– Par Émilie Deschamps –
Ottawa devrait avoir deux sites d’injection supervisée, recommande une étude de l’Évaluation de la consommation supervisée de drogues à Toronto et Ottawa (TOSCA), menée par le docteur Ahmed M. Bayoumi de l’Institut de recherche en santé du Canada et Carol Strike, professeure associée à l’Université de Toronto.
L’étude recommande également que ces sites soient «intégrés dans un organisme qui existe déjà». Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs se sont basés, entre autres, sur le nombre d’utilisateurs de drogues injectables, sur leur répartition dans la ville et sur l’intérêt qu’ils ont démontré face à un tel projet. Les chercheurs ont constaté que, contrairement à Vancouver, où les consommateurs de drogues injectables sont regroupés dans un seul quartier, ceux d’Ottawa sont présents dans plusieurs quartiers, d’où la nécessité d’avoir deux sites.
L’étude en question a été présentée lors d’un panel organisé par la Campagne pour des sites de consommation plus sécuritaires à Ottawa (CSCS Ottawa). Tara Heighton, du Bureau des services à la jeunesse d’Ottawa, a également participé au panel. Elle en a profité pour faire part de son expérience en tant qu’ancienne utilisatrice de drogues injectables
« Nous avons échoué en tant que société »
Pour Mme Heighton, « […] les addictions existent parce que nous avons échoué en tant que société. Nous avons échoué à aider les gens à sortir de la pauvreté, nous avons échoué à protéger nos enfants contre les abus […], mais notre plus grand échec, c’est que lorsque des gens, en période d’extrême souffrance, se tournent vers les drogues pour se sentir mieux, plutôt que d’offrir notre aide, nous choisissons de les ignorer et de les juger ». C’est une des raisons pour laquelle elle soutient la création d’un site d’injection supervisée à Ottawa.
«Les politiques de réduction du dommage sont une manière de reconnaître que les gens qui utilisent des drogues sont des êtres humains qui méritent d’être en santé, et […] une manière de leur dire “On te voit et on t’aime, non pas malgré le fait que tu prennes de la drogue, mais pour ce que tu es, c’est-à-dire, un être humain”», a poursuivi Mme Heighton.
Overdose et SIDA à Ottawa
Ottawa et Toronto sont les deux villes ontariennes où l’on retrouve le plus d’utilisateurs de drogues injectables et c’est pourquoi le rapport TOSCA se penche sur ces deux cas. De plus, «c’est à Ottawa que l’on retrouve le nouveau taux plus élevé d’infections au VIH chez les usagers de drogues injectables en Ontario», soit 11 %, peut-on lire dans le rapport. Pour ce qui est de l’hépatite C, le taux s’élève à 60 %. Selon la CSCS Ottawa, au moins 36 personnes sont mortes d’overdose à Ottawa l’an dernier. Pour le groupe, ces morts et les transmissions de maladies pourraient être évitées grâce à un site d’injection supervisé.
Le public, plus ouvert que les élus
Selon le Dr Bayoumi, la Ville d’Ottawa et le maire n’ont pas réagit publiquement à la publication de ce rapport. «Lorsque notre rapport est sorti, le ministre de la santé a dit le jour même que, essentiellement, il n’était pas utile pour elle et qu’elle n’approuverait pas les sites d’injection supervisée et le premier ministre […] a réaffirmé son opposition», a expliqué le Dr Bayoumi.
Toutefois, le rapport a été présenté lors de plusieurs assemblées publiques. «Nous avons eu beaucoup de questions, mais en général, les gens ont été très encourageants», explique le Dr Bayoumi. Le rapport TOSCA a aussi évalué l’opinion publique au sujet des sites d’injection supervisée, ce qui leur a permis de constater qu’entre 2003 et 2009, il y a eu une forte augmentation des personnes favorables à de tels centres. En 2009, plus de 50 % des résidents ontariens interrogés étaient fortement en accord avec l’idée d’instaurer des sites d’injection.
Une des principales oppositions que les chercheurs ont rencontrée auprès du public est l’impact qu’un site d’injection pourrait avoir sur les entreprises et les résidences avoisinantes, entre autres, au niveau de la valeur marchande des édifices.