
La poésie slamée de Yao, de retour avec son nouvel album Lapsus
Arts et culture
Par Karla Aparicio
Entrevue
C’est dans une atmosphère enflammée et carnavalesque que s’est déroulé le retour sur scène de Yao, le poète, slammeur et troubadour qui a dévoilé, à La Nouvelle Scène, un troisième album dense et éclectique : Lapsus. Pour l’occasion, le mercredi 9 novembre dernier, La Rotonde a eu le plaisir de s’entretenir avec le maitre des mots pour discuter de ce nouvel album fort personnel où les univers musicaux s’entremêlent et se succèdent.
LR : Avec ce nouvel album, vous semblez vous réinventer en vous présentant sous un jour plus dense. Pouvez-vous nous parler un peu de l’évolution de votre musique?
Yao : Pour moi, la musique à la base c’est l’évolution. Je suis une éponge. Je suis à la fois noir et roux. Je suis un sang-mêlé, fruit du Togo, de la Côte d’Ivoire, d’un système d’enseignement français et du Canada. Je bâtis des univers qui complémentent mon histoire et par lesquels je peux apprendre à me découvrir. En 4 ans, j’ai vécu beaucoup de choses, j’ai muri et j’ai évolué. J’étais Picasso, peignant des belles images, devenu Baudelaire, exposant l’autre côté de la médaille.
LR : Votre musique regorge d’influences de soul blues, de funk, de R&B, d’électro et de zouk. Pourtant, l’essence de votre style se trouve indéniablement dans vos textes. D’où émane votre univers textuel?
Yao : L’environnement m’inspire. Je suis très introspectif en relation face à moi-même et aux autres. Je veux toujours produire quelque chose qui me représente moi et mes idées. Je suis un gars de mots. Les mots peuvent tuer, ils peuvent blesser, ils ont beaucoup de pouvoir. La première chose qu’on apprend à l’école, c’est quoi? C’est de lire et écrire. Les paroles s’envolent, mais les écrits restent– c’est pourquoi j’écris ma vie. Je veux que ça reste.
LR : Dans l’une des chansons de votre album, « Étrange absurdité », vous évoquez le sujet des tensions raciales aux États-Unis. Pourquoi vous a-t-il semblé important de prêter votre voix à cet enjeu social très d’actualité?
Yao : Pour moi, ce n’est pas d’actualité. À l’été 2014, nous avons monté un spectacle de poésie théâtrale intitulé Négritude et Métissage que nous avons présenté en février 2015. On a remis en scène des textes de grands auteurs noirs de notre siècle afin de réfléchir sur nos origines et sur le concept de négritude. Donc, pour moi, ce n’est pas d’actualité de me questionner sur ça, seulement c’est maintenant qu’on y prête attention. Moi, j’écris quand ça me tient à cœur, quand j’ai envie d’en parler. Je ne me suis pas tourné sur les réseaux sociaux, je n’ai pas posté de vidéo sur Facebook pour dénoncer la violence envers la communauté noire. […] Je ne prête pas ma voix à aucun mouvement– pas à Black Lives Matter, White Lives Matter, Blue Lives Matter– rien de tout ça. Moi je parle au nom d’un être humain.