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Courriel controversé en temps de crise

Crédit visuel : Andrey Carmo – Directeur Artistique

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Suite à l’épidémie de coronavirus qui sévit depuis décembre 2019 à travers le monde, l’Université d’Ottawa (U d’O) a choisi de déplacer ses cours en ligne afin de protéger ses étudiant.e.s et employé.e.s. La Rotonde revient sur la suspicion de fraude et les échanges houleux qui s’en sont suivis le 16 avril dernier, au sein de la classe de MCG2142 matériels biologique et d’ingénierie II.

En raison de ce contexte de pandémie, il a également été possible pour les étudiant.e.s de l’U d’O de passer leurs examens finaux en ligne. Le jour après avoir passé le leur, les élèves du cours de MCG2142 dispensé par le professeur Fabio Variola ont eu la surprise de recevoir un courriel.

Suspicion de fraude

Envoyé par l’assistant de cours et candidat au doctorat en génie biomédical Alexander Steeves, il y est demandé de lui envoyer une preuve de cohabitation, justification que certain.e.s étudiant.e.s habitent au même endroit, et possèdent donc la même adresse IP. Louis, qui a souhaité rester anonyme, est étudiant en génie mécanique biomédical dans le cours. Il juge le ton de ce courriel très agressif. 

Avec cette preuve, l’assistant aura ainsi été en mesure de trouver les étudiant.e.s s’étant réuni.e.s afin d’effectuer l’examen ensemble. « Pour ceux dont je sais maintenant qu’ils étaient ensemble, amusez-vous en septembre à essayer de raisonner avec le comité d’éthique pour ne pas être retirés du programme. », avertit-il un peu plus loin dans le courriel. 

Alexander poursuivra ensuite en mentionnant qu’ils seront accompagnés de ceux ayant consulté « les diapositives pendant l’examen. », avant de conclure qu’étant plutôt minutieux, il a rassemblé toutes les preuves de leur présumée culpabilité, son chien étant son témoin.

Courriel d’excuses

Louis avoue que ce courriel l’a angoissé, puisque « c’était encore au début de la période des examens et que la plupart d’entre nous avions encore plusieurs examens à préparer, ce qui n’a fait qu’ajouter au stress. » Mais suite à cela, deux courriels, contenant des excuses, ont été envoyés.

Alexander y explique que sa réaction est liée à la frustration engendrée par la tricherie, et que « son but était d’effrayer les étudiants qui avaient triché pour qu’ils se dénoncent. », témoigne Louis, qui juge cependant que mettre « en gras les noms des étudiants qui se sont plaints » était une erreur. L’étudiant, qui a toujours trouvé l’assistant intense, voire excessif, a toutefois apprécié le courriel d’excuses.

Réponses controversées

Suite à cela, Michael, qui a également souhaité rester anonyme, étudiant de la Faculté de sciences de la santé, s’est décidé à intervenir, en envoyant à Alexander, au professeur Variola et à Jacques Beauvais, doyen de la Faculté de génie, un courriel, afin de mettre « en évidence ses actions auprès d’une autorité supérieure qui pourrait ignorer la situation. »

Il ne peut s’empêcher « de faire des commentaires sur le manque flagrant de professionnalisme dont vous avez fait preuve dans votre courrier électronique ces derniers temps, et considère son message comme étant un « effort collectif pour essayer de faire face à ce comportement. » », auquel il a lui-même été confronté après avoir écouté les plaintes de proches prenant le cours.

Plaintes qui sont « devenues quotidiennes une fois que les courriers électroniques concernant la tricherie ont été envoyés ». Il explique également qu’Alexander ne pourrait pas s’en prendre à lui, de par sa position extérieure au cours. Louis affirme lui aussi avoir entendu des remarques tout au long du semestre, concernant l’approche de l’assistant de cours. 

Michael en appelle ainsi à la maturité et aux menaces utilisées par l’assistant, résultant du fait que certains membres de la classe auraient  « trop peur (qu’ils puissent) dire quelque chose de mal. » Il aborde de plus le fait que la période que l’humanité traverse est difficile en raison du coronavirus, et que de nombreux étudiant.e.s « se débrouillent à peine, se demandant s’ils vont obtenir leur diplôme et avoir des revenus alors que la seule chose qui vous importe est de chercher à faire respecter votre autorité et votre pouvoir sur les personnes en difficulté. »

Dans le courrier électronique de réponse, Alexander s’excuse à nouveau du message qu’il a transmis, de son comportement « intimidant, vindicatif, ou simplement méchant », et se dit prêt à accepter les conséquences de ses actes. Il accuse cependant les remarques incendiaires et désobligeantes de Michael, qu’il perçoit comme « une tentative d’atteinte à mon caractère au plus haut niveau administratif de la faculté, qui pourrait invariablement avoir des conséquences négatives graves et durables. »

Mais il se dit surtout inquiet des « retombées pour les étudiants pourraient être pires que prévu en raison de son ciblage sur le doyen Beauvais. » Avant de conclure, l’assistant de cours rappelle qu’ « enseigner et aider les autres est une passion fondamentale » pour lui, et qu’il souhaite aux étudiant.e.s le meilleur pour le reste de l’été, et les années à venir. 

Enquête en cours

Si Louis compte sur cette histoire pour servir de leçon à Alexander, afin que cela ne se répète « pas avec ses futurs étudiants », il ne pense pas que le candidat au doctorat « mérite d’être mis à la porte pour cela, [et que] cela devrait ruiner sa vie. » Michael, quant à lui, pense qu’il serait logique « que quelqu’un fasse de même pour [les] actions » de celui qui voulait « responsabiliser au maximum ses étudiants. »

La Rotonde a contacté Alexander Steeves et Jacques Beauvais mais ils n’ont pas souhaité s’exprimer à ce sujet. L’université à, quant à elle, répondu que « La Faculté de génie et l’Université ont été informées de cette situation ainsi que des allégations de fraude scolaire. [et] a pris les mesures appropriées dans ce genre de situation. » 

Mireille Gervais, directrice du Centre des droits étudiants, n’a pas pu s’exprimer sur le dossier, mais tient à rappeler que la fraude est passible de sanctions, allant d’une réprimande écrite à une possible expulsion de l’U d’O, en passant par  la note F pour le cours en cause, ou la suspension d’une bourse offerte par la faculté ou l’université.

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