– Par Soraya Benchekroun-
Illustration: Andrey Goose
Autour de l’Université d’Ottawa (U d’O), quelques maisons d’impression se disputent le marché de l’imprimerie avec le docUcentre de l’Université. Particuliers ou l’Université, qui tire profit des étudiants? Des services d’impression défendent leur point.
Pour un étudiant, passer une journée sans voir des produits d’imprimerie est presque impossible. Les journaux, livres, dépliants et recueils de textes passent tous par les services d’un imprimeur.
Des prix élevés
Les avis concernant les prix d’imprimerie, sur le campus et ailleurs, sont partagés dans la communauté universitaire ottavienne, mais la tendance laisse croire que les prix d’impression sont assez élevés pour le portefeuille étudiant.
Certains étudiants sont toutefois d’avis contraire. « Tous mes recueils viennent du docUcentre et je trouve les prix abordables, car il nous coûte plus cher d’imprimer le matériel scolaire nous-mêmes. Le prix d’impression est beaucoup moins cher que les frais d’imprimerie de la bibliothèque de Fauteux », avance Camille Hallée-Ouimette, étudiante en droit civil à l’U d’O.
Il faut comprendre que ces « prix de photocopies de la bibliothèque de Fauteux », qui sont aussi les mêmes dans toutes les bibliothèques du campus, sont fixés par le même service privé qui régit les prix du docUcentre, soit le Service de l’informatique et des communications de l’Université. Nadia Kahindo, étudiante en criminologie, croit pour sa part que « les prix sont chers, des fois même trop ».
Bénéfice étudiant ou universitaire?
Caroline Milliard, responsable des relations avec les médias à l’U d’O, explique que le « docUcentre est un Service autofinancé, c’est-à-dire que l’Université n’a pas à débourser pour couvrir les dépenses d’opération du Service et que les revenus et profits [de l’imprimerie] reviennent à l’Université. Également, le Service embauche une trentaine d’étudiants au cours de l’année ».
Fermont Robitaille, gérant à Impression Rytec, critique l’initiative que prend l’Université en envoyant des messages aux profs, et ce, de manière constante, les sommant d’utiliser ses services et non ceux des particuliers. Mme Milliard explique que « l’Université encourage la communauté universitaire à utiliser les services de docUcentre puisqu’il s’agit d’un service interne dont les profits sont réinvestis dans l’Université au bénéfice des étudiants et des professeurs ». Mais tout n’est pas dit. Tout comme Chartwells, le grand géant alimentaire qui détient un monopole important à l’U d’O, un autre monopole relatif à l’impression existe.
Xerox est l’entité responsable de tout ce qui a trait à l’impression sur le campus.
Les maisons d’impression, une « mafia »?
Un professeur désirant garder l’anonymat a expliqué son refus d’utiliser un recueil de textes imprimé en comparant Rytec à une « mafia », affirmant que « les recueils de textes sont une industrie et elle n’est pas en faveur des étudiants ».
- Robitaille se défend en expliquant qu’« il n’est pas vrai que Rytec fait profit sur les étudiants. On vend moins cher que l’Université [et] les professeurs viennent ici parce qu’il y a plus de services ».
Le coût d’impression à Rytec est de neuf cents la copie, soit 18 cents pour une page recto-verso. Pour ce qui est des droits d’auteur, M. Robitaille explique que « présentement, l’entente avec l’Université d’Ottawa est que les étudiants paient les droits d’auteur dans leurs frais de scolarité ». Parallèlement, au docUcentre, le coût d’impression est de neuf cents la copie, que ce soit pour une page simple ou recto-verso. Pour ce qui est des droits d’auteur, Martin Rivard, gérant du docUcentre, explique que « le coût d’impression est un mélange du coût par page pour l’impression avec le coût des droits d’auteur ».
Il est donc difficile d’établir une comparaison directe entre le Service scolaire et les entreprises indépendantes à cause des coûts associés aux droits d’auteur. De plus, d’autres variables peuvent influencer le prix, notamment la taille de la commande.
Constat alarmant, selon les témoignages recueillis, les étudiants qui utilisent le docUcentre paient alors doublement le coût lié aux droits d’auteur pour leurs recueils de textes. Il y a donc une discontinuité apparente dans les discours de Rytec et du docUcentre puisque chacun se contredit à sa façon.
Campus virtuel : une bête noire
Malgré la tendance qui laisse croire que les imprimeurs encaissent leurs dollars aux dépens des étudiants, l’industrie de l’imprimerie à dû s’adapter suite à l’influence grandissante des ressources en ligne. M. Robitaille affirme que son commerce a connu « un coup dur » avec l’avènement du Campus virtuel. L’interface web est « la bête noire des nombreuses maisons d’impression qui entourent l’Université d’Ottawa », selon ce dernier.
Pour faire face à ces changements, Rytec a dû s’adonner à la conception graphique, aux impressions grand format, couleur et noir et blanc. Pierre-Mathieu Le Bel, chargé de cours en sciences politiques, ne commande plus de recueils de textes puisque le Campus virtuel est plus flexible. Avec cette méthode, il peut changer de textes à tout moment. En plus, il trouve les recueils coûteux pour les étudiants, « surtout s’ils choisissent de ne pas lire les textes », affirme M. Le Bel.
Les impressions résistent
Sylvie Tessier, libraire à la librairie de l’U d’O, fait remarquer que bien que les étudiants utilisent de plus en plus les interfaces web, la vente des livres en librairie n’a pas connu de baisse, elle aurait même augmenté. Selon elle, « le livre numérique n’a pas remplacé les livres papiers ». M. Robitaille a lui aussi évoqué ce point. Il pense que beaucoup d’étudiants insistent encore pour avoir un livre, pour ne pas avoir « le dérangement que l’ordinateur présente pour la prise de note, la lecture, etc. ».
À l’U d’O, les livres et l’impression résistent, pour le moment, aux technologies de l’avenir.