– Par Lina Maret –
Heidi Sveistrup, professeure en sciences de la réadaptation à l’Université d’Ottawa, conduit un projet de recherche sur l’utilisation des environnements virtuels et des jeux vidéo comme outil de réadaptation de l’équilibre et du mouvement. La Rotonde s’est entretenue avec elle pour découvrir le potentiel de cette méthode en pleine expansion.
La Rotonde: Pouvez-vous expliquer l’objet de votre recherche?
Heidi Sveistrup: J’étudie, avec plusieurs étudiants diplômés et en études postdoctorales, la réhabilitation d’individus atteints de déficiences neurologiques, touchés d’apoplexie par exemple, ou de lésions cérébrales. Notre recherche est concentrée sur les obstacles moteurs que ces patients peuvent rencontrer et nous développons des systèmes de réadaptation pour les aider à récupérer leurs fonctions motrices. Nous nous basons sur les principes des théories de l’apprentissage et de la réadaptation moteurs pour développer des environnements virtuels utilisés comme programmes de réhabilitation. Ça fait une dizaine d’années que nous travaillons avec cette technologie.
LR: Qu’est-ce qui vous a amenée à utiliser les jeux vidéo dans votre travail?
HS: Nous travaillons avec le système IREX [Interactive Rehabilitation Exercice program], développé par une entreprise qui crée des environnements virtuels pour les jeux vidéo, des installations artistiques dans les musées… Nous avons commencé à collaborer avec eux quand on a réalisé ce que leur technologie pouvait apporter à notre domaine de recherche. Le monde virtuel permet un travail plus efficace: on élimine le temps passé à aller chercher le ballon dans des exercices de lancer par exemple. On peut aussi proposer des défis aux patients, les mettre dans des situations qui seraient dangereuses dans la vraie vie, ou simplement, contrôler les modalités de l’exercice en ralentissant la vitesse d’une balle pour des patients plus lents par exemple. On peut régler le niveau de difficulté en fonction de l’individu pour que l’exercice ne soit pas trop difficile, mais qu’il soit tout de même un défi qui lui permette de progresser. Nous faisons attention à ce que nos sujets, jeunes comme âgés, ne s’ennuient pas dans leur thérapie, mais ne soient pas dépassés par les exercices non plus. Nous commençons maintenant à nous intéresser à des systèmes comme le Kinect ou la Wii qui peuvent être utilisés comme l’IREX. L’IREX est un appareil complexe et très cher, les patients ne peuvent pas l’installer chez eux. Mais Kinect est une console de jeux vidéo qui fonctionne avec la même technologie que ce que nous avons dans nos laboratoires et nos patients peuvent facilement l’installer chez eux. Ça peut permettre à des patients dont l’assurance maladie a expiré de continuer la thérapie eux-mêmes par exemple.
LR: Quel but espérez-vous atteindre avec les résultats de votre recherche?
HS: Une étudiante postdoctorale avec qui je travaille développe un programme qui permettrait d’intégrer cette technologie dans les cabinets médicaux. Nous avons réalisé, il y a plusieurs années, que les thérapeutes sont surchargés, ils ont trop de patients et ça affecte l’efficacité des thérapies. Nous voulons leur permettre d’utiliser l’IREX pour qu’ils bénéficient des avantages de cette méthode. La prochaine étape de notre travail est donc d’assurer la transition vers la pratique en clinique, car cette technologie ne sera d’aucune utilité si elle reste dans les laboratoires. Nous voulons aussi analyser les données que nous avons récoltées au fil de nos travaux pour essayer d’établir un processus de diagnostic qui déterminerait si un individu pourra retrouver ses fonctions motrices après un accident ou s’il aura besoin d’une intervention particulière.