Polémique autour de la destitution d’une représentante : Des résidents affrontent l’ARUO
– Par Clémence Labasse et Marc-André Bonneau –
Les résidents de la résidence Marchand vivent maintenant sans représentante depuis le 10 novembre. Cherie Wong, leur représentante, a été destituée de ses fonctions après un vote de l’exécutif de l’Association des résidents de l’Université d’Ottawa (ARUO). Par une pétition, plus de la moitié des résidents se sont mobilisés pour dénoncer la décision de l’Association. L’ARUO explique que la destitution a été causée par un « différent professionnel ». Toutefois, le doute subsiste quant aux raisons de son renvoie. Mme Wong affirme avoir été victime de harcèlement sexuel de deux hommes impliqués dans l’ARUO et critique l’Association d’avoir ignoré ces accusations.
« Je suis sûr que j’ai plus de la moitié de la population de Marchand qui a signé », s’exclame Samuele Corsalini, résident de la résidence Marchand. « J’ai amassé 200 signatures la première journée. J’ai commencé à 19 h et j’ai circulé du 15e étage jusqu’au 9e », ajoute M. Corsalini. La pétition circule depuis le 13 novembre.
Puisque nous vivons dans un pays démocratique [et que] les résidents sont ceux qu’elle représente, on aurait dû être consultés », réclame M. Corsalini. Gabrielle Read, présidente de l’ARUO, affirme que la pétition ne modifiera pas la décision de l’exécutif, même si elle considère que l’Association fonctionne démocratiquement.
« Je m’en fous de ce qui se passe à l’intérieur de l’Association des résidents. J’ai vu ce qu’elle a fait dans la résidence. Durant la période des examens de mi- session, quand que tout le monde est stressé, on s’est réveillés un matin et il y avait des mots d’encouragement un peu partout, qu’elle avait distribués. […] Elle a encouragé tout le monde », explique M. Corsalini. « Elle aurait pu étudier pour ses propres examens, mais elle a plutôt décidé d’encourager les autres », explique ce dernier.
Cas de harcèlement sexuel ébranle l’ARUO
Cherie Wong a été destituée de son poste de représentante des résidents du bâtiment Marchand, poste auquel elle avait été élue en mars dernier. La Rotonde l’a rencontrée pour discuter des circonstances de son impeachment, par vote du conseil exécutif de l’Association, le 10 novembre dernier.
« La raison qu’ils m’ont donnée, et celle qu’ils ont transmise à mes résidents, est que je n’étais pas professionnelle, c’est-à-dire que je ne travaillais pas bien avec les gens de l’exécutif, deux membres en particulier », raconte-t-elle. « À propos de ces deux hommes, l’un d’entre eux m’a agressée sexuellement et l’autre me harcèle depuis plus d’un an et demi. C’est difficile de bien collaborer dans ces conditions », explique-t-elle.
Mme Wong souligne le manque soutien de la part de la présidente ou des vice-présidents, qui, bien qu’au courant n’auraient pas agi pour régler la situation. Des conversations Facebook confirment les dires de la jeune femme.
Selon Gabrielle Read, présidente de l’ARUO, la destitution de la représentante n’est pas liée à l’incident. « Je n’ai été mise au courant de cette affaire que le soir après que nous ayons décidé de voter la destitution de Cherie. J’ai eu des rencontres avec elle dans le passé, parce qu’elle avait eu d’autres problèmes personnels, et je lui ai demandé s’il y avait d’autres choses que je devrais savoir, mais elle ne m’a aucunement parlé de ça ».
L’agression a eu lieu au début du mois de novembre. « J’ai mis Gabrielle au courant le matin après l’incident, juste après m’être réveillée. Elle ne m’a pas vraiment dit quoi que ce soit », affirme Mme Wong.
Aucune mesure n’aurait été prise à l’encontre de son agresseur. Le jeune homme qui était également membre de l’exécutif de l’Association des étudiants en sociologie et anthropologie (AESA), aurait démissionné de son poste, après que Chérie ait fait la démarche d’en informer la présidente de l’Association. Il travaille toujours dans l’exécutif de le l’ARUO.
Raisons officielles de l’impeachment
Les raisons évoquées par le comité exécutif pour la destitution de Mme Wong sont tout autres. Officiellement, l’Association a communiqué sur Facebook que cela avait à voir avec « des différences professionnelles au sein du comité exécutif ». L’ARUO explique aussi que par son comportement, elle aurait rempli trois des cinq critères pour l’impeachment, mais ne donne pas plus de détails par souci pour sa réputation.
La présidente a transmis à La Rotonde ces critères : le refus ou la négligence dans l’accomplissement d’une tâche déléguée par l’Assemblée ou les Exécutifs, une mauvaise représentation de l’Association et de l’abus de pouvoir.
Toutefois, en tant que représentante de bâtiment, pour beaucoup son travail était exemplaire. Samuele Corsalini, résident de Marchand, raconte qu’« une fois, après la semaine de lecture et l’incident au Parlement, elle a pris le temps de mettre des notes positives d’encouragement partout dans la résidence, sur toutes les portes. Elle faisait admirablement bien son travail ».
L’ARUO a recensé dix infractions qui justifient sa décision. Les cas évoqués ne correspondent pas à des plaintes formulées par les résidents, mais principalement par une mauvaise conduite à l’égard des membres de l’exécutif et, parfois, à l’endroit des partenaires de l’Association.
La présidente de l’ARUO a déclaré à La Rotonde que « nous avons eu des problèmes avec la façon dont elle se comportait professionnellement. À certaines occasions, elle passait derrière notre dos : faisait des demandes à d’autres personnes, et parlait seul à seul avec certains membres de l’exécutif pour donner sa vision des choses. Elle tentait un peu de nous décrédibiliser ».
« J’ai dû la rencontrer pour lui dire ‘‘certaines choses que tu fais font mal à des gens dans le bureau’’ », ajoute la présidente, Mme Read.
Mais derrière le « manque de professionnalisme » se cacherait-il en réalité la mise à l’écart d’une menace pour l’exécutif de l’ARUO? Selon Mme Wong, l’Association a fait des démarches allant à l’encontre de la Constitution de l’ARUO, ce qu’elle tentait de dénoncer.
Des infractions constitutionnelles au sein de l’ARUO?
Selon la Constitution de l’Association, tous les membres de l’exécutif sont élus par les résidents, et si un siège est vacant avant la fin du mois d’octobre, un nouveau membre doit être élu par l’Assemblée des représentants (AdR), organe décisionnel composé de 62 représentants, provenant de chacune des résidences. Après la fin octobre il est possible de désigner directement le membre.
Le vice-président aux finances de l’Association, Pierre-Luc Losier, a lui été désigné par le Comité exécutif, sans vote de l’AdR. La position avait pourtant été ouverte avant la fin octobre.
« J’ai tenté de leur rappeler la Constitution, encore et encore, mais à chaque fois ils m’ont juste envoyé promener », raconte Mme Wong. « Ils ont finalement nommé le v.-p. aux finances. À ma connaissance, les années précédentes quand il y a une nomination, un comité d’embauches était mis en place, mais cette année, aucun des représentants d’édifice n’a été invité à faire part d’un tel comité. La présidente a pu engager qui elle voulait ».
La jeune femme a tenté d’en parler au président d’Assemblée, chargé de faire respecter la constitution dans les AdR, et exceptionnellement dans d’autres réunions. Selon Mme Wong, il aurait admis percevoir le manquement aux procédures. Rien n’a cependant été fait à ce sujet. Quelques jours plus tard, ce même membre de l’exécutif proposait la motion de l’impeachment de Mme Wong. Cet individu est aussi celui que l’ancienne représentante accuse de harcèlement.
Il n’existe aucun tiers parti qui puisse juger de ces infractions en dehors de l’Association elle-même.
Quelles possibilités d’appel?
S’il est possible de destituer un membre, en suivant plusieurs procédures lors d’une réunion du Comité exécutif, la motion ne sera officiellement mise en application qu’après avoir été votée par l’AdR. Une fois la motion votée, l’individu aurait alors la possibilité de faire appel dans les sept jours suivant la décision.
Seulement, l’AdR qui a suivi l’impeachment de Mme Wong, le 17 novembre, a été ajournée avant que la motion puisse être votée, à cause d’une urgence médicale. La prochaine assemblée n’aura donc lieu qu’en janvier 2015.
Entre temps, l’ancienne représentante se retrouve sans honoraires, et sans possibilité de faire appel. Pour la présidente de l’Association : « il lui serait toujours possible d’aller voir the Conseil d’Arbitrage Etudiant, ou éventuellement le Centre des droits étudiants ». Selon nos sources, le premier n’existe plus depuis un an et le second, parce qu’il est dirigé par la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO), partenaire de l’ARUO, ne pourrait pas intervenir.
Les résidents de l’édifice Marchand se retrouvent sans représentant jusqu’à la désignation par le Comité exécutif de quelqu’un d’autre. La présidente de l’ARUO doit d’ici là assurer les tâches de la représentante.