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Smog
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Un ciel jaune, on étouffe !

Chaymaa Dinouri
5 juillet 2023

Crédit visuel : Dawson Couture – Co-rédacteur en chef

Article rédigé par Chaymaa Dinouri – Journaliste 

Ces dernières semaines, de manière spontanée, des nuages de fumée ont recouvert la ville d’Ottawa. Plusieurs personnes ont ressorti leurs masques ; certain.e.s ont préféré rester chez eux. Les écoles ont restreint les récréations extérieures et les sorties. Ce ciel gris, résultant de feux de forêt à quelques centaines de kilomètres de la capitale, suscite plusieurs réflexions. 

Jules Blais est professeur au Département de biologie et à l’Institut de l’environnement à la Faculté des sciences. Ce dernier étudie les changements climatiques, et plus spécifiquement l’histoire environnementale. Depuis presque 35 ans, Blais a analysé différentes couches sédimentaires afin d’essayer de comprendre les pages du livre d’histoire de l’environnement. Plus on analyse de couches, plus on recule dans le temps et on comprend le passé. 

La Rotonde (LR) : Quel est votre intérêt pour les feux de forêt parvenus dernièrement ?

Jules Blais (JB) : Parmi les sujets que l’on étudie dans l’histoire environnementale sont les origines des feux. Nous identifions des marqueurs chimiques et des sédiments qui nous aident à suivre les changements de température et d’humidité à travers le temps. L’histoire d’un feu peut être enregistrée en utilisant les sédiments, car on peut trouver des couches sédimentaires qui correspondent aux incendies. 

Dans plusieurs endroits, dont les forêts boréales, les prévisions démontrent que les conditions deviendront encore plus chaudes et sèches. Nous estimons que la fréquence des feux et leur intensité continueront à augmenter. Tout cela a été prédit et est prédictible. 

Je suis ces changements depuis 35 ans en tant que scientifique du climat. C’est difficile puisque ce que l’on voit aujourd’hui a été répété par les scientifiques pendant plus de 35 ans. Surtout pendant la dernière décennie, le climat est en train de nous dire : « Que pensez-vous de moi maintenant ? » Les gens se demandent toujours comment ils ont pu contribuer aux changements climatiques, mais nous commençons à peine à réaliser que le réchauffement climatique a été, depuis longtemps, un problème majeur. L’idée du changement climatique a près de 15 ans, mais les scientifiques le prévoient depuis 35 ans. 

LR : Quelles sont les causes des feux de forêt et du smog dans la région ?

JB : Cette année, nous faisons face à des températures élevées et un climat très sec. Quand les terres sont sèches, ce sol est plus amené à prendre feu. Les arbres consomment beaucoup d’eau et rejettent beaucoup d’eau. Un sol qui manque d’humidité est inapte à faire vivre des arbres.

Les forêts au Québec et en Ontario sont assez stables et on voit rarement des changements majeurs. On sait que ces dernières années, les prairies en Amérique du Sud, d’où proviennent beaucoup de nos produits agricoles, ont été anormalement fertiles. Il y a 200 ans, ces terres étaient des déserts non favorables pour les agriculteurs. Tout dépend de l’équilibre entre la température et l’humidité, la pluie et l’évaporation. 

La fumée que nous avons remarquée est une des conséquences des feux, ainsi que la fertilisation des sols. Les feux ont aussi un impact positif sur la biodiversité, puisqu’ils dégagent plusieurs neutrons et réaniment la succession forestière ce qui permet l’arrivée de nouvelles espèces. Cependant, on pourrait voir des changements dans la distribution des paysages, des endroits sans arbre, ainsi que la migration de certaines frontières forestières en raison de la température et de l’humidité. 

LR : Quelles sont les conséquences de cette situation sur la santé des personnes qui y ont été exposées ?

JB : La fumée produite par les feux est composée de produits combustibles qui sont toxiques. Cette fumée est encore plus dangereuse pour les gens ayant de l’asthme. Il faudrait limiter les explosions à cette fumée. Pour se protéger, il faut suivre les procédures habituelles, y compris le fait de porter un masque adapté et de rester à l’intérieur autant que possible.

LR : Quelles mesures pouvons-nous prendre pour essayer de limiter les feux de forêt dans le futur ?

JB : Il faut agir pour diminuer le niveau de carbone afin de rester 1,5 degré Celsius en dessous du niveau industriel. Il faut diminuer les émissions de carbone par une demie toutes les dix années pour atteindre la carboneutralité en 2050. Il faut essayer d’atteindre ce niveau-là, mais ce sera sans doute difficile. 

Nous voyons déjà l’avènement de certaines solutions comme les voitures électriques, l’utilisation de l’énergie solaire, ainsi que l’hydrogène. Ces stratégies peuvent être utilisées comme des alternatives pour limiter les émissions de carbone.

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