– Par Samuel Lafontaine –
Le commissaire aux services en français pourrait attendre jusqu’en 2014 avant d’obtenir son indépendance. Le projet, déposé par la ministre libérale Madeleine Meilleur, le 25 septembre dernier, accumule du retard et se trouve présentement devant le Comité permanent de l’Assemblée législative de l’Ontario.
Il avait été préalablement adopté en première et deuxième lecture, vise notamment à modifier le statut du commissaire afin qu’il ne soit plus redevable à la seule ministre des affaires francophones, mais qu’il soit plutôt responsable devant l’ensemble des députés siégeant à Queen’s Park. Le projet de loi n’a pas obtenu l’appui des deux partis d’opposition à la chambre pour sauter l’étape de l’étude en comité et ainsi aller directement en troisième lecture.
Un combat vieux de plusieurs années
Créé par une modification à la Loi sur les services en français, en mai 2007, le poste de commissaire aux services en français dépend depuis sa création de l’Office des affaires francophones, sous la direction de la ministre déléguée, Mme Meilleur.
Le poste de commissaire est occupé depuis sa création par Me. François Boileau.
L’idée d’être redevable à l’Assemblée législative et non pas auprès de la ministre ne proviendrait pas de problèmes entre l’actuelle ministre et l’actuel commissaire, mais plutôt de la peur de voir un futur gouvernement museler le commissaire et son équipe.
C’est pourquoi dès le mois de mars 2011, la députée néo-démocrate France Gélinas avait lancé une pétition pour changer le statut du commissaire aux services en français. En juin 2012, c’était au tour de Me. Boileau lui-même de demander son indépendance. La date du 31 mars 2013 avait été avancée, mais c’est finalement en septembre de la même année que le projet de loi a été déposé par le gouvernement.
Mme Gélinas a déposé deux autres projets de loi privés depuis le premier en 2011 (donc trois au total). Le dernier de ces projets de loi a été présenté en février dernier et portait le numéro 31. Aucun des projets de loi privés déposés par la députée NPD de Nickel Belt n’a été adopté par le gouvernement libéral.
Une source anonyme proche de la ministre explique que « le projet néo-démocrate gardait le commissaire rattaché à l’Office des affaires francophones mais lui donnait la possibilité de présenter son rapport annuel au président de l’Assemblée plutôt qu’à la ministre. Il s’agissait d’une réforme en surface alors que le projet de loi actuel rend [le commissaire] complètement indépendant au même titre que l’ombudsman de l’Ontario. »
Une affirmation avec laquelle France Gélinas n’est pas d’accord : « Ça ce n’est pas vrai! Il n’y avait pas de différence. L’idée était toujours d’enlever le commissaire de sous l’autorité du ministre. Avec Madeleine [Meilleur], on n’a jamais eu de problèmes, mais c’est illusoire de penser qu’elle sera toujours ministre des affaires francophones et c’est pour ça qu’il faut rendre le commissaire indépendant ». Mme Gélinas affirme également que la ministre Meilleur est venue la voir pour reprendre le projet de loi 31 qui serait ainsi devenu le projet de loi 106, selon elle.
Un délai peu compréhensible
Rejointe au téléphone, une source dans l’entourage de Madeleine Meilleur a confirmé sa surprise lorsque les néo-démocrates et les conservateurs ont refusé de faire passer le projet de loi directement en troisième lecture.
Également rejointe au téléphone, France Gélinas affirme qu’elle s’est « levée pour faire passer la deuxième lecture. Pour la troisième lecture, on s’attendait [au NPD] à ce que quelqu’un du caucus progressiste-conservateur se lève et ce n’est pas arrivé. Ce n’est pas trop grave, c’est même une bonne chose de laisser les gens s’exprimer [en comité parlementaire] sur un projet de loi ».
Concernant la lenteur du processus législatif, Mme Gélinas rajoute qu’ « après six ans comme députée, [elle] s’est aperçue que tout avance à la vitesse d’une tortue somnolente à Queen’s Park » et elle « remercie l’AFO et la FAFO pour leur lettre », se disant convaincue que celle-ci ait fait avancer les choses. « Je ne comprends pas pourquoi la ministre a envoyé ce projet de loi à un comité aussi occupé que le Comité permanent ».
Mme Gélinas fait ici référence à la lettre d’appui au projet de loi 106 qu’a lancé le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt, afin de voir le processus d’adoption du projet de loi s’accélérer. La pétition, disponible en ligne sur le site internet de l’AFO, s’adresse aux membres du Comité permanent de l’Assemblée législative de l’Ontario.
La Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FAFO) s’est jointe aux demandes de l’AFO dans un communiqué de presse commun publié le 18 novembre dernier.
Le Comité permanent est présidé par le conservateur Garfield Dunlop, alors que la porte-parole du Parti conservateur pour les affaires francophones, Lisa MacLeod, y siège à titre de vice-présidente. Le bureau de Lisa MacLeod n’a pas retourné notre appel concernant une demande d’entrevue. Il n’a donc pas été possible de recueillir leurs commentaires. De même, au bureau du leader parlementaire progressiste-conservateur, Jim Wilson, personne n’était disponible pour commenter la situation.
Pour sa part, le commissaire aux services en français, Me. François Boileau, a décidé de ne pas faire publiquement de commentaires concernant le processus législatif et l’adoption du projet de loi 106.
En cas d’adoption, le projet de loi 106, ferait du commissaire aux services en français un fonctionnaire de l’Assemblée, nommé par le lieutenant-gouverneur par la recommandation de l’Assemblée législative, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois.
Diverses sources s’accordent pour dire que le projet de loi devrait être examiné en décembre avant la levée de la chambre pour les vacances. La date du 11 décembre a été avancée pour un examen en comité avec la possibilité de tenir un vote de troisième lecture le lendemain, soit le 12 décembre. Cependant, le calendrier change fréquemment et il se pourrait que la procédure soit reportée à février 2014. Après la troisième lecture, il faudra encore que le projet de loi reçoive la sanction royale accordée par le lieutenant-gouverneur avant d’avoir force de loi.