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Arts et culture

Portrait étudiant : Jonathan Cimon Lambert 

21 octobre 2019

Crédit visuel : Andrey Carmo – directeur artistique 

Par Noémie Tremblay – Journaliste  

Jonathan Cimon-Lambert est un écrivain. Il complète présentement son doctorat en Lettres françaises au volet création littéraire de l’Université d’Ottawa. Il s’intéresse notamment à l’esthétique du grotesque. 

La Rotonde : À quel âge avez-vous commencé à écrire ?

Jonathan Cimon-Lambert : J’ai commencé à écrire à 18 ans, je n’ai pas écrit avant. C’est l’âge auquel je me suis mis à lire plus activement. Avant, je ne lisais pas vraiment, à la maison, personne ne lisait vraiment. Pis là, en dernière année du secondaire, grâce à un enseignant, j’ai été initié à la philosophie et par moi-même j’ai bifurqué vers la littérature. 

C’est à partir de mes lectures que j’ai commencé à écrire. J’ai essayé de m’imprégner d’un style. Au début, j’imitais, je copiais, je calquais, je copiais le style de Sartre par exemple. Tu te relis quelques années plus tard et c’est un peu humiliant. Avec le temps, tu découvres ta voix ou ta voie. Et pour la trouver, la lecture ça aide énormément.

La Rotonde : Est-ce que vous vous considérez comme un artiste ?

Jonathan Cimon-Lambert : Non, je préfère me définir en tant qu’artisan. Parce qu’artiste, c’est très mystérieux. Moi, je travaille, puis il y a des journées où ça ne fonctionne pas. L’artiste dirait que c’est un peu capricieux, que ça dépend de son inspiration.

La Rotonde : Quelle est la différence entre l’artiste et l’artisan selon vous ?

Jonathan Cimon-Lambert : C’est juste ma conception, mais quand je me mets au travail, ce n’est pas en attendant l’inspiration. Je travaille des phrases, j’ai un matériel, de la brique, peu importe, j’ai des phrases et je travaille des phrases. L’inspiration soi-disant vient d’avoir travaillé ces phrases-là. 

Pour moi, il n’y a pas de mystère, l’inspiration vient du travail de la langue. Quand j’écris une phrase, je veux avoir l’impression que cette phrase-là n’a jamais été écrite. C’est technique. C’est pour ça que je dirais que c’est plus artisanal. Je crois que lorsqu’on est plus jeune, on se dit ; « Comment ça moi j’ai eu l’idée d’écrire cette phrase-là, houlala ? ». Tu es un peu imbu de ta personne quand tu es jeune, un peu arrogant.

La Rotonde : Est-ce que vous croyez qu’avec le temps l’arrogance disparaît ?

Jonathan Cimon-Lambert : Je crois que oui, quand j’étais un petit peu plus jeune, je pouvais en m’endormant penser à une phrase, je la trouvais belle, disons musicalement et hop je me levais, j’allais l’écrire, puis je me rendormais. Pis quand tu es dans cette routine-là, tu penses que tu es un peu spécial ou original. Mais ce n’est vraiment pas le cas.

La Rotonde : Qu’est-ce qui vous a fait comprendre que ce n’était pas si simple d’être original ?

Jonathan Cimon-Lambert : D’autres personnes me l’ont fait comprendre. Au début de mes études, j’étais vraiment plus solitaire. J’étais dans une bulle, alors je croyais qu’il y avait juste moi qui écrivais comme ça. Dans l’actualité, il n’y a pas vraiment d’espace qui parle des écrivains, donc tu as l’impression d’être le seul à bosser comme ça. Puis j’ai rencontré des artistes, des écrivain.e.s, je suis sorti de mon milieu, puis j’ai réalisé que je n’étais pas si unique que ça finalement. Ce qui est rassurant mais en même temps tu développes un esprit compétitif que tu avais pas nécessairement avant.

La Rotonde : Quel est votre processus créatif, quel est le trajet d’une histoire dans votre tête ?

Jonathan Cimon-Lambert : C’est toujours en projet que je travaille. J’entends des gens parler d’idées. Ça ne commence jamais à partir d’une idée, pour moi ça commence avec un personnage, un mot, un ver d’oreille qui revient encore et encore. J’aime vraiment la métaphore avec le sculpteur. C’est comme si j’avais un gros bloc de marbre, soit une espèce de flot ininterrompu de mots. Au début, je ne vois rien, je ne vois pas le récit ou l’histoire et c’est en coupant, en élaguant, que le texte surgit. J’enlève; comme un sculpteur qui taille.

La Rotonde : Alors quelle est cette  « matière » qui part, lorsque vous faites des coupures dans vos textes ?

Jonathan Cimon-Lambert : En fait, ce sont les émotions, les fragments de mon vécu, les choses autobiographiques que je finis par enlever, raturer. Si tu écris sous l’effet de l’émotion, c’est cru et puis souvent pour « t’auto passer » un message, tu as recours à des phrases pré-faites.  Je vois là moins d’originalité, ce sont des choses qui ont déjà été dites avant moi. J’essaie d’éviter ces pièges-là, stéréotypés, recyclés.

La Rotonde : Quels sont vos thèmes de prédilections ?

Jonathan Cimon-Lambert : Les thèmes, pour moi, c’est un peu des effets corollaires, c’est comme une idée. Pour moi, ça ne fonctionne pas. J’ai souvent essayé d’écrire à partir d’un thème mais ça ne fonctionne jamais. Parce que tu te forces à répondre à des exigences extérieures. C’est plutôt les deux, trois personnes de mon entourage qui lisent mes textes qui vont déceler des thèmes, que moi à la base, je n’en avais aucune idée. Au début, ça peut frustrer mais à posteriori tu découvres que c’est peut-être ça la richesse du texte. Tout le monde peut lire autre chose, une pluralité de choses. C’est mieux qu’une lecture unidimensionnelle. 

La Rotonde : Quels sont les écrivains qui ont marqué votre pratique ?

Jonathan Cimon-Lambert : L’Irlandais James Joyce, il a écrit Ulysse, un roman où il reprend la matrice d’Homère et puis il la réécrit au 20e siècle. Louis-Ferdinand Céline, Charlotte Brontë, Romain Gary, Alice Munro, elle quand je l’ai lue, j’ai compris que tu peux être simple en apparence, voir banal et avoir une profondeur insondable. Samuel Beckett. Là, je lis Nancy Huston, à chaque page, il y a quelque chose qui te coupe le souffle, autant dans ses romans que dans ses essais. Françoise Sagan…

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