancien président de la Cour pénale internationale (CPI), à la faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa, pour dresser le bilan de la première décennie de la CPI. La Rotonde était présente pour s’informer des différents enjeux de cette instance ainsi que des défis auxquels elle fait face.
Les lacunes de la CPI
Roland Paris, directeur du Centre d’études en politiques internationales et professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, a mentionné que la conférence avait pour but « d’initier des discussions entre étudiants, chercheur, professeurs et experts dans différents domaines touchant la politique internationale et leur donner la possibilité d’appuyer leurs connaissances théoriques par les expériences pratiques des conférenciers. »
Créée en 1998 à Rome, la CPI, maintenant indépendante de l’Organisation des Nations unies, a pour objectif ultime de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale. C’est une cour qui s’assure de juger toute personne s’impliquant dans des crimes de guerre, dans des conflits armés usant de la vulnérabilité des femmes et des enfants et mettant en péril, en transgressant les droits humains fondamentaux, la sécurité des populations partout dans le monde. Cette structure aussi indépendante qu’elle le déclare « vit aujourd’hui une crise où la politique semble se mêler et biaiser tous les dossiers présentés devant la Cour », affirme M. Kirsch. L’un des premiers défis que la CPI vient de relever est d’avoir amené les États-Unis, une puissance mondiale qui a usé de son pouvoir dans plusieurs cas de conflits pour pousser la CPI au mauvais jugement, à finalement coopérer.
Bien que la CPI ait eu durant ses dix années d’existence un impact très important sur le système national des pays qui ont fait appel à ses services, la majorité des pays africains considèrent que son travail n’a pas été efficace. Philippe Kirch explique que les bureaux de la Cour doivent fermer durant les conflits armés, ce qui ne facilite pas la collecte de données en temps réel et que, du coup, l’investigation devient très difficile. Elle doit aussi protéger les témoins, ce qui est presqu’impossible en temps de guerre.
Enfin, l’obstacle le plus pesant serait la corruption qui a lieu au cours du jugement. La chambre d’appel est l’instance la plus compétente qui puisse donner un verdict final pour n’importe quel cas. Toutefois, les juges chargés des dossiers s’y opposent dans plusieurs affaires et préfèrent décider par eux-mêmes les sentences données. « Cela est due aussi à un manque de moyens, non seulement à un non respect de la hiérarchie », explique l’ancien président de la CPI.
Une cour pénale africaine
« L’Afrique présente un grand problème pour la CPI », affirme M. Philippe Kirsch. Lors du dernier sommet africain, les pays africains ont exprimé un désir très clair de ne plus vouloir faire appel à la CPI, faute d’un manque de confiance et de discrimination qu’ils ressentent dans la manière dont la cour a essayé de traiter les conflits africains. Ils ont aussi exprimé la volonté de créer une cour pénale africaine ayant un système juridique mieux adapté à la région. Philippe Kirsch affirme par ailleurs que si les pays africains décident de ne plus reconnaître la CPI comme instance juridique suprême, cela peut créer un grand problème. Cependant, il encourage l’initiative d’une cour pénale africaine, « du moment qu’elle respectera le droit humanitaire international ainsi que les déclarations universelles des droits humains », explique-t-il. Pour l’instant, les pays africains continueront à coopérer avec la CPI, car il faut savoir que cette coopération vient aussi d’une volonté du peuple, et jusqu’à ce que le projet de la cour pénale africaine se réalise, la CPI est prête à soutenir cette initiative et à travailler avec l’union des pays africains pour la mettre sur pied.