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Par : Charley Dutil-Journaliste
Avec la campagne du service du logement de recrutement de conseiller communautaire (CC) en plein vol pour l’année scolaire 2018-2019, La Rotonde a pris connaissance de nouvelles plutôt troublantes au sujet des responsabilités entourant ce poste convoité par tant d’étudiant.e.s. Pour plusieurs, il semblerait être un travail idéal. Cependant, selon plusieurs témoignages recueillis, les pressions exercées et l’intrusion dans la vie privée des étudiant.e.s en résidence transforment rapidement l’expérience en cauchemar, amenant rapidement à un épuisement émotionnel, physique, moral et à un profond questionnement éthique. En raison de la confidentialité imposée par l’Université d’Ottawa (U d’O), les CC mentionnés dans cet article s’expriment sous le couvert de l’anonymat.
Le mythe de la résidence gratuite
Pour plusieurs, l’attrait de l’emploi vient de la promesse du logement supposément gratuit pour les CC, mais ceci est un mythe. Tous les CC auxquels nous avons parlé l’ont démenti, le prix du logement est simplement déduit de leurs salaires, qui sont déterminés par le nombre d’étudiant.e.s dont les CC s’occupent. Le salaire réellement perçu par ceux-ci, avec lequel ils doivent vivre et se nourrir, avoisine alors entre 40 à 90 $ bihebdomadairement.
Une somme loin de renvoyer à la charge de travail que représente cette responsabilité. Une ancienne CC nous a affirmé que pour elle « c’est un emploi 24/7 et non un emploi à temps partiel ». Un autre CC souligne également que le service du logement de l’U d’O les « décourage d’avoir un autre emploi à temps partiel ». L’un de ses confrères souligne, en renvoyant à leur réalité financière, que pour être CC « tu dois bien aimer les sandwiches au beurre d’arachide ». Rachelle Clark, directrice du Service du logement de l’U d’O, rappelle pour sa part « qu’il s’agit d’un emploi à temps partiel qui occupe 15 à 20 heures ». Clark affirme ne pas être « au courant de pression [des] coordinateurs envers les CC concernant un deuxième emploi ».
Le français inexistant en résidence
Le seul critère obligatoire pour travailler au Service du logement est que l’appliquant doit être bilingue, francophone et anglophone. Cependant, la qualité du français ne semblerait pas très importante, fait remarquer un des CC rencontrés par La Rotonde. Ce dernier note aussi « qu’aucune réunion entre les CC et autres employés du Service du logement se déroule en français ».
Alors que le CC en question précise avoir formulé une plainte à ce sujet, il explique qu’à la suite de son signalement, les réunions suivantes ont commencé en français, mais en raison de la faible qualité du français des autres CC, cela n’a duré que quelques minutes avant de revenir à la langue de Shakespeare. Pourtant, Clark a fait savoir sa fierté « de travailler pour la plus grande université bilingue » du Canada et a affirmé que « le Service du logement suit la même politique que l’Université d’Ottawa » en la matière, avant d’assurer « qu’il est important que nos CC parlent les deux langues afin de pouvoir interagir avec les résidents dans leur langue maternelle ».
Le système eRezLife
Afin de pouvoir noter leurs interactions avec les résident.e.s ainsi que leurs rapports de travail, les CC utilisent un logiciel de collecte de données en ligne nommé eRezLife. Selon les différents CC, les informations notées par leurs collègues ne seraient pas disponibles. Néanmoins, les dossiers de tous les étudiant.e.s, incluant toutes les interactions qu’ils et elles ont eues avec leurs CC, seraient accessibles aux coordinateurs (les supérieurs des CC) et les gens occupants des positions importantes au sein du Service du logement.
Une situation pouvant devenir hautement problématique, notamment lorsqu’« un étudiant te fait assez confiance et a le courage de te dire des choses très personnelles tels des troubles mentaux ou des questions d’identités », explique une ancienne CC, avant d’ajouter que les étudiant.e.s en question ne pensent « pas que tu te retourneras et écriras tout sur ton portable dans un logiciel de collecte de données où des inconnu.e.s qu’ils ou elles ne connaît pas vont lire tout ».
De même, le Service du logement ne suspendrait pas immédiatement l’accès aux comptes des anciens CC. Cette situation exposerait directement les données privées des étudiant.e.s en résidence. L’ensemble des CC interrogés ont fait savoir leur mécontentement face à cette faille de sécurité, mais ont unanimement affirmé qu’ils n’utiliseraient jamais ces données, non seulement car cela est interdit par la loi, mais également par respect envers leurs ancien.ne.s résident.e.s.
Une faille de sécurité
Plusieurs étudiant.e.s vivant en résidence ont souligné ne pas avoir été informés de la collecte de données effectuées à leur encontre. Un étudiant de la résidence Thompson, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, fait savoir qu’il sera désormais « un peu plus conscient de ce qu’il fait et dit en résidence ».
Clark affirme que « les CC qui ne travaillent plus au Service du logement ne devraient plus avoir accès à leur compte eRezLife ». Elle assure également qu’un suivi sera fait à ce sujet pour s’assurer de remédier à cette situation. Elle précise que selon elle « les informations collectées sur eRezLife sont conformes au règlement 90 de l’Université », soit à « la politique concernant l’accès à l’information et la protection et des renseignements personnels ».
Cependant, dans l’accord de résidence établi avec les étudiant.e.s, il n’est inscrit à aucun moment que les données des étudiant.e.s sont conservées dans un système en ligne. Si Clark n’a pas été en mesure de le confirmer, elle a fait part de son assurance que cet accord fait « allusion à un dossier collecté sur tout étudiant vivant en résidence » et que tout est établi en accord avec le règlement 90.