Crédit visuel : Marianne Duval
Par Noémie Calderon Tremblay – journaliste
Mon premier est brechtien, mon deuxième est urgence, mon troisième est art. La réponse est Un conte de l’apocalypse, une pièce de théâtre à la fable écologique, présentée à la Nouvelle-Scène Gilles Desjardins (NSDG), du 28 janvier au 1er février 2020.
Écrite par Robert Marinier et mise en scène par André Perrier, Un conte de l’apocalypse interroge le sens de l’art, lorsque la crise climatique fait rage, par le biais d’un spectacle épique.
La pièce est jouée par des comédien.ne.s professionnel.le.s de la région, ainsi que par des étudiant.e.s du département de théâtre de l’Université d’Ottawa (U d’O).
Perrier raconte être très fier de la polyvalence et de l’habileté des étudiant.e.s : « ils font toutes sortes de choses, c’est impressionnant et ce n’est pas seulement moi qui le dit, les comédien.ne.s professionnel.le.s aussi sont ébahi.e.s. Il y a une chorégraphie de coulisses : il y a des tonnes de costumes, de changements et ils arrivent à tenir le coup ».
Remettre les pendules à Brecht
Dans ce spectacle qui brise le quatrième mur, Guy, le personnage principal, est convaincu d’être dans une pièce de théâtre : « lui, il est dans son drame bourgeois tandis qu’autour de lui, tout éclate : la Floride est sous l’eau, il n’y a plus rien dans les magasins, il y a des émeutes. Bref, c’est un véritable capharnaüm » décrit Perrier.
Au moment de l’écriture de la pièce, Marinier a voulu écrire sur l’écologie. Inspiré par le chaos des bouleversements climatiques actuels, l’auteur a choisi de camper son histoire dans un décor brechtien.
On y découvre des procédés de distanciation typiques de ce type de théâtre tels que la mise en abîme, l’ouverture des coulisses, les maquillages clownesques et la construction des personnages. Guy est l’unique personnage psychologique de la pièce. Les autres personnages sont dessinés « à de plus gros traits » explique Perrier. Ils représentent davantage des aspects de la société que de réels individus. Ils gravitent autour du centre qu’est le personnage principal.
État d’alarme, au théâtre
Marinier et Perrier portent tout deux un regard pessimiste en ce qui a trait à l’avenir de notre planète. La pièce est empreinte du désoeuvrement qui les habite, informent-ils.
Ils expliquent que cette dernière représente l’absurdité du théâtre et de l’art. Les deux artistes se questionnent sur la nécessité de faire des spectacles alors que la fin du monde est proche.
L’amorce du spectacle pose la question suivante : « les climatosceptiques seront-ils un jour accusé.e.s de crime contre l’humanité ? ».
L’auteur se confie : « je ne crois pas que si ça arrive ce sera aussi radical ». Il ajoute qu’il s’agirait du reflet d’un futur proche : « demain, la colère va être énorme. Les gens vont regarder notre époque et vont se dire : comment ça ils n’ont rien fait ? ».
Perrier dévoile que la thématique du réchauffement climatique lui tient à coeur autant qu’il trouve futile de la mettre en scène : « on va prêcher aux convaincu.e.s, qui eux-mêmes n’en font pas suffisamment. On va tous faire « oui, oui, il faudrait en faire plus » et après on va aller s’acheter de nouveaux vêtements dont on n’a pas besoin. Moi y compris ».
Si l’humanité doit heurter un mur, le metteur en scène préférerait que cela soit fait avec élégance. C’est là qu’il trouve la fonction d’Un conte de l’apocalypse : « faisons comme l’orchestre du Titanic, qui a continué de jouer même si le bateau coulait » illustre Perrier.
Marinier croit que « le rôle de l’art, c’est de faire bouger la culture. Ce qu’on crée affecte qui l’on est ».
Les représentations d’Un conte de l’apocalypse ont lieu jusqu’au 1er février 2020, à 19:30, toujours à la NSGD.