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Éditorial

La révolution tranquille… ment déconnectée

7 novembre 2016

Éditorial

Par Frédérique Mazerolle

Ah, la jeunesse. Vous êtes jeunes, vous êtes beaux et vous êtes capables. Alors que vous essayez d’obtenir des connaissances supplémentaires pendant votre passage universitaire, vous êtes également engagé.e.s dans de nombreuses causes sociales qui vous préoccupent au point de vous en donner mal au ventre.

Que ce soit le respect du végétalisme, le boycottage des produits contenant des billes en plastique ou encore la criminalisation de la coupe Longueuil, vous vous y jetez coeur et âme.

Vous criez haut et fort que vous êtes indigné.e.s et que les choses doivent changer. Vous manifestez votre désaccord quant aux décisions des grands patrons et vous ne reculez pas avant qu’ils aient pris votre requête au sérieux.

Ou pas.

Il se peut aussi que vous vous soyez inscrit.e à une institution post-secondaire dans le seul but d’obtenir un bout de papier qui indique que vous avez complété un baccalauréat en administration publique. Avec ça, on vous promets une place dans les rangs de la fonction publique jusqu’à votre dernier souffle. Sans rancune à ceux et celles qui sont inscrit.e.s à ce programme, bien sûr.

Voilà à quoi ressemble la vie étudiante à l’Université d’Ottawa, ou oserons-nous dire, la vie étudiante sur la quasi-totalité des campus nord-américains. À gauche, les activistes, à droite, les « sortez-moi-d’ici-au-plus-vite ».

Pourtant, plusieurs causes sociales touchent presque l’entièreté de la population étudiante. Come on, qui ne voudrait pas à avoir à travailler deux emplois, avoir un prêt à repayer, en plus de devoir s’acharner corps et âme pour garder ses pauvres bourses d’admission et tout simplement obtenir son diplôme sans perdre la boule? La gratuité scolaire c’est alléchant quand on y pense, non?

Quand élitisme et activisme vont main dans la main

Pourquoi, si les causes en valent tant la peine, la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) n’est-elle pas capable de rallier une plus grande masse d’étudiant.e.s pour aller militer sur la Colline parlementaire contre les hausses de frais de scolarité?

Certains diront que les membres de la FÉUO a fait tout en leur pouvoir pour promouvoir cette manifestation, notamment en envoyant des courriels, en parlant à leurs ami.e.s et aux ami.e.s de ceux-ci et en partageant l’évènement sur les médias sociaux. Considérant que l’étudiant typique est clairement apathique, est-ce qu’on devrait se contenter des 250 étudiant.e.s qui étaient sur la Colline. N’est-ce pas suffisant? Pas vraiment.

Quelque chose reste tout de même louche. En discutant avec des étudiant.e.s sur le campus, on remarque que plusieurs seraient prêts à se battre pour la gratuité scolaire ou simplement pour une baisse considérable des frais de scolarité. Mais à quoi bon, s’ils ne participent pas aux efforts de la Fédération étudiante?

La question est donc bien plus complexe qu’on pourrait le penser. Et si le problème n’était pas la cause militante, mais les militant.e.s de la cause? Comment pouvons-nous demander aux étudiant.e.s de se joindre à la révolution, quand la cohésion du mouvement est aussi fragmentée qu’un casse-tête oublié sur la table de cuisine de votre grande tante? L’élite de l’activisme étudiant peut bien représenter un morceau dudit casse-tête, mais qu’en est-il des autres milliers de morceaux éparpillés un peu partout?

Les étudiant.e.s se dissocient de plus en plus de leurs associations étudiantes, plus particulièrement celles qui se retrouvent sous la gouvernance de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ). Mise à part la présente campagne pour abolir les frais de scolarité, l’étudiant typique n’a certainement aucune idée de ce que fait cette fédération pour lui, dans le confort de leur bureau au 338, rue Somerset.

Sans pour autant dénigrer la force de l’activisme en ligne, qui trouve sa force dans des mouvements comme celui que nous avons vu ici à l’Université d’Ottawa avec la pétition en ligne présentée par Jules Blais, professeur au Département de biologie, quant à l’abolition d’abonnements à de nombreuses revues scientifiques, qui approche tranquillement les 4 000 signataires, ou encore minimiser l’implication de ceux et celles qui ne peuvent pas justifier l’achat d’un billet d’avion vers le Dakota du Nord pour aller manifester contre le dernier projet d’oléoduc, il va sans dire que le sentiment d’union communautaire recherché par la FÉUO et la FCÉÉ n’existe tout simplement pas.

Lorsqu’on regarde des mouvements tels que le printemps érable, qui a vu des milliers d’étudiant.e.s descendre dans les rues de Montréal, de Québec et de Sherbrooke, ou encore la plus récente manifestation écologique contre le projet Kinder Morgan qui a eu lieu sur le 24 octobre dernier, où près d’une centaine d’étudiant.e.s ont été arrêté.e.s pour désobéissance civile, on peut bien se demander pourquoi ce genre de manifestations est aussi populaire et génère une si grande implication estudiantine. La réponse est simple : ces mouvements s’ancrent directement dans une communauté, une vision commune, un sentiment d’appartenance qui n’existe pas à part entière au sein de la Fédération étudiante, uottavienne comme canadienne.

Le fait est que c’est un activisme qui part du haut et qui reste en haut.

Demander la gratuité scolaire, c’est une chose. Demander la confiance, le temps et l’effort des étudiant.e.s, ça en est une autre. Peut-être serait-il nécessaire d’interpeller sa propre population étudiante avant tout, de lui promettre de vrais changements, de lever le panneau de verre dépoli et d’offrir une vraie transparence? Si les étudiant.e.s ne font pas confiance à la la FÉUO, ils et elles ne monteront sûrement pas aux barricades à son appel.

Il ne faut pas oublier qu’avec quelques milliers de dollars dépensés en crédits taxi, la FÉUO a peu de crédibilité lorsqu’elle critique la mauvaise gestion financière du gouvernement canadien.

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