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Regard sur les enjeux franco-ontariens et les mobilisations à venir

26 novembre 2018

Par Miléna Frachebois et Maève Burbridge 

La semaine dernière, le Premier ministre Doug Ford a annoncé de graves coupures dans les services pour les Franco-ontariens et la communauté ne compte pas se laisser faire si aisément.

Coupures et justifications

Les Progressistes-conservateurs de Ford viennent d’annoncer que le projet de l’Université de l’Ontario français (UOF) a été annulé, ainsi que le Commissariat aux services en français, dans le but de rembourser le déficit provincial. Conséquemment, la communauté franco-ontarienne est choquée et outragée par rapport aux coupures, puisque ces initiatives constituent des piliers centraux dans la francophonie ontarienne. Le Commissariat aux services en français, d’une part, « joue un rôle absolument essentiel pour la mise en œuvre de la loi sur les services en français », selon Ajà Besler de l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO). À la suite de plaintes véhémentes de la part des francophones, Ford a décidé d’intégrer la mise en œuvre de la loi sur les services en français au rôle de l’Ombudsman de l’Ontario.

D’autre part, l’annulation du projet de l’UOF a été particulièrement choquante pour les Franco-ontariens, puisque Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophones de l’administration Ford, a vivement annoncé le soutien du gouvernement pour le projet en juillet ; non seulement a-t-elle proclamé son appui pour le projet, elle a également annoncé que le gouvernement progressiste-conservateur prévoyait de contribuer davantage au financement du projet.

Lors de l’annonce de l’abandon du projet la semaine dernière, Mulroney a justifié la décision de couper l’UOF en faisant référence au fait que le gouvernement libéral précédent n’avait commencé la planification et le financement pour l’Université qu’en 2017, et qu’il n’était donc pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle ouvre ses portes en 2020, comme les libéraux l’avaient prévus. Ce n’est tout de même pas un raisonnement infaillible pour annuler le projet. Le gouvernement n’aurait-il pas pu repousser le projet, sans pour autant l’abandonner complètement ?

D’après Lydia Philippe de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), « la jeunesse franco-ontarienne est très déçue. Ils attendaient le projet de l’UOF. Plusieurs d’entre eux planifiaient justement aller à cette université. Ils se sentent trahis par le gouvernement ». De surcroît, Ford avoue ne pas avoir consulté de regroupements franco-ontariens avant de faire les coupures. Trevor Stewart, étudiant en 2ème année à l’Université d’Ottawa et leader et fondateur de la FPIFO, pense que les politiques de Ford sont hypocrites car, selon lui, Ford veut prendre l’argent pour s’assurer qu’il est réélu : « pour moi son affaire, c’est complètement électoral ». Trevor mentionne aussi un autre élément qui pour lui, rend le gouvernement de Ford menteur. « Le budget pour l’Université de l’Ontario français ainsi que le Commissariat aux services en français, c’est 0.025%, c’est ridiculement petit ! » s’exclame Trevor.


Réaction des jeunes

Les coupures aux services pour les francophones ont provoqué une mobilisation importante chez les jeunes Franco-ontariens. Au cours de la dernière semaine, le Premier ministre Ford aurait été bombardé de messages de jeunes Franco-ontariens vexés par les coupures aux services qui leurs sont chers, vu qu’il fournit son numéro de téléphone personnel au public qu’il représente pour donner la chance à chacun de communiquer directement avec lui. L’ACFO dit également recevoir des messages de jeunes francophones en colère à ne plus en finir.

Dans une optique similaire, plus de manifestations s’organisent à travers la province le 1er décembre à 13 h. À Ottawa, la manifestation centrale pour revendiquer les droits et services des Franco-ontariens aura lieu devant le Monument canadien pour les droits de la personne sur la rue Elgin, mais il y aura également trois autres manifestations parallèles devant les bureaux des députés progressistes-conservateurs à Kanata, Merville et Barrhaven, afin de permettre à tous les habitants d’Ottawa de se retrouver dans une des manifestations proches de chez eux.

Tous les Franco-ontariens que La Rotonde a interrogés ont avoué partager régulièrement des publications sur les réseaux qui visent à dénoncer les injustices commises, les effets que cela peut avoir sur la communauté, afin de faire connaître à un maximum de personnes, et ainsi de mobiliser les gens. Si on se concentre même sur les réseaux, on peut admirer de nombreux tweets de Franco-ontariens en colère, avec le hashtag #francoontarien ou #gouvernementford.

Le projet de l’Université franco-ontarienne semble préoccuper d’autant plus les jeunes, qui ressentent la nécessité d’avoir davantage d’institutions post-secondaires francophones. Katherine Roy, étudiante franco-ontarienne, se désole du sort que l’on réserve à un projet aussi sensé que celui de l’UOF. Pour elle, « c’était l’occasion d’avoir son propre endroit pour avoir son éducation. De cette manière, on était pas obligé de sacrifier ses choix scolaires ».

La lutte pour une université de langue française en Ontario n’est toutefois pas une nouveauté. Selon Philippe, « les Franco-ontariens ont lutté pendant 40 ans pour la réalisation du projet de l’UOF », et le fait de l’annuler constitue une « promesse brisée à l’égard de la jeunesse franco-ontarienne ».

Regroupements Franco-ontariens

Les organismes qui représentent les Franco-ontariens déplorent ouvertement les décisions du gouvernement Ford. François Hastir, directeur général du Regroupement des étudiants franco-ontariens (RÉFO), déclare que « les organismes francophones se sont réunis dimanche et le consensus est clair : le gouvernement doit rétablir à la fois le financement prévu initialement pour l’Université de l’Ontario français, et rétablir le Commissariat aux services en français dans son intégralité. Rien de moins. » Clairement, les représentants de la francophonie ontarienne ne comptent pas laisser faire leur communauté. L’ACFO affirme même avoir reçu le soutien du gouvernement québécois, de la communauté acadienne ainsi que de multitudes d’Ontariens anglophones dans leur combat contre les coupures à la francophonie. Bref, les organismes qui représentent la francophonie en Ontario se réunissent pour contester ensemble les décisions de Ford d’une voix d’autant plus puissante. Comme l’a affirmé Stewart, « les Franco-ontariens ne vont pas se laisser piler dessus ».


Une inquiétude qui rôde dans l’esprit des gens

La communauté franco-ontarienne est en colère, mais aussi bien inquiète des nouvelles décisions du gouvernement Ford. Katherine Roy, étudiante de 2ème année en histoire, dit être vraiment préoccupée pour l’avenir de sa communauté. Le fait que le gouvernement ontarien soit capable de faire des coupures aussi grandes que cela ainsi que d’annuler des projets qui étaient promis depuis des années comme l’Université ne la font plus se sentir en sécurité dans sa province, selon Roy. Maxime Bernier est aussi alarmé par les réformes : il avoue avoir peur pour sa communauté ainsi que pour la province de l’Ontario qui deviendrait de plus en plus anglophone, et qui perdrait la richesse d’avoir une identité franco-ontarienne. Trevor quant à lui dévoile son inquiétude à travers des chiffres : « on voit les chiffres diminuer année par année de Franco-ontariens ». Il prend exemple sur ses amis d’enfance, ses voisins, qui, aujourd’hui, ne parlent plus français et ne le comprennent plus parce qu’ils ont été complètement assimilés. Il met la faute sur le fait qu’on insiste pas assez sur l’importance de parler français, mais aussi sur l’environnement qui n’est pas assez favorable.

QU’EN PENSE LA COMMUNAUTÉ DE LA RÉGION ?

« Le commissariat joue un rôle absolument essentiel pour la mise en oeuvre de la loi sur les services en Français » – Ajà Besler, ACFO


« Clairement, les Franco-ontariens ne sont pas importants pour Ford » -Ajà Besler, ACFO


« Ça fait plus de 30 ans que les francophones se battent pour leur université ; si le gouvernement avait vraiment à cœur ce projet et si, comme il le prétend, il désirait « réparer les erreurs du précédent gouvernement », la solution serait simple : il ouvrirait les canaux de discussions avec nos organismes, et il continuerait à mettre tout en oeuvre pour que l’UOF puisse voir le jour » – Kelia Wane, coprésidente du REFO


« Les résidents d’Ottawa sont inquiets. Ils veulent passer à l’action. La communauté se rallie. » -Ajà Besler, ACFO


« La communauté demande depuis quelques temps une refonte et une modernisation de la Loi sur les services en français, et un élargissement du rôle et des pouvoirs du commissaire. La décision d’éliminer ce poste va directement à l’encontre des besoins et désirs de la communauté. » -communiqué de presse de l’ACFO.


« L’absence de l’UOF crée une pénurie dans l’accès à l’éducation en français, particulièrement l’éducation gérée par et pour les francophones. » – communiqué de presse de l’ACFO


« Les organismes francophones se sont réunis dimanche et le consensus est clair : le gouvernement doit rétablir à la fois le financement prévu initialement pour l’Université de l’Ontario français, et rétablir le Commissariat aux services en français dans son intégralité. Rien de moins. » – François Hastir, directeur général du RÉFO


« La jeunesse franco-ontarienne est très déçue. Ils attendaient le projet de l’UOF. Plusieurs d’entre eux planifiaient justement aller à cette université. Ils se sentent trahis par le gouvernement » – Lydia Philippe, FESFO


« Le fait d’annuler l’UOF constitue une promesse brisée envers la jeunesse » – Lydia Philippe, FESFO


« Les Franco-Ontariens ont lutté pendant 40 ans pour la réalisation du projet de l’UOF» – Lydia Philippe, FESFO


« C’était un projet qui allait “contribuer largement à la culture, à l’épanouissement et aux emplois disponibles pour les Franco-ontariens” » – Lydia Philippe, FESFO

« Nos droits sont en train d’être estompés » – Trevor Stewart, leader et fondateur du FPIFO

« On est une minorité qui se bat depuis des centaines d’années pour être capable d’avoir des services en français, d’être capable de travailler en français, etc. » – Katherine Roy

« On veut assurer la prospérité et la promotion de notre langue, notre culture, nos traditions en tant que communauté » – Trevor Stewart

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