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Arts et culture

Le rêve canadien de l’auteur Ngoy Body

1 novembre 2020

Crédit visuel : Irene Xia Zhou – Contribution

Par Gaëlle Kanyeba – Cheffe du pupitre Arts et Culture

Ancien diplômé de l’Université d’Ottawa, Ngoy Body est un auteur et dessinateur franco-ontarien qui veut promouvoir l’unité, l’harmonie et la justice sociale à travers ces oeuvres. Le 30 octobre dernier, celui qui est originaire de la République Démocratique du Congo a lancé sa cinquième bande dessinée (BD), intitulée Le Canadien.

La Rotonde (LR) : De quoi parle votre dernier ouvrage ?

Ngoy Body (NB) : Avec cette BD, j’avais envie d’ouvrir la porte à une conversation sur le fonctionnement de notre société. Le livre est guidé par un échange à la fois léger et costaud entre un père et sa fille au sujet des Noir.e.s Canadien.ne.s.

Il est nécessaire que je précise que Le Canadien est avant tout la révélation de ma propre identité en tant qu’ascendant africain, aujourd’hui Canadien, et fier de l’être. Je crois que mieux on connaît son histoire, mieux on se découvre et on s’aperçoit qu’il y a peut-être eu des erreurs dans la façon de [se] voir et dans la façon dont l’histoire est racontée […]. Une fois qu’on le réalise, on sait comment rectifier le tir et on parvient à une révélation de soi, on se sent comme restauré.

Un autre aspect que j’aborde, c’est la jeunesse. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les jeunes sont très choyé.e.s par le matériel, ce qui peut devenir très dangereux lorsqu’à l’intérieur tout est vide […]. Selon moi, il faut d’abord avoir la force spirituelle et psychique pour pouvoir construire un monde meilleur.

LR : Comment vous définiriez-vous ?

NB : Dès le début des années 90, je me suis découvert comme étant un agent de changement, à la fois au niveau politique, communautaire et culturelle. J’ai réalisé que ma mission est de me battre pour la justice sociale. Je crois sincèrement que c’est pour ça que je suis sur cette terre.

Ce qui me motive, ou me pousse à mener toutes ces actions depuis belle lurette, c’est mon côté philanthrope. J’ai le souci de voir les humains s’unir et bâtir ensemble, tout en ayant la révélation de qui ils.elles sont. [Ça]  devient une mission à accomplir sur deux champs d’actions, tant sur le plan collectif que sur le plan individuel.

LR : Pourquoi avoir choisi la BD comme médium pour faire passer vos messages ?

NB : Une fois ma mission identifiée, il fallait que je trouve un médium pour communiquer. Quand j’étais petit et que je vivais à Kinshasa, j’étais sous une forte influence des artistes congolais, j’avais en moi le goût pour la musique, la sape, la danse ainsi que la poésie, qui ont favorisé ma fibre artistique. De plus, je dessinais énormément et je jouais avec des marionnettes. Le tout combiné avec mon côté cartésien, j’ai pu mieux exprimer mes idées.

J’ai d’abord commencé dans l’intervention communautaire avec l’ouverture d’un café appelé Franco-présence, dont le but était de réunir les personnes de tous les horizons afin qu’ils.elles apprennent à se connaître autour d’une bonne nourriture et d’un bon café. Le format de la BD m’a inspiré en côtoyant les écoles et les nouveaux.elles arrivant.e.s ; j’ai trouvé que c’était un très bon moyen de toucher les jeunes. Les images jouent énormément.

LR : Qu’est-ce qui vous a motivé à immigrer au Canada, seul et à 19 ans?

NB : J’étais motivé par ma quête d’une meilleure vie. Quand on est dans ces états-là, l’adrénaline est forte, et on se dit qu’on doit absolument réussir. Je suis arrivé avec cinq dollars dans les poches, mon oncle m’avait donné le numéro d’un de ses amis qui devait m’aider.

Une fois atterri, j’ai utilisé ma monnaie pour téléphoner à cet ami-là, et il ne m’a pas répondu. Déboussolé, ne connaissant personne, je suis resté dormir pendant trois jours à l’aéroport de Pearson. Pour la première fois de ma vie j’ai dû quémander pour me nourrir.

C’est ainsi que j’ai rencontré la communauté franco-ontarienne, elle m’a permis de m’intégrer dans la société. Par la suite, j’ai fait ma demande d’asile avant de m’installer à Ottawa. Je peux affirmer que c’est dans cette ville que je me suis découvert comme étant un agent de changement, et j’ai commencé à m’impliquer dans la communauté

LR : C’est la raison pour laquelle vous croyez et écrivez sur le rêve canadien ?

NB : Absolument. Il y a des expériences qui vous permettent de vous découvrir et renforcent votre mission. Si j’étais arrivé dans ce pays en tant qu’étudiant international, avec des parents qui m’envoyaient de l’argent chaque mois, je suis convaincu que je ne serai pas celui que je suis aujourd’hui. Je ne me serai pas autant investi au sein de la communauté canadienne.

C’est à Toronto que je me suis connecté avec la communauté franco-ontarienne qui m’a beaucoup soutenu. Et par reconnaissance, je souhaite redonner ce qu’elle m’a donné. La francophonie ontarienne, c’est ma tribu.

[Le rêve canadien,] c’est comprendre que le Canada est une terre d’accueil, d’opportunité et de liberté. Pour pouvoir le vivre, il faut adopter une formule qui se définit au travers trois verbes qui sont : aimer le Canada, le connaître et le servir. Néanmoins, il existe aussi un côté sombre du rêve canadien que j’expose dans ma BD.

LR : Une autre bande dessinée de prévue ?

NB : Oui, je travaillais simultanément sur deux BD. En décembre paraîtra une nouvelle bande dessinée qui parlera de la francophonie ontarienne.

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