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Arts et culture

Une réunion minimaliste et efficace

24 septembre 2018

Cabaret des variétés littéraires

Par: Emmanuelle Gingras, contributrice

Le Salon du livre en Outaouais (SLO) organisait le 13 septembre son second Cabaret des variétés littéraires. Comme son nom l’indique, ce fut une soirée plutôt diversifiée susceptible de « réunir les amoureux de la littérature », comme le souligne Julien Morissette, animateur de la soirée.

En association avec le Festival Transistor, cinq auteurs furent réunis par le SLO afin d’interviewer leur travail suite à la récitation d’une ou de plusieurs créations, nouvellement publiées ou plus anciennes. On entend ici une variété d’auteurs chacun reconnu dans sa communauté francophone du Québec et de l’Ontario. En vedette : Biz, Jean-Philippe Baril Guérard, Chloé La Duchesse, Stéphanie Clermont et enfin, Antoine Côté Legault.

C’est dans une atmosphère décontractée et tamisée que le public est accueilli. Sans faire infraction aux conventions des cabarets littéraires connus, la soirée se déroule tel un cocktail avec tapas et alcools à disposition. Les auteurs autant éclairés que le public, la notion de quatrième mur devient alors inexistante. Ainsi, le public se permet de réagir et interagir aisément, ce qui accentue la notion de rencontre plutôt que de prestation officielle et dirigée.

Biz brise la glace

La séance de présentation des auteurs débute avec Biz, entre autres connu comme chanteur du groupe réputé de hip-hop Loco Locass. L’auteur prolifique se contente de présenter un court extrait de son sixième roman en huit ans. Biz s’inspire d’un voyage qu’il aurait entrepris il y a quelques années à Détroit, ville sinistrée par la crise automobile. Au coeur de l’histoire : un personnage typiquement « BS » dont le rêve de devenir joueur de hockey est anéanti par une blessure physique permanente ainsi que le titre de père qu’il a du mal à porter. Écrit de façon très scandé et froid, on ne peut faire autrement que d’associer les deux rôles de Biz, celui de l’auteur et du rappeur. De par son ton revendicateur émerge une lourde histoire au coeur du « naufrage du rêve américain ».

Place à Stéphanie Clermont

Suit alors Stéphanie Clermont, auteure franco-ontarienne établie à Montréal depuis quelques années, qui présente une création sur le féminisme, un sujet qui lui tient à coeur. C’est timidement que la jeune auteure lit un extrait de sa nouvelle « Dans l’industrie », tout droit venue de son dernier bouquin Le jeu de la musique. Nichée dans le sous-sol de sa bonne amie, Julie, Céline oscille sur le sujet de la prostitution pour combler le silence alors que celle-ci lui fait un tatouage. Une fois la soirée terminée, le père de Julie propose de la reconduire chez elle et c’est alors qu’il lui avoue travailler pour l’industrie en question. Stéphanie Clermont présente avec ingéniosité le silence pesant du sujet qui semble pourtant toucher tous et chacune d’une façon ou d’une autre. Celle-ci laisse un goût amer de la condamnation familiale et la contradiction incongrue de l’homme qui subvient à sa famille par l’abus des femmes.

Un peu de légèreté avec Baril Guérard

Jean-Philippe Baril Guérard vient ensuite brutalement briser la lourde ambiance établie. Surtout connu pour ses pièces de théâtre, Jean-Philippe est définitivement un auteur de Montréal à surveiller. Le penchant de Jean-Philippe pour le périple de l’humain entre ses pulsions et ses relations se reflète parfaitement dans le texte qu’il choisit de présenter. Celui-ci y aborde l’apparition tranchante des nouvelles technologies qui le fascinent en mettant en scène des amis qui commencent une nouvelle compagnie et se « perdent » dans la création d’une application. C’est de façon animée et avec charisme que celui-ci incarne Manuel de la vie sauvage.

Fraîcheur franco-ontarienne avec Chloé Laduchesse

Par la suite, Chloé Laduchesse, nouvellement nommée poète officielle de Sudbury, arrive sur scène confiante. Généreuse, celle-ci présente plus d’un texte au public et l’enduit de ses différentes façades d’écrivaine. Celle-ci exploite avec profondeur son texte Furie et conclut ingénieusement avec une création absurde et humoresque en reprenant le fameux « Un cheval entre dans un bar ». Chloé ne semble toutefois pas la meilleure interprète pour ses propres textes. Celle-ci semble certes confiante, mais n’a peut-être pas la finesse et les nuances pour mettre en valeur ses riches écrits.

La simplicité poétique de Côté Legault

Enfin, Antoine Côté Legault se contente de lire un poème simple, mais magnifiquement revendicateur lui ayant inspiré l’écriture de sa pièce Le gars qui voulait se faire phénix, qui fut présenté à la Nouvelle Scène il y a environ deux ans. Entre autres directeur artistique de le Bibitte Poétique, Antoine Côté Legault s’épanouit comme auteur tout comme comédien. C’est pourquoi sa prestation ne fut rien de moins qu’adroite et à couper le souffle. Bref, c’est d’une revendication éclatée que le jeune auteur conclut solidement la soirée.

Simplicité et profondeur condensées, le Cabaret des variétés littéraires a obéi à sa tâche en ayant garanti diversité de genres tout en informant sur des écrivains hors-pair. Malgré son minimalisme nuisant parfois à l’ambiance, ce fut une soirée prometteuse qu’a offert le Salon du livre de l’Outaouais et le Festival Transitor. Le tout a été enregistré, il sera donc bientôt possible d’accéder à la soirée sur les ondes.

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