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Projet ZIBI : Windmill sème un vent de discorde

14 septembre 2015

Par Yasmine Mehdi

Depuis l’ouverture de son bureau de ventes le 30 mai dernier au centre-ville de Gatineau, les affiches promotionnelles du projet immobilier ZIBI ont envahi la ville. Derrière ce projet, décrit comme un des plus verts au monde, se cacherait cependant une véritable polémique.

Né d’un partenariat entre deux grandes entreprises canadiennes de développement immobilier, Windmill et Dream Corporation, le projet ZIBI prévoit révolutionner le mode de vie des futurs habitants de cette communauté, qui sera située entre les rives québécoise et ontarienne de la rivière des Outaouais, plus précisément sur les Îles Chaudières et Albert. Le nouveau quartier, qui occupera 37 acres de terrain, abritera non seulement des tours de condos, mais aussi des espaces à bureaux et des locaux commerciaux. Ce projet d’un milliard de dollars devrait être achevé en 2030.

La ville de Gatineau : meilleur alliée de Windmill?

En plus d’avoir reconduit le programme de remboursement des taxes municipales pour la construction domiciliaire au centre-ville, un programme qui pourrait faire économiser des millions aux promoteurs, la ville de Gatineau pourrait assumer 50 % des frais de décontamination du site, qui s’élèvent à 22 millions de dollars du côté québécois.

Compte tenu du fait que la ville n’a pas encore officiellement approuvé le projet, le promoteur n’a pas pu déposer ses permis de construire. Selon Réjean Martineau, chef de la division d’urbanisme de Gatineau, l’objectif derrière ces mesures est d’attirer des projets de forte densité au centre-ville.

Promesses écologiques

Le projet, présenté comme un « chef d’œuvre de durabilité » par les promoteurs, vise la certification LEED platine, soit la plus haute certification du Conseil du bâtiment durable du Canada et la One Planet Community, certification détenue par seulement une dizaine de projets au monde.

Pour Denise Laferrière, présidente de la Commission consultative sur l’environnement et le développement durable de la ville de Gatineau, de savoir que la compagnie ait choisi sa ville pour implanter le seul projet One Planet Community au Canada est une excellente nouvelle. « Si ça voit le jour, ça deviendrait un exemple que des gens à l’international pourrait venir visiter. Ça serait une très belle vitrine pour Gatineau », s’exclame-t-elle.

Avec l’intention de réduire son empreinte écologique, le projet ZIBI est accompagnée de méthodes diverses pour y arriver, comme des bâtiments neutres en carbone, des déchets entièrement recyclés, des matériaux de construction durables, ainsi qu’une politique de conservation des eaux et produits locaux à l’honneur.

Cette facette du projet cherche à capter l’intérêt des organismes verts tel que Éco-Habitation, un organisme québécois sans but lucratif spécialisé en habitation écologique. Son directeur général, Emmanuel Cosgrove, déclare que « pour avoir vu les intentions, le projet applique les principes qu’on aime bien voir ».

En effet, le fait que Windmill exploite un territoire qui était une zone industrielle depuis le 19e siècle, plaît à Éco-Habitation. Lorsque questionné sur la réputation de Windmill, Cosgrove répond « [qu’]ils font un effort réel [et que] Windmill n’a pas l’habitude de faire du ‘green washing’ ». Un seul risque demeure cependant, selon Cosgrove, soit que les entrepreneurs soient trop ambitieux et que plusieurs de leurs idées tombent à l’eau en raison de la conjecture économique.

Divergences au sein de la communauté autochtone

Même si les militants écologistes semblent accueillir le projet avec enthousiasme, la communauté autochtone est plutôt mitigée à ce sujet. Alors que cinq communautés algonquines québécoises se sont officiellement opposées au projet, que les Algonquins de l’Ontario ont offert leur soutien à Windmill et que plusieurs communautés, comme celle de Kitigan Zibi n’ont pas encore émis d’avis, un intervenant semble prendre de plus en plus de place sur la scène médiatique.

Douglas Cardinal, l’architecte autochtone qui a dessiné le Musée canadien de l’histoire, a proclamé haut et fort son opposition au projet. Il a également déposé une plainte à la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CATO) pour tenter de mettre un terme au projet. À son avis, construire des condos sur un territoire non-cédé et ayant une signification importante pour la communauté autochtone serait un véritable blasphème. « Construirions-nous des condos sur la place Saint-Pierre ? Ou devant le parlement ? Ou devant le Mur des Lamentations de Jérusalem ? », s’objecte-t-il.

L’architecte va plus loin en affirmant que les communautés autochtones qui soutiennent le projet ne représentent pas les autochtones, et accuse certaines communautés de recevoir des pots-de-vin en échange de leur soutien. Ces révélations de Cardinal cause controverse, en considérant que Jean-Guy Whiteduck, chef de la communauté algonquine de Kitigan Zibi, est d’avis que Douglas Cardinal est celui qui ne devrait pas parler de la sorte de la nation algonquine.

« Il défend ses propres intérêts; il ne parle pas pour la communauté des Premières Nations », déclare le chef. « Lui, c’est un entrepreneur comme les gens de Windmill. Il n’a définitivement pas l’appui des Premières Nations algonquines. »

En corrélation avec ces propos exprimés par le chef de la communauté algonquine, Douglas Cardinal a lui-même confié qu’il avait commencé à faire des plans pour le réaménagement de l’Ile dans les années 1980, alors qu’il travaillait encore sur le Musée. Pour régler définitivement la question et pour éviter que certaines personnes s’autoproclament représentantes de la communauté autochtone, Jean-Guy Whiteduck propose la tenue d’un référendum.

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