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Arts et culture

Théâtre sur le campus : Les Reines (du carnaval)

7 Décembre 2015

Par Myriam Bourdeau-Potvin

Afin de souligner le 400e anniversaire du décès de Shakespeare, le metteur en scène et étudiant à la maitrise André Perrier a offert la fin de semaine dernière le fruit d’une exploration du mouvement chorégraphique transposé au théâtre. La pièce originale de Normand Chaurette, dramaturge derrière l’essai primé du prix du Gouverneur général « Comment tuer Shakespeare », présente le point de vue biscornu des femmes omniprésentes des œuvres shakespeariennes à travers six personnages qu’il nomme les reines.

Plutôt que de présenter la tragique mort d’un roi et les complots des hommes pour accéder au pouvoir, Les Reines dépeint la bisbille entre des femmes ambitieuses rappelant les reines d’un carnaval. Elles se battent pour une couronne finalement illusoire et n’ont comme pouvoir que de s’attaquer les unes aux autres. Entre la mort lente du roi et la jalousie des reines, le ridicule de la situation est accentué par des gestuelles extravagantes et des incohérences temporelles. Cette signature typique de l’écriture du dramaturge Normand Chaurette se caractérise par un « temps-accordéon; le temps s’étire et se rétracte, et quelques moments manquent entre chaque scène; ce sont ceux qui se trouvent dans les craques de l’accordéon ».

Perrier devait intégrer la chorégraphie au théâtre, mais selon ses dires, le texte résiste beaucoup aux mouvements. Le défi était donc de créer un univers dans lequel de nombreux mouvements étaient permis. Il en résulte une sorte de conte de fées déchues, entremêlé de pas-de-chats empruntés aux grands ballets, de chants folkloriques et de rictus de danse contemporaine. Les scènes s’enchaînent dans un château en décrépitude; les décors évoquent vaguement un hangar industriel vétuste, enseveli par une tempête de neige incessante et ponctué de semi-transparences glaciales et de dorures flétries, à l’image des personnages qui y évoluent.

Malgré les couteaux qui volent bas et les répliques cinglantes des reines, l’équipe qu’a créée le metteur en scène se devait d’être harmonieuse. Les actrices elles-mêmes admettent avoir construit leur personnage à partir d’exploration de mouvements : une grande partie du travail devait donc se faire en équipe. M. Perrier avoue d’ailleurs qu’en audition, il a observé les performances autant sur scène que hors-scène : « Elles étaient toutes en émerveillement devant le travail des autres et pour moi ça indique qu’il n’y aura pas d’égo [mal placé], que ce sont des gens qui vont s’entraider et travailler ensemble. » L’interprétation des personnages passait d’abord par ces mouvements, que celle interprétée soit jeune ou vieille, névrosée ou mutilée, bipolaire ou dépressive.

Finalement, les techniques de dynamo-rythme empruntées aux mimes, l’utilisation de formes géométriques dans les déplacements sur scène ainsi que la gestuelle personnalisée de chaque personnage permet à André Perrier de gagner son gage et il réussit avec succès à rendre dynamique une pièce qui aurait pu être aussi longue et pénible que la mort du roi Édouard.

 

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