Philosophie occidentale et universalité : Une question qui suscite les dichotomies
– Par Florence Bolduc –
Le Département de philosophie de l’Université d’Ottawa a tenu, en collaboration avec celui de l’Université Carleton une conférence sur l’universalité de la philosophie occidentale. L’évènement, organisé dans le cadre de la journée mondiale de la philosophie, a eu lieu jeudi dernier au pavillon Desmarais. Quatre intervenants étaient invités à débattre de la question.
D’abord, tous ont relevé une même difficulté inhérente à la question même. Qu’est-ce que l’universalité? De façon à pouvoir discourir de la question au sens large, il fut convenu de manière générale que l’universalité serait associée à ce qui s’étend à tout.
Le premier thème abordé fut celui des aspects positifs de la philosophie occidentale. Sans accorder entièrement à la pratique un statut universel, le professeure Sikka a mis de l’avant qu’elle comporte tout de même des éléments essentiels et utilisables par tous les peuples, peu importe leur culture. Cette caractéristique fut acceptée de façon générale au cours de la conférence.
La comparaison entre philosophie occidentale et orientale fut mise de l’avant dès le départ et utilisée par la majorité des conférenciers. Un premier lien qui peut être tissé est la présence d’une philosophie dans les deux régions. Avant même de discourir de l’universalité de sa portée, il fut donc établi que la pratique comme telle était universelle, en ce sens que chaque région et chaque peuple pratique l’activité de philosopher.
Par la suite, un deuxième contraste fut apporté entre philosophie occidentale et orientale au niveau de la pratique. Selon la professeure Annie Larivée, la philosophie orientale reste plus traditionnelle et est accompagnée de la vertu de patience et de travail corporel et spirituel dans la recherche de la vérité. Elle implique également que cette vérité fut découverte par un maître et que le savoir se transmet de maître à élèves. Cela en fait donc une pratique sociale et commune, rendant la philosophie accessible. Du côté occidental, avance toujours Mme Larivée, l’avancement philosophique se fait davantage par critiques des enseignements du maître. L’élève cherche à le dépasser et à repousser les limites de sa pensée. Son caractère élitiste et académique limite sa pratique. Docteur Larivée avance donc qu’en un mot, elle définirait de « socratique » la philosophie occidentale, « une sagesse qui promeut moins de l’auteur, moins de certitudes, plus de questions, plus d’émerveillement, plus d’exploration. » Bref, selon Mme Larivée, la philosophie occidentale est plus universitaire qu’universelle.
À cela, le professeur Gordon ajoute que jusqu’à récemment, la tradition bouddhiste était à la tête de la tradition occidentale. Selon lui, non seulement elle comporte des éléments traditionnellement forts, mais elle a également su prévoir des concepts suggérés plus tard par les philosophes occidentaux. Également, une comparaison importante, selon lui, entre philosophie occidentale et orientale est en ce qui a trait au travail désavantagé. Ce fut le cas de Kant, qui produisait sa pensée dans un cadre restreint et limité. Selon Docteur Gordon, les réalisations du bouddhisme sont peut-être plus grandes encore, ayant été produites dans un cadre rigoureusement circonscrit par des règles, comme l’écriture en prose de leurs textes.
Finalement, le professeur Reid apporte des idées quelque peu différentes de celles de ses collègues. Il accentue d’abord le fait que la question réfère à des philosophies autres qu’occidentales. Le problème selon lui est que ce qui est défini comme étant universel ne laisse pas de place à d’autres pratiques. Si la philosophie occidentale est étudiée comme étant substantielle, elle devient l’unique référent à la substance de toute chose. Le professeur Reid met donc de l’avant que pour ne pas limiter la philosophie à sa pratique occidentale, il faut la percevoir comme un attribut de cette substance et non la substance elle-même. De cette façon, son universalité n’empiète pas sur celle des autres.
Au niveau de l’accessibilité à la philosophie occidentale, Docteur Reid soutient qu’elle se pratique dans un cadre universitaire. À la question de savoir comment la rendre plus accessible, il répond qu’« il faut reconnaître que la philosophie, pour le meilleur et pour le pire, se passe à l’université. Donc une chose qu’on peut faire est de supporter la philosophie au sein des universités. […] Une chose qu’on peut tous faire est de s’assurer d’être les porte-paroles de la philosophie. » De cette façon, le mépris qui est adressé à la pratique ainsi que la pression qu’elle subit par les autres disciplines seront amoindris et elle en deviendra plus attrayante à l’étude.
La philosophie occidentale possède des caractéristiques positives, utilisables par tout le monde. Son caractère académique limite par contre sa pratique en tant que sujet d’étude. La tradition orientale offre là une alternative par son accessibilité. Pour faire en sorte qu’elle soit plus accessible à tous, il en revient aux universitaires de se faire les porte-paroles de la philosophie. La question première, à savoir si elle est universelle, est difficile à résoudre de façon claire et définie. Elle comporte des éléments comme « l’universalité » ainsi que le déterminant « la », qui doivent être compris avant de pouvoir être mis ensemble dans une réponse générale. Tout de même, les conférenciers s’entendent pour lui accorder des aspects universels, mais sans limiter la portée de la philosophie orientale.