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Faut que ça bouge pour combler les écarts

Illustration Andrey Gosse 

Par : Gabrielle Lemire, cheffe du pupitre Actualités

 

L’écart salarial au Canada est loin d’être comblé, selon les dires de nombreuses intervenantes du panel de discussion qui prenait place à l’Université Saint-Paul vendredi. En effet, les femmes âgées de 15 ans et plus au Canada ont gagné 0,87 $ pour chaque dollar qu’ont gagné les hommes en 2017.

Ces données proviennent de l’Enquête sur la population active menée à l’échelle nationale en 2017 par Statistique Canada qui stipule également qu’il faudrait au Canada 150 ans pour atteindre cette équité salariale. C’est cette thématique qu’a voulu explorer l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (Affc) lors de l’organisation du panel. Celui-ci comprenait notamment Bilan Arte, représentante nationale du service de la condition féminine et des droits de la personne au Congrès du travail du Canada.

Celle-ci explique qu’au-delà de l’écart salarial entre les sexes, il existe au sein même de la communauté féminine des différences et des discriminations : « Si on parle de différences, ce n’est pas pour les souligner, mais pour se rappeler que le sexisme existe dans une société où on retrouve de l’oppression », affirme Arte.

« Célébrez-vous. Célébrez tous vos efforts et vos réussites. » – Grace K Busanga

Bouchées doubles

La député provinciale d’Ottawa-Vanier Nathalie DesRosiers, également de la partie pour le panel, a abordé cette difficulté du monde du travail en parlant du club de lecture de femmes qu’elle avait initié dans les années 1980. « On avait du mal à obtenir des promotions, alors on se créait nos propres prix, nos propres certificats et on se les décernait entre nous », confie-t-elle en riant. Malgré les trois décennies qui séparent la société actuelle de cette époque, l’équité n’est pas encore atteinte en 2019.

C’est ce que déplore Lyne Chantal Boudreau, présidente du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick et professeure-chercheure à l’Université de Moncton : « Quand est-ce que je vais lever mon verre de champagne en disant : “Ok, on est rendues là” ? », s’interroge-t-elle au sujet du jour où les hommes et les femmes seraient rémunérés équitablement au Canada. Rappelons que selon Statistique Canada, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes « équivaudrait à 47 jours où les femmes travailleraient sans être rémunérées si on présume que les femmes ont travaillé le même nombre d’heures que les hommes pendant l’année ».

« En 2017, les femmes âgées de 15 ans et plus au Canada ont gagné 0,87 $ pour chaque dollar qu’ont gagné les hommes. »  – Enquête sur la population active, Statistique Canada

Mais pourquoi cet écart ?

Les panélistes se sont également penchées sur les causes possibles de ce manque d’équité. DesRosiers fournit trois raisons ciblées qui creusent l’écart : la fonction des soins associés à la femme, le statut des femmes qui sont plus nombreuses à travailler à temps partiel et la négociation du salaire d’entrée. Elle ajoute que l’écart pourrait entre autres être diminué en poussant pour que davantage de femmes siègent aux conseils d’administration des organisations.

Soins non rémunérés

Au sujet des femmes avec qui l’on associe les fonctions des soins, Renée O’Neill, la propriétaire de la marque de vêtements Entk, explique que c’est souvent la femme qui prend sur ses épaules le travail émotionnel à la maison, en plus de poursuivre une carrière. Celle-ci se confie sur le fait qu’elle travaille à domicile pour pouvoir s’occuper de son fils qui se situe sur le spectre de l’autisme : « Dans mon entourage, ce que je vois, c’est que dans 90% des cas, c’est la mère qui met sa carrière de côté pour l’enfant », constate-t-elle. O’Neill se confie également sur l’épuisement qui la guette non seulement elle en tant que mère, mais qui guette de nombreuses femmes dans sa situation.

Gentillesse toxique

Quant à la négociation du salaire d’entrée de certaines positions au sein d’une entreprise, O’Neill se prononce plus largement sur la manière dont les parents élèvent les filles en leur parlant « de manière pernicieuse », les orientant vers des valeurs comme la gentillesse, l’humilité, la serviabilité. « Ça mène à la gentillesse toxique », explique l’entrepreneure. Cette gentillesse toxique est à l’origine de la volonté de plusieurs femmes à en faire toujours plus que leurs homologues masculins afin de mériter leur place une fois en poste dans un emploi. « Malgré tout ce que je faisais, on ne croyait pas en moi, en mon leadership », partage Bilan Arte, lors du panel. Grace K. Busanga, fondatrice de la compagnie Avec Grace, abonde dans le même sens en soulignant qu’en tant que femme, elle se sent poussée à toujours en faire plus que ce qui lui est demandé, toujours faire ses preuves et prouver qu’elle est digne d’être en poste. Cette dernière intime aux femmes de ne pas avoir peur de s’auto-récompenser pour les efforts investis : « Célébrez-vous. Célébrez tous vos efforts et vos réussites », recommande-t-elle.

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