– Par Lysane Caouette –
Vendredi dernier, les amateurs de poésie ont pu apprécier des allocutions parfois touchantes, assommantes, douces, et frôlant même la drôlerie. C’est une dizaine de performeurs provenant en majorité d’Ottawa mais ayant eu des parcours très différents qui sont montés sur la petite scène de la Galerie Saw, afin de partager verbalement leurs écrits. La Soirée d’art et de poésie sur l’incapacité, organisée par le Centre pour étudiants ayant un handicap (CÉH) de l’Université d’Ottawa, clôturait ainsi la semaine de la sensibilisation aux incapacités 2013.
Tous les poèmes n’étaient pas teintés de rose. Certaines œuvres exploitaient littéralement la souffrance de vivre avec une incapacité, que ce soit d’un problème mental, comportemental, ou de nature physique. C’est grâce à la sincérité de ces poètes, notamment à travers leurs prestations, mais aussi à travers leur puissance verbale et leur gestuelle, qu’ils ont sensibilisé la petite foule à la cause.
« Dans notre culture, les incapacités n’ont pas beaucoup d’attention dans la société. Étant une personne avec une incapacité, je trouve ça admirable que les gens expriment leurs expériences, leur souvenirs plus sombres. Elles nous en disent beaucoup sur nous-mêmes. C’est bien que les gens soient plus familiers avec cela », affirme la coordinatrice du CÉH, Norah Tillon-Cheethan.
Brandon Wint, poète actif au Canada ayant un handicap à la jambe, a su radoucir l’atmosphère de la soirée lors de son passage sur la scène. Son éloquence paisible a transporté le public dans ses histoires, notamment grâce au poème Home, ou bien Breaking.
Depuis son plus jeune âge, M. Wint compose avec les questions des plus curieux concernant son handicap physique. C’est ce qui, entre autres, lui a permis de devenir poète.
« Parce que tout le monde me regardait toujours lorsque je marchais, je me suis mis à observer le monde qui m’entoure. Mon incapacité m’a permis, en quelque sorte, d’être plus attentif à ce qui m’entourait. […] Je ne sais pas si, sans mon incapacité, je serais poète », explique t-il.
Pour la poète Cécile Lachance, la poésie a été, depuis toujours, un moyen pour exprimer ses émotions durant des passages plus ardus qui se sont posés sur son chemin. Étant aussi peintre, Mme Lachance a apporté un tableau sur lequel étaient représentées plusieurs illustrations des moments difficiles de sa vie. « Ce tableau fait partie de moi. Aujourd’hui, je me sens bien », confit-elle.
« Je trouve que l’écriture, c’est toujours quelque chose qui nous permet d’apprendre comment vivre avec ses incapacités. […] Ça aide, dans un sens à vivre avec soi-même », exprime à son tour le jeune poète, Chris Dagney. L’incapacité fait partie du quotidien de beaucoup de gens, mais reste pourtant un sujet tabou dans la société..
« Le terme change beaucoup selon les cultures. C’est aussi vraiment tabou d’avouer que l’on a une incapacité. C’est mieux de laisser la personne se rendre compte par elle-même si quelqu’un a une incapacité. Comme pour moi, ça dépend avec qui je parle. Parfois, je préfère dire à la personne que j’ai une incapacité. Il arrive aussi que je dise que j’ai une incapacité invisible. C’est dans ce sens là que c’est tabou », soutient Mme Tillon-Cheethan.
En plus d’être un canalisateur d’émotions, l’écriture et l’art permet de démontrer une réalité sans censure, croit la coordonatrice.
« Je crois que c’est important de se rappeler qu’il y a beaucoup de moyens pour comprendre diverses réalités. Je crois que la poésie et l’art sont un bon moyen pour comprendre l’incapacité. C’est important de donner l’opportunité de reconnaître que les gens peuvent exprimer un message sous plusieurs manières. C’est ça, le pouvoir de l’art », ajoute-elle.
La majorité des prestations étaient formulées dans la langue de Shakespeare, à l’exemption d’une lecture de la poète Josée Richard, qui a présenté son poème en chiac.