Crédit visuel: Andrey Carmo
Par Miléna Frachebois – Journaliste
Faire le choix audacieux de se lancer dans une carrière artistique sans regarder en arrière. C’est ce que Mathieu Roy, un étudiant en arts, partage avec La Rotonde.
La Rotonde: Pouvez-vous vous présenter brièvement?
Mathieu Roy: Mon nom est Mathieu Roy, j’ai 25 ans. J’ai commencé mes études en sciences. J’ai été étudiant en comportement animal pour 3 ans. Ensuite j’ai fait la transition du monde des sciences jusqu’au monde de la musique. J’ai fait un bac en arts et je me suis spécialisé en théâtre et en éducation. Tout récemment, suite à une petite « poussée » des professeurs, j’ai décidé de faire le saut et d’aller en performance vocale. J’ai fait ça pour les derniers 2 ans.
Je suis en début de formation de performance classique, mais je fais aussi de la comédie musicale.
J’ai toujours été passionné de la musique, j’ai chanté, j’ai joué le piano. Mais je n’avais jamais vu la possibilité de faire une carrière en musique. Ce qui m’a fait changer d’avis, c’est le fait d’avoir travaillé dans un organisme. Travailler de 9 à 5 dans un laboratoire n’était pas fait pour moi.
La Rotonde: Qu’aimeriez-vous faire après votre baccalauréat ?
Mathieu Roy: Si tout va bien, j’aimerais faire plus de programmes musicaux, donc j’essaie d’aller en performance. Je fais le plus de concerts possibles pour me présenter le plus souvent. Si ça marche bien, j’aimerais travailler en gestion des arts, plus comme directeur artistique.
La Rotonde: Que diriez-vous à un étudiant qui serait tenté de poursuivre ses études en arts ? Des conseils pour qu’il réussisse et qu’il s’épanouisse ?
Mathieu Roy: La première chose est de ne pas se comparer aux autres. Tout le monde a son propre trajet. Il faut accepter où tu es dans ton trajet et de venir à terme avec ça. Il ne faut pas avoir peur de faire des choses qui ne sont pas directement reliées à sa carrière. On ne sait jamais ce que la vie peut nous apporter. Il faut travailler fort et se prouver avant d’avoir les opportunités qui se présentent à nous. Il faut être innovateur pour se créer ses propres opportunités.
La Rotonde: Est-il facile de se construire une carrière après avoir fait un bac en musique?
Mathieu Roy: C’est difficile de se faire une carrière si on ne prend pas le temps d’apprendre la business; c’est-à-dire comment gérer les gens, comment gérer un orchestre, comment faire de la programmation musicale et du marketing. C’est des choses que j’ai dû apprendre. Si tu fais juste ton école et tu ne vas pas chercher d’autres opportunités, ça ne fonctionnera pas. C’est l’orchestre qui m’a permis de prendre des risques, d’essayer des différentes choses. Je n’aurais pas eu cette opportunité-là seulement en faisant mon éducation. Il faut prendre des risques calculés.
La Rotonde: Quels sont les défis auxquels vous avez fait face en rapport à la musique?
Mathieu Roy: Travailler dans le monde de la musique signifie parfois aussi travailler dans un domaine un peu connexe. En ce moment, je suis en train de faire du marketing pour le théâtre français. Pourtant, je n’ai jamais fait de théâtre en français. Mais j’ai eu l’opportunité donc j’ai pris la chance. Il faut être polyvalent et ne pas juste faire son art.
Il est d’autant plus difficile de produire de l’art à Ottawa parce que c’est très difficile d’emmener des gens dans une salle de concert. C’est une ville remplie de culture : il y a 175 chorales amatrices à Ottawa, et chacune fait 2–3 concerts, il y a tellement d’art à donner. Mais il y a juste un public et il n’est pas nécessairement réceptif.
Quand les gens viennent, c’est une soirée spéciale pour eux, ils y vont une fois par année. Mais ça devrait être le contraire. On veut que les gens viennent souvent, on veut que ça soit la norme. C’est difficile d’abattre ce stigma-là, parce que cela fait des années.
La Rotonde: Quels ont été les défis que vous avez rencontré en administration des arts?
Mathieu Roy: Deux problèmes se posent. Déjà financièrement, trouver du financement c’est presque impossible. Une organisation artistique sans trouble financier n’existe pas. C’est toujours la recherche de bourses, subventions, donateurs; ce n’est pas facile. Il faut créer une communauté, avoir des liens. La deuxième chose, c’est vraiment commencer un organisme, car pour cela il faut des bénévoles. À un moment donné, les bénévoles se fatiguent et il est difficile de trouver la relève, de trouver des gens qui sont capables de donner de leur temps. La réalité des choses, c’est qu’on ne peut pas payer les gens. Il faut aussi être capable de trouver une équipe dynamique qui est capable d’aller au-delà des choses.
La Rotonde: Quelle vision ont généralement les gens autour de vous au sujet de votre passion/voie professionnelle?
Mathieu Roy: Dans ma famille, personne ne fait de la musique mais ils me soutiennent tout de même.
La Rotonde: Parlez-moi de vos réussites. Comment vous est venue l’idée de fonder l’orchestre « Ottawa Pops orchestra »?
Mathieu Roy: Je suis directeur artistique de l’orchestre pop d’Ottawa. Cela prend ses racines de l’Université. Sept ans passés cela a été formé en tant que club universitaire, je voulais un espace où on pouvait jouer avec des amis. Finalement, personne n’était disponible donc ça a été ouvert à toute l’université. Ça commencé par 5–6 personnes jusqu’à 25 par la fin de l’année. Là, on a décidé de former un petit groupe ensemble et on a fait un concert. Il fallait le faire évoluer à partir de ce point-là.
Maintenant, on s’est séparé de l’université en avril 2017 juste parce qu’on a vu l’opportunité de vraiment se fonder comme une organisation à but non lucratif et d’ouvrir nos horizons. Ce qui distingue cet orchestre, c’est le fait que ce soit majoritairement pour les jeunes par les jeunes. Cependant, c’est ouvert à tous. Le niveau est assez haut donc on auditionne les gens chaque année, on est en processus de croissance. On essaie de tirer les liens dans la communauté classique et populaire dans la région d’Ottawa parce qu’il y a vraiment une grosse division entre les deux mondes. Ce qu’on essaie de faire, c’est promouvoir la musique orchestrale à un public général et viser les gens qui ne sont pas nécessairement impliqué dans les arts.
80% de notre public regarde un orchestre pour la toute première fois.
La Rotonde: Avez-vous d’autres projets par la suite ?
Mathieu Roy: En ce moment on travaille avec plusieurs autres musiciens et artistes de la région. On essaie d’organiser un concert à but caritatif pour la protection de la forêt et contre la déforestation. On veut rassembler la communauté artistique; on a plusieurs chanteurs en collaboration avec l’orchestre. On aimerait mettre cela en place début octobre. On veut lever des fonds et faire une différence.