
Pièce de théâtre Jeux de massacre : La folie derrière une maladie inconnue
– Par Shabnam Bahramafarid et Léa Papineau Robichaud –
Le Théâtre de la Licorne du Département de théâtre de l’Université d’Ottawa a présenté du 25 au 29 mars la pièce Jeux de massacre d’Eugène Ionesco, mise en scène par Sariana Monette-Saillant, candidate à la maîtrise en mise en scène.
À la fois drame et comédie macabre, Jeux de massacre raconte l’histoire d’un village ravagé par une sorte d’épidémie, de peste inconnue qui tue les habitants presque instantanément et de façon spontanée.
Un village qui était autrefois calme et paisible, où les gens se promenaient d’un quartier à un autre sans aucun souci, devient victime d’une maladie inconnue, nommée « le mal » par les habitants. Ce dernier est personnifié par un sombre personnage au sourire malicieux, joué par Josianne Lavoie. Ce personnage mystérieux peut, d’un geste de la main, donner des convulsions à ses victimes ou encore les faire mourir à ses pieds. Essentiellement, c’est à Lavoie que revient la tâche de créer l’atmosphère du mystère et de la terreur inattendue.
Dès que ce « mal » fait sa première victime, il y a une réaction en chaîne : les habitants ne peuvent faire autre chose que paniquer, crier, et se barricader dans leur maison dans un faible effort de s’évader du « mal ». Pourtant, personne ne peut y échapper.
Après un certain temps, les personnages deviennent de plus en plus désespérés et commencent à justifier la mort par différents moyens, tous plus absurdes et incongrus. À un certain moment, c’est la politique qui devient responsable des nombreux décès, puis à un autre moment, on affirme qu’à l’instant où l’on se met à avoir des pensées fatalistes, on sera frappé par le « mal ». Les survivants deviennent presque fous face à l’impuissance et à la peur constante de mourir. Ainsi, les gens commencent à s’entretuer, de peur d’attraper à leur tour la maladie d’une autre victime.
Puisque le village est isolé du reste du monde, la famine se met de la partie. Ceci donne place à des scènes totalement déjantées où des personnages tentent de prendre un bébé des bras de sa mère afin de le manger.
Malgré l’atmosphère sombre et inquiétante de la pièce, Ionesco réussit à créer des scènes d’humour ironique que les acteurs ont réussi à transmettre dans leurs actions et dans leurs expressions faciales exagérées. Puisqu’il n’y avait que quelques comédiens sur scène, la plupart d’entre eux devaient interpréter les rôles de plusieurs personnages du village et ainsi interpréter de multiples scènes de mort. Avec des convulsions étranges, des « excusez-moi » polis et ensuite des soudaines chutes de corps par terre, on ne peut s’empêcher de rire à plusieurs moments. Les rires seulement s’intensifient lorsque des cadavres, ou plutôt des mannequins, tombent du ciel sur scène faisant en sorte que des personnages se mettent à crier et à faire des cercles autour d’autres personnages en battant l’air.
En outre, les costumes des comédiens reflètent la descente dans la folie des habitants. Il y a une variété de couleurs sombres et brillantes sur des vêtements à moitié coupés ainsi que des mélanges de vêtements de styles divers. Par exemple, un des acteurs portait un manteau vert foncé, qui détonnait de façon bizarre avec un tutu attaché au bas du manteau. Enfin, les costumes ont facilité la compréhension de l’air d’insanité.
Pièce amusante et fascinante, Jeux de massacre permet non seulement de bien se marrer mais aussi de percevoir l’égoïsme de l’humain. Eugène Ionesco réussit avec brio à faire réfléchir en dosant d’une main de maître le dramatique et l’humour.