– Par Léa Papineau Robichaud –
« L’art, ça sauve la vie de tout le monde. Avant d’être des détenus, ce sont des êtres humains et l’art agit autant pour eux que pour n’importe qui d’autre. L’art, quand tu es en prison, c’est une façon de t’évader, sans t’évader. C’est une façon de sortir de la noirceur sans que ça fasse du mal, sans qu’il y ait des conséquences irrémédiables et néfastes. »
La comédienne Guylaine Tremblay a parlé avec son cœur à la fin d’une table ronde animée par Michel Picard et intitulée « Les femmes en prison : de la fiction à la réalité, de la réalité à la fiction ».
De fait, l’art serait d’une aide précieuse dans les milieux carcéraux. « L’art, c’est un réel moyen de réinsertion sociale. On l’a vu dans Unité 9 avec le « body mapping ». Je pense que c’est beaucoup moins confrontant de parler de cette manière-là que de parler à quelqu’un comme un psychologue », explique Sylvie Frigon, professeure de criminologie à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche facultaire « La prison dans la culture, la culture dans la prison ».
Cette dernière a d’ailleurs effectué un projet auprès de 80 détenues. L’objectif était de leur faire écrire des textes pour en faire un livre. Mélanie Morneau, directrice du Centre Elizabeth Fry de l’Outaouais, un centre qui aide les femmes lorsque vient le temps de la réinsertion dans la société, a accepté avec joie ce projet.
« Les femmes se sont senties importantes. Il y en a qui ne se rappellent même plus ce qu’elles ont écrit. C’est vraiment plus l’expérience d’avoir une dame de l’Université qui venait et qui veut lire nos textes. Je pense que ça a été une expérience qui a été appréciée parce que ce qu’elles avaient à dire était intéressant aux yeux des autres », raconte-t-elle.
Geneviève Fortin est une ex-détenue. Elle est retournée trois fois en prison avant d’en sortir pour de bon. Aujourd’hui, elle est intervenante auprès des détenues. Elle a même lancé son propre projet : « Art entre elles ». À travers ce projet, elle rencontre des femmes en processus de réinsertion sociale et leur propose différents projets artistiques. Mme Fortin rencontre cependant quelques obstacles.
« La répression, c’est vraiment ce qu’on observe. L’art, c’est le fun, et nous ne sommes pas supposées avoir du fun », avoue-t-elle. Elle souligne même un certain mépris de la part des gardiens envers son projet. « Quand des artistes venaient pour donner des ateliers, souvent les gardiens disaient de façon un peu méprisante : “Bon, c’est l’imaginaire qui arrive!” Tandis que les femmes détenues disaient : “Aye, c’est agir!” Donc, même les mots utilisés des deux côtés étaient très représentatifs de la philosophie du service de détention traditionnel. »
En Angleterre, des recherches ont prouvé que pour chaque livre sterling investie dans des programmes d’art pour des milieux carcéraux, 4,30 livres sterling sont économisées. Mme Frigon, en rappelant ces faits, affirme que l’art, en plus d’être un investissement, est un élément qui pourrait grandement aider une détenue.
« C’est une façon d’être citoyenne. La culture, c’est important, que ce soit la danse, le théâtre, l’écriture, la littérature ou la sculpture », conclut la professeure en criminologie.