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Arts et culture

S’affirmer en tant qu’artiste émergente avec Gamou Diop

22 novembre 2020

Crédit visuel : Tani Olorunyomi – Contributeur

Par Aïcha Durcharme-Leblanc – Journaliste

La compositrice et chanteuse de la scène Ottavienne Gamou Diop a sorti en octobre dernier une nouvelle chanson intitulée Jongler. En attendant la sortie de son premier album Anesthésie, prévue pour janvier, l’étudiante en communications à l’Université d’Ottawa se livre sur ses inspirations, son expérience en tant que jeune femme noire dans l’industrie de la musique, et sur son projet à venir. 

La Rotonde (LR): Comment avez-vous commencé à chanter ?

Gamou Diop (GD) : Je ne me souviens même pas d’une période exacte où je te dirais que j’ai commencé à chanter, parce que c’est comme si la musique avait toujours été là. Mais, je me souviens quand même d’une période durant laquelle j’ai commencé à être un peu plus persistante dedans, à beaucoup chanter, à beaucoup aimer ça : c’était quand j’ai commencé à jouer du piano. 

Mes parents apprenaient des instruments ; ma mère, le piano, et mon père, le saxophone. Donc j’entendais tout le temps des mélodies qui me parlaient. Pendant cette période, j’aimais chanter, apprendre des chansons, faire des karaokés. Je pense qu’à cette époque, j’avais sept ou huit ans. 

LR : Dans votre nouvelle chanson Jongler, qu’est-ce qui a inspiré le changement de style pour la pop alors que la plupart de vos autres titres sont de style rhythm and blues (R&B) ? 

GD : Ce n’est pas comme si j’arrêtais carrément le R&B pour faire de la pop, mais je vais vraiment avec mon mood. Donc quand j’écrivais du R&B, c’était le mood dans lequel j’étais.

Mais, le choix de la pop, c’est parce que j’essaie toujours de m’améliorer, d’avancer dans ma vie […]. Je me sens bien, je veux composer une chanson qui va avec cette dynamique. Je compose en fonction de mon état d’esprit. 

LR : Dans Jongler, vous racontez les histoires de femmes qui se font séduire par le même homme. Est-il important pour vous de faire la lumière sur cette réalité ?

GD : C’est quelque chose qu’on voit souvent [un homme qui joue avec les émotions de plusieurs femmes], après au lieu d’en parler un en mode « tu me blesses », ou encore « tu as voulu jouer avec nous », j’ai voulu utiliser un air plus moqueur, qui dit « en fait, toi ça ne va pas non » avec de l’attitude.

Je voulais vraiment parler d’un problème qu’on voit souvent, mais pas dans une position de victime, plutôt dans une position de quelqu’un qui ne peut pas être dupée et qui répond à cette situation. On a vu tant de cas où un homme drague toutes les filles d’un même groupe et sans problème, alors que ça ne se fait pas.

LR : Quel a été pour vous le plus grand défi de votre carrière jusqu’à présent ?

GM : Le plus gros défi, c’est vraiment de pouvoir équilibrer tout ça ; de rester alignée par rapport à comment les gens me perçoivent, par rapport à moi et à ce que je dégage. J’essaie d’être fidèle à moi-même, à mes philosophies et à ne pas être emportée par l’opinion des autres.

Quand on est artiste, c’est dur, il y a plein de gens qui ont une perception de nous […]. Tu sais que ces gens te veulent du bien, mais tu sais que tu ne veux pas juste faire les choses pour les autres. Trouver le bon milieu entre faire les choses pour plaire aux autres, et faire les choses pour soi-même, c’est un défi. 

Après, un autre défi c’est celui d’être une femme noire dans cette industrie. Parce que déjà en étant une femme, on fait face à beaucoup de sexisme. Mais quand tu es une [femme] noire, c’est du racisme et du sexisme, car dans cette industrie, on ne respecte pas beaucoup les femmes noires. Il y a plusieurs cas où on fait face à des discriminations, ou bien qu’on n’a pas accès à certaines plateformes, à certaines opportunités parce qu’on est une minorité.

J’ai déjà été à un show où la personne m’a invitée pour faire une performance. Elle a littéralement fait une affiche pour que je fasse la promotion de l’événement […]. [Le jour de l’événement,] on m’a fait attendre des heures et des heures  […] et à la fin, je n’ai même pas fait ma performance. C’est ce genre d’incidents qu’on voit, alors que d’autres artistes blanc.he.s sont priviligié.e.s. Vu que je ne peux pas les changer [ces cas de racisme et de sexisme], j’essaie juste de rester positive et de trouver le bon côté des choses. 

LR : Votre premier album sort en janvier, de quoi va-t-il traîter ?

GM : L’album Anesthésie c’est comme un voyage vers l’anesthésie. C’est vraiment une métaphore. L’anesthésie c’est ce qui fait qu’on ne ressent pas de douleur pendant les chirurgies. Dans mon cas, c’est l’anesthésie de la vie, c’est-à-dire les expériences qui m’ont assez touchée jusqu’à me ramener à un état de neutralité. La neutralité que donne l’anesthésie à l’hôpital, c’est la neutralité que la vie m’a donnée. Une neutralité avec laquelle ce qui me faisait mal, ce qui me blessait, et ce qui me faisait du bien avant, n’ont plus d’effet sur moi aujourd’hui. Ce n’est pas pour dire que je ne sens rien à 100 %. Je pense que tout le monde est anesthésié.e dans cette vie ; quand tu grandis, plein de choses, que ce soit du bien ou du mal, ne te font plus rien. 

Dans l’album, j’ai suivi une suite logique [dans l’ordre des chansons] ; je passe de mon état de naïveté, quand j’étais un peu plus innocente, à la personne un peu plus dure qui ne prend plus beaucoup les choses, que je suis aujourd’hui. Au début de l’album, je retourne dans mes émotions de quand j’avais quatorze ou quinze ans, quand j’étais innocente, naïve, douce. Puis je commence à remonter dans l’amertume, jusqu’à l’anesthésie. C’est vraiment un voyage, c’est mon parcours émotionnel.

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