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Écrivains fantômes, ou la fraude scolaire payée au prix fort

31 octobre 2016

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Par Yasmine Mehdi

Travaux universitaires

Écrivains fantômes, ou la fraude scolaire payée au prix fort

À mesure que les arbres perdent leurs feuilles et que les soirées se rafraichissent, le rythme automnal s’impose à l’Université, et avec lui deux composantes incontournables de la vie étudiante : l’Halloween et la mi-session. Et s’il était possible de fêter allègrement sans se soucier des multiples travaux à remettre? Enquête sur le phénomène largement répandu des auteurs de travaux universitaires fantômes.

Le business multinational de la fraude scolaire

Première question pour comprendre l’étendue du phénomène : à quel point est-il facile de trouver un service d’écriture de travaux universitaires? La réponse est assez surprenante. Il suffit de quelques clics et d’une recherche Google pour que s’affichent des milliers de sites web sur l’écran.

Celui sur lequel La Rotonde clique se nomme Bestessays.com et se vante de « fournir aux étudiants des travaux authentiques depuis 1997 ». Après quelques recherches, on s’aperçoit rapidement que cette compagnie d’origine américaine est en fait une multinationale, qui semble avoir des antennes notamment au Royaume-Uni et en Australie. Le 29 octobre dernier, selon les informations publiées sous l’onglet « Activité du jour », près de 600 commandes auraient été complétées par 941 écrivains.

À côté d’une bannière « Sculptez des citrouilles, ne vous inquiétez pas des essais! » offrant un rabais de 20 %, La Rotonde clique sur le bouton permettant de passer une commande. Le tout semble assez simple. Il faut fournir nom, prénom, adresse courriel et numéro de téléphone. Plus bas, on demande des informations techniques sur le travail en question : sujet, nombre de pages, niveau de qualité (standard, premium ou platine) et même style de citation et nombre de sources académiques nécessaires. 

La Rotonde se prête au jeu. Pour un essai de qualité premium de dix pages, à remettre dans cinq jours, la facture s’élève à 290 $CAD (en comptant le généreux rabais de 20 %), à payer en totalité avant de recevoir le produit fini. À noter : il aurait été possible de commander un travail livré en trois heures. Autre service offert : la possibilité de choisir un auteur britannique, moyennant 10 % de plus.

En plus d’un live-chat disponible 24/7, on fournit un numéro +1888, pour les clients ayant des questions additionnelles. Après avoir composé le numéro en question, La Rotonde se fait passer pour une étudiante intéressée par le service et demande si elle devrait être inquiète des risques associés au plagiat. On lui répond : « Non. Avant que le travail vous soit remis, un de nos départements le fait passer par un logiciel pour s’assurer qu’il n’y a pas de plagiat. Nos écrivains professionnels l’écriront à partir de zéro. »

La piste Craigslist, faire affaire avec des particuliers 

Pour ceux préférant un contact plus personnalisé avec leur écrivain fantôme, on peut trouver des dizaines et des dizaines d’annonces répertoriant ce service sur des sites comme Craiglist et Kijiji.

Sur Craiglist, une annonceuse se vante d’avoir plus de 1000 clients satisfaits, garantit une note allant de 82 à 98 % et déclare même avoir « écrit plus de 30 thèses de doctorat ». Dans une autre annonce, on garantit que le travail sera fini dans les 24 heures suivant la commande.

Après avoir vu une annonce titrée « Écrivain d’essai – Étudiant au doctorat – Je vous obtiendrai un A » sur Kijiji, La Rotonde s’est encore une fois fait passer pour une étudiante intéressée. Concernant les risques d’être épinglé, l’annonceur se veut lui aussi rassurant : « Personne ne se fait jamais attraper à l’Université, parce que les professeurs ont trop d’étudiants pour même s’en soucier. En plus, je ne plagie jamais. » Pour un essai de 10 pages, il facture 300 $, et explique que ce service lui permet de gagner de l’argent pendant qu’il étudie, tout en aidant les étudiants qui ont besoin de bonnes notes. 

L’Université peut-elle s’attaquer à ce problème?   

Le Règlement scolaire 14 sur la Fraude scolaire est clair : « Remettre un travail dont l’étudiant n’est pas […] l’auteur » constitue une forme de fraude. On ne reconnait toutefois pas la différence entre plagier, par exemple, et faire appel à un service de rédaction moyennant une somme d’argent.

La Rotonde a demandé au service médias de l’Université d’Ottawa si l’administration était consciente de ce phénomène grandissant, et si des enquêtes avaient déjà été menées en ce sens. À date de publication, aucune réponse n’a été fournie.

En attendant, on peut bien imaginer à quel point il serait difficile pour un professeur, ou pour un assistant, de déceler un cas d’écriture fantôme. En effet, même s’il y avait des doutes à ce sujet, comment prouver hors de tout doute que le travail n’a pas bel et bien été rédigé par l’étudiant? La chasse aux fantômes s’avère donc pour le moins ardue.

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