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Quand je serai grande, je voudrais vivre dans une ville sécuritaire

20 novembre 2019

 Crédit visuel; Loïc Gauthier Le Coz 

Par Noémie Calderón Tremblay — Journaliste

Angoisse, catcalling, vigilance extrême, manspreading. Ces mots évoquent probablement des expériences familières pour les femmes qui vivent en ville. En effet, selon notre genre, nous n’avons pas la même perception de l’espace public. Comment se sentir en sécurité, en tant que femme, dans un espace construit par et pour la gent masculine ?

Comme tant d’autres femmes, je réalise que j’adopte des comportements particuliers quand je me retrouve dans un espace public. Selon notre genre, nous n’avons pas la même perception de l’espace public. Je réagis à l’insécurité que je ressens dans des endroits publics, une insécurité qui n’affecte que très peu les hommes.

J’ai donc décidé de retracer mon intériorisation d’une vigilance et d’une insécurité lors de mes déplacements dans l’espace urbain et d’en chercher les sources.

Je sais que je ne suis pas la seule femme à avoir expérimenté une telle angoisse car les femmes vivent des incidents de harcèlement et de violences basés sur le genre dans les rues de manière régulière. En fait, selon l’organisation Stop Street Harassment, en 2015, 80 % des femmes canadiennes ont été victimes de harcèlement dans des endroits publics.

Retracer ma peur

J’ai commencé à prendre l’autobus public à 12 ans pour me rendre à l’école secondaire. Ma mère était très inquiète. Elle me bourrait le crâne de peurs, me répétait de faire attention aux inconnu.e.s, de ne pas me promener en bus la nuit et de toujours me déplacer en grand groupe.

Plus tard, lorsque j’ai voyagé en Amérique du Sud et en Europe, j’ai fait la connaissance de ce qu’on appelle le catcalling ou le harcèlement de rue. Une expérience que j’ai trouvé plutôt humiliante. Lors d’une discussion avec des amies provenant de quartiers moins favorisés que le mien, j’ai appris que le catcalling existait aussi au Canada. J’ai par la suite expérimenté moi-même ce catcalling lorsque je me suis mise à la course et à m’habiller pour sortir dans les bars, ici, au Canada.

Par conséquent, j’ai dû développer mes propres moyens de protection. Par exemple, je garde ma clé entre mes doigts quand je marche le soir, j’évite certains quartiers et je marche toujours rapidement, avec la tête haute et confiante pour ne pas sembler vulnérable. J’ai été surprise de constater que ce sont des comportements acquis et banalisés par la majorité des femmes avec qui j’ai pu en discuter.

Jeune, j’ai appris que la ville était un lieu dangereux avant même d’avoir vécu une expérience qui me le fasse comprendre. Et ce, malgré le fait que je suis une femme blanche cisgenre qui vit dans un pays démocratique et soi-disant égalitaire.

La ville : lieu sexiste ?

Il y a de ça pas si longtemps, l’espace public était un lieu pour les hommes et l’espace privé un lieu pour les femmes. La ville a donc été construite par et pour les hommes.

Un bon exemple de cet héritage sexiste est la toponymie, soit la science qui a pour objet l’étude des noms qu’on attribue aux endroits en ville. Autrement dit, c’est l’étude des noms de bâtiments, de rues, de boulevards ou encore de parcs.

Pour ce domaine, les femmes sont sous-représentées, voire pratiquement invisibles. La Commission de toponymie du Québec a évalué que seulement 11,7 % des emplacements nommés portent le nom d’une femme.

On a peut-être l’impression que ce n’est pas si grave mais ça peut avoir un impact sur la manière dont les femmes comprennent leur place dans l’espace public. On assimile, sans le savoir, qu’il n’y a pas beaucoup de femmes qui ont été suffisamment importantes au fil de notre histoire pour qu’on veuille graver leur nom quelque part.

Bien que les femmes occupent maintenant davantage d’espace public, on vit encore sur les fondations de cette division. En effet, l’architecture, l’urbanisme, la construction, la mobilité, le transport et la politique sont encore des secteurs majoritairement masculins, pour ne pas dire homme blanc de 50 ans.

La vision des femmes est généralement très sous-représentée dans l’élaboration urbaine. Alors, comment intégrer des spécificités urbaines autres que celle de l’homme standard lorsqu’il n’y a que des hommes en charge ? La solution est simple : il faut assurément plus de femmes dans ces domaines.

L’urbanisme féministe, ça existe

L’urbanité féministe ça ne veut pas dire construire des bancs de parcs roses et ce n’est pas non plus construire les choses pour les femmes seulement.

Il s’agit plutôt de penser l’espace pour tous, que ça soit pour les femmes, les enfants, les vieillards, les personnes en situation de handicap ou bien les minorités visibles.

Il faut remettre en question l’organisation urbaine : la division de l’espace, l’accès à l’espace public ainsi que l’offre des services de sécurité pour les personnes en situation de vulnérabilité.

L’élaboration urbaine doit s’orienter vers la construction de lieux où tous se sentiraient en libres, confortables et en sécurité. Ce sont des choses qui peuvent sembler bien logiques et même complètement évidentes, mais dont on ne parle pas suffisamment.

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