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Pour un engagement politique étudiant à l’Université d’Ottawa

Crédit visuel : Archives

Article rédigé par Hai Huong Lê Vu — Journaliste

Le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), pierre angulaire de la représentation et de l’engagement politique des étudiant.e.s uottavien.ne.s, a enregistré un taux de participation de 10,63 % lors de ses élections générales de 2025. Face à ce pourcentage, une question se pose : le SÉUO parvient-il à rejoindre l’ensemble de son électorat ?

Un écho électoral contrasté

Une réalité nuancée se dessine lorsque nous comparons les résultats du SÉUO aux taux de participation des étudiant.e.s dans leurs élections syndicales à l’échelle nationale. Entre 2016 et 2018, le taux moyen de participation au pays s’élevait à 21 %, plaçant le résultat de l’U d’O 10,37 points de pourcentage en dessous de la moyenne. Amine El Idrissi, ancien Commissaire aux affaires francophones par intérim du SÉUO, perçoit néanmoins ce taux de 10,63 % comme un signe encourageant, puisqu’il se situe parmi les meilleurs résultats enregistrés lors des dernières élections du SÉUO.

Daphné Veilleux-Michaud, ancienne Commissaire aux affaires francophones du Syndicat, estime que le haut niveau d’implication des étudiant.e.s lors des dernières élections s’explique par la controverse qui a accompagné la période électorale. En référence à la publication Instagram, Veilleux-Michaud juge que, « malheureusement, c’est le drame qui mobilise le plus et incite davantage les gens à voter ».

Au-delà de ces dynamiques parfois conjoncturelles, Veilleux-Michaud voit dans la rencontre directe avec les étudiant.e.s par les discussions ou les présentations une autre stratégie probante pour stimuler l’engagement. Elle évoque l’histoire d’un étudiant en médecine qui, suite à l’une de ses présentations, a manifesté son intérêt à représenter sa faculté au sein du Conseil d’administration (CA) du SÉUO. 

Justin Patrick, auteur de l’étude «Voter Turnout Analysis of Canadian Undergraduate Student Unions, 2016-2018», suggère une modernisation des règles électorales des syndicats étudiants afin de renforcer la transparence et d’accroître la participation. Les stratégies qu’il propose incluent l’organisation de davantage de débats et la création de plus de contenus multimédias. Il propose également d’augmenter les limites de financement des campagnes, qui sont actuellement fixées à un seuil de 100 dollars pour le SÉUO. Établir des normes minimales pour la visibilité des candidat.e.s, comme un nombre minimal d’affiches, et allonger la durée des campagnes et des périodes de vote seraient d’autres stratégies à privilégier, selon Patrick.

Le Syndicat et l’inclusivité linguistique

Selon la constitution du SÉUO, le bilinguisme inclut non seulement la maîtrise du français et de l’anglais, mais aussi celle d’une langue autochtone. D’après le même document, les candidat.e.s pouvant prouver leur maîtrise d’une langue autochtone ne passent le test qu’en français ou en anglais (sauf pour le poste de Commissaire aux affaires francophones, où le test en français est obligatoire). La constitution indique également que les élu.e.s sur la base d’une langue autochtone doivent suivre par la suite, aux frais du SÉUO, des cours d’écoute, d’expression orale et de lecture dans l’autre langue officielle de l’Université durant la session de cours printemps-été.

Bien qu’un test du bilinguisme du Syndicat existe pour évaluer la maîtrise des langues officielles des candidat.e.s, Patrick remet en question son efficacité comme outil d’inclusion, suggérant qu’il pourrait exclure certain.e.s étudiant.e.s de la participation politique. À l’inverse, Veilleux-Michaud reconnaît l’importance du test de bilinguisme, mais plaide pour sa révision. Elle souligne que l’évaluation actuelle, identique pour tou.te.s les candidat.e.s quel que soit le poste visé, discrimine certains accents francophones, et en favorise d’autres, comme ceux de Paris ou de l’Est-Nord de l’Ontario. Cela contribue, selon elle, à une forme de discrimination « injuste ».

Alternativement, la constitution du SÉUO offre diverses modalités pour prouver la maîtrise d’une langue officielle. Par exemple, on peut présenter les résultats d’un test de français ou d’anglais effectué au cours des deux dernières années. Le.la directeur.ice général.e des élections conserve toutefois la discrétion d’exiger des tests de bilinguisme, si les preuves fournies ne sont pas jugées satisfaisantes.

En matière d’inclusion linguistique au sein du CA, El Idrissi et Delphine Robitaille, présidente actuelle du SÉUO, informent qu’aucun des postes au sein du Conseil ne requiert une maîtrise complète des deux langues officielles. Si cette flexibilité peut sembler ouvrir les portes à un plus grand nombre de candidat.e.s, El Idrissi observe qu’elle renforce l’utilisation d’une langue unique lors des rencontres. Selon lui, cela peut créer un sentiment de hiérarchie linguistique et rendre les réunions non accessibles pour les personnes francophones maîtrisant moins bien l’anglais. 

Autres défis d’accessibilité

L’accessibilité à la politique étudiante ne se limite pas à la participation électorale : elle englobe également la disponibilité des informations sur la gestion, l’administration interne et l’inclusivité de la gouvernance. Robitaille confirme que le Syndicat mène, depuis l’an dernier, un sondage de consultation budgétaire auprès des étudiant.e.s. 

Avant la mise en place de cette enquête, Robitaille précise que le budget était toujours présenté lors de discussions ouvertes au public, aux comités des finances et des services, sur lesquels siègent des étudiant.e.s élu.e.s. Des décisions budgétaires peuvent parfois susciter des réactions mitigées, telles que la dissolution de plusieurs services l’an dernier lors de l’adoption du budget 2024-2025, souligne Robitaille. L’expert en politique éducative encourage quant à lui le Syndicat à impliquer davantage les clubs et autres groupes étudiants, en plus des gouvernements étudiants reconnus, dans l’examen du budget préliminaire. Cela permettra de mieux comprendre les perspectives globales de la population étudiante, estime Patrick.

Les défis de l’engagement dans l’institution elle-même

Veilleux-Michaud confie avoir travaillé plus de 70 heures durant la Semaine 101, alors même que la semaine d’intégration relève normalement du mandat de Commissaire à la vie étudiante. Veilleux-Michaud ne semble pas être la seule à avoir du assumer une lourde charge de travail. Selon un témoignage anonyme, la présidente actuelle travaillerait en moyenne entre 60 et 80 heures par semaine, dépassant largement les 37 heures prévues par son contrat.

El Idrissi souligne également la durée excessive des réunions du CA, mentionnant des séances de six à sept heures les dimanches. Il estime que de nombreux sujets pourraient être débattus en comité pour alléger ces rencontres. 

Cette charge de travail démesurée conduit, selon l’ancienne Commissaire aux affaires francophones, les membres de l’exécutif à négliger leurs besoins personnels et leurs études. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales ayant mené à sa démission : « On oublie que je suis avant tout une étudiante, et que j’ai droit à une vie privée », partage-t-elle.

Robitaille souligne le rôle crucial de l’équipe de soutien actuelle du bureau exécutif, qui épaule les commissaires lorsqu’ils.elles se sentent dépassé.e.s et qui assume certains dossiers assignés aux postes actuellement vacants. El Idrissi estime toutefois qu’un meilleur soutien est nécessaire, notamment par l’embauche de plus de commissaires adjoint.e.s à temps partiel. Robitaille précise que le nombre de postes a en effet diminué en raison des compressions budgétaires de 2024-2025, et qu’il ne reste que deux postes à temps partiel pendant l’année académique.

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