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Regarder la télévision à tout moment

27 janvier 2014

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– Par Léa Papineau Robichaud –

D’ici la fin de 2014, le nombre de Canadiens qui feront usage des abonnements multiples à la télé augmentera à 2,5 millions, soit une hausse de 150 % depuis 2012. C’est ce que le rapport sur les Prédictions TMT (Technologies, médias et télécommunications) 2014 de Deloitte a révélé lors de sa publication le 14 janvier.

Ainsi, les Canadiens seraient portés à s’abonner à la télévision par l’intermédiaire des câblodistributeurs traditionnels tels que Bell ou Rogers, mais de s’abonner en plus à au moins un autre service de télévision par contournement (TPC), tel que Netflix ou Hulu. Un phénomène normal, selon François Sauvageau, leader du secteur des Technologies, médias et télécommunications, région du Québec, puisque les fournisseurs de câblodistribution, de télécommunication et de satellite offrent de plus en plus de contenu en ligne.

« [La TPC] c’est un peu comme s’il y avait sur le web des chaînes spécialisées, à la YouTube, mais qui deviennent cette fois-ci payantes et ça te donne accès, dans certains cas, à des contenus complètement exclusifs », explique le professeur titulaire au Département de communication de l’Université d’Ottawa (U d’O) et ancien journaliste à Radio-Canada, Pierre Bélanger. Il ajoute que le phénomène a été lancé par la série House of Cards, diffusée sur Netflix, qui remporté six prix dont un Golden Globe et obtenu plus d’une vingtaine de nominations dans différents galas.

« Ça ouvre la porte à une nouvelle habitude : regarder la télévision quand bon me semble. Il y a 25 ans quand je voulais regarder une émission de télévision, je devais être devant mon écran à une heure précise », souligne Luc Dupont, professeur au département des communications de l’U d’O et auteur de quatre livres sur la publicité, les médias et Internet. « La nouvelle génération écoute la télévision quand ça lui tente et aussi devant l’écran qui lui tente. »

De quoi préoccuper le CRTC

Les prédictions de ce rapport auront sûrement de quoi intéresser le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Les deux professeurs s’entendent d’ailleurs pour dire que les grands médias canadiens ont déjà entamé une réflexion pour à leur tour entrer dans la danse initiée par Netflix.

« Il y a un resserrement, il y a de moins en moins de joueurs : Bell qui a mis la main sur Astral, Rogers qui a signé des contrats d’exclusivité pendant 10 ans avec la LNH et le baseball aux États-Unis. Il y a de moins en moins de kiosques qui sont disponibles et qui sont ouverts et quand il y a de moins en moins de kiosques, ça met les Bell, Rogers et compagnie dans des positions de forces », déplore M. Bélanger.

« Le CRTC est extrêmement préoccupé par l’avenir, parce qu’il ne veut pas que chaque programme qui est populaire, comme un match de hockey ou Tout le monde en parle, deviennent des contenus pour lesquels les gens doivent nécessairement débourser de l’argent », souligne l’ancien journaliste de Radio-Canada, tandis que son collègue signale que l’organisme public est souvent très lent à réagir dans ce genre de situation puisqu’il est difficile d’en prévoir les conséquences.

M. Dupont rappelle qu’avant les Fêtes, Netflix a annoncé qu’il explorait la possibilité d’offrir un forfait de cinéma à la maison. « Ça donnerait la possibilité, par exemple, pour un 3 ou 4 dollars de plus par mois, d’avoir accès à des films qui sont lancés le même soir au cinéma, sans se déplacer. »

Une idée sensée selon l’auteur et professeur, mais qui risque de donner des maux de tête à l’organisme public qui règlement la radiodiffusion et les télécommunications au Canada. « Il n’y a plus de frontières et le problème avec le CRTC, c’est qu’historiquement, celui-ci fonctionnait avec des frontières, c’est-à-dire que la radio c’était de la radio, la télévision c’était de la télévision, etc. Aujourd’hui avec les nouvelles réalités du web, ça devient très difficile de départager tout ça. »

Les services en français

Selon un rapport de Media Technology Monitor, le phénomène de TPC semble bien implanté au Canada. Netflix aurait augmenté son nombre d’abonnés canadiens de 25 % en 2013. Restera maintenant à savoir quels types de services seront offerts aux francophones du pays.

« La question va se poser sur les services en français, parce qu’évidemment l’économie d’échelle est beaucoup moins profitable pour les services en français qu’ils peuvent l’être du côté anglais, pour des raisons évidentes quand tu vis en Amérique du Nord », affirme Pierre Bélanger.

« Pour ce qui est des services en français, on est historiquement très lent à bouger. L’avantage c’est qu’on est capable de voir ce qui marche et ce qui marche moins et par la suite d’explorer l’avenir. Par contre, à une ère où les frontières disparaissent de plus en plus, le danger c’est qu’à partir du moment où vous serez abonné à Netfilx, est-ce que vous aurez le goût de vous abonner cinq ans plus tard à un service essentiellement et purement francophone? Personnellement, j’en doute », conclut M. Dupont.

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