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Arts et culture

S’endolorir au nom de l’art

Arts et culture

Par Emmanuelle Gingras – Cheffe du pupitre Arts et culture

Le corps est un outil pour tout artiste, qu’importe le domaine. J’en suis venue à la question suivante : à quel point le corps peut-il être mutilé pour se porter à la parole ? Sans nier son importance et le respect qu’on lui doit, je crois fortement que des limites ne peuvent lui être imposées si celui-ci souffre pour l’art.

Thérapie présentée au grand public ?

Que dire, par exemple, d’une personne comme Flanagan, souffrant de fibrose kystique et de sadomasochisme, où son corps mutilé le rendait complètement en contrôle de sa maladie à laquelle il était soumis ?

Il s’agissait d’une déviation de sa propre souffrance, d’une pleine constatation de son corps. Ainsi, peut-on lui en vouloir de s’être cloué le scrotum à grand public ? Non. Le dépassement du corps a pu, dans le cas échéant, devenir un élément thérapeutique non pas seulement pour lui-même, mais peut-être pour le public qui témoigne d’une approche du désir controversé et auquel il s’identifie peut-être. Pourquoi garder dans le silence « sa maladie » ?

Si nous parlons encore de mutilation, mais dans ce cas à des fins politiques, je crois que le discours est le même. Quoi de mieux pour activer la discussion que de pousser les limites d’un concept ?

Au-delà des artistes qui véhiculent par le dépassement des limites du corps, plusieurs théoriciens artistiques proposent un travail intérieur plutôt tortueux, une exorcisation par les émotions, pour atteindre un résultat final.

Prenons ici Konstantin Stanislavski. Sa doctrine très répandue dans le jeu encore aujourd’hui propose un processus centré sur l’expérience personnelle de l’acteur et la transmission de ses émotions dans un contexte de théâtre. On demande ainsi à l’acteur de revivre des moments difficiles, ou joyeux. N’est-ce pas torturant d’enfoncer le couteau dans la plaie ? Je ne crois pas que l’art est un processus qui peut se faire pertinent s’il est abordé selon un concept extérieur à l’artiste. Ainsi, oui, sa participation complète ne devrait pas être refusée puisqu’une constatation plus complète des concepts peut être faite.

Attirer l’attention ?

Si certaines formes d’art se veulent flamboyantes, vides de contenu et produits de vente, pourquoi les taire ? Ne deviennent-elles pas en soi un moyen de discuter de la corruption ?

On demande la liberté d’expression, alors pourquoi le destin du corps en art se doit-il d’être limité par la convention alors qu’il ne demande qu’à la remettre en question ?

Bon, on me dira que certaines limites doivent être imposées, car le respect de soi est important. Revenons ici au sujet ; nous parlons ici de contexte artistique. Si nous sommes si bien protégés par des structures autour de nous, l’art ne peut avoir de limite puisqu’il est un laboratoire de la science éthique.

Que le public s’exorcise avec l’artiste, qu’il devienne participant. Non pas seulement artificiellement, protégé par la convention et le « semblant ». L’art constate. L’art est intrusif. Il peut devenir ce qu’il veut.

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