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Arts et culture

La pensée ne nous quitte jamais, virus ou pas

Crédit visuel : Andrey Carmo – Directeur artistique

Par Miléna Frachebois – Journaliste 

Collé.e.s à nos ordinateurs et à nos télévisions, nous sommes obligé.e.s à meubler notre temps. En ce qui me concerne, ce dernier me permet de penser davantage à la nature de l’humain.e et à la société grâce à, entre autres, certains concepts philosophiques. 

Réfléchir et penser sont des outils que l’on dit propre à l’humain.e ;  j’ai toujours adoré les utiliser. Je pense même à penser et il est impossible de m’arrêter.  Pourquoi ? Parce que j’ai besoin de comprendre la complexité du monde.

Ce temps de confinement me semble propice pour remettre en question certains concepts de la vie sociale qui nous semblent si naturels malgré qu’ils soient une invention de l’humain.e. Une question me trotte particulièrement : qui sommes-nous vraiment en dehors de notre être social ? 

Nécessité d’autrui 

Aristote défend l’idée que « l’homme est un être sociable ; la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables ». Présentement, à mon avis, cette citation prend tout son sens. L’humain.e semble avoir besoin de vivre avec les autres, car il s’identifie à travers le regard d’autrui. L’autre, pour moi, agit comme alter ego ; un.e autre soi et un.e autre que soi. Le regard de l’autre confèrerait ainsi une existence objective. 

Hegel soutient cette thèse : « la conscience générale de soi est l’affirmative connaissance de soi-même dans l’autre moi ». En d’autres mots, si l’autre n’était pas là, que serait la société ? Quelles seraient les règles ? Comment ferions-nous pour nous épanouir ? Perdu.e.s et submergé.e.s, nous n’aurions pas nécessairement de morale commune et de respect. 

Être coupé.e des contacts humains, comme présentement, semble nous éloigner d’une partie de nous-même. Les ami.e.s et notre entourage en temps normal nous conseillent, nous dirigent et reflètent ce que nous sommes. Présentement, nous devons le trouver à l’intérieur de nous-même, ce qui peut sembler vertigineux.

Sartre abonde aussi dans ce sens : « nous ne sommes nous qu’aux yeux des autres et c’est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes ». Certain.e.s, comme l’auteur disent aussi : « l’enfer c’est les autres ». D’autres : « l’avis des autres importe peu ». Je pense qu’il faut être réaliste ; le jugement des autres est la base de notre estime et de notre construction personnelle. 

Seul.e.s, qui sommes-nous ? 

Que se passe-t-il sans la reconnaissance des autres ? Je ne possède pas la vérité absolue. Cependant, depuis que j’ai coupé les ponts avec le contact humain, je suis moins heureuse, moins satisfaite avec ma propre personne. Le miroir de la conscience personnelle me paraît comme très puissant. 

En restant confinée, la valeur de mes efforts et de mon travail diminue. Bien que le télétravail existe et que les cours sont en ligne ; ma motivation baisse.

J’en viens à conclure que, sans les autres, l’humain.e ne sait plus qui il ou elle est. Heureusement, nous ne sommes pas condamné.e.s à faire face à notre solitude complète. 

L’humain.e, un être égoïste ?

La peur et l’incertitude sont des sentiments désagréables et difficilement contrôlables. Ces sentiments poussent, selon moi, l’humain.e à son autre essence, controversée ; l’individualisme. Les normes sociétales oubliées, menacé.e par la panique, l’humain.e pense à lui. 

L’égoïsme peut cependant s’avérer nécessaire, sans quoi une personne ne survivrait pas en société. Mais je pense qu’il faut contrôler cet aspect de notre personne. Nous semblions vivre, au départ, en symbiose avec la collectivité. Serait-ce alors le système capitaliste qui nous aurait imposé cette façon d’agir, plus individuelle ? 

Soudainement, nous nous ruons dans les magasins pour trouver de quoi nous essuyer les fesses proprement ; ou bien par peur de ne pas pouvoir manger de pâtes, alors que nous avons dix paquets dans le garde-manger. Certain.e.s semblent aussi replonger dans des discours racistes.

Nous avons beau tenter la solidarité ; plusieurs paraissent, face à la menace, d’autant plus individualiste. Face à un tel événement, l’humain.e ferait face à sa propre insouciance et panique. Nous réalisons alors que nous ne sommes pas des super-héros et qu’il est difficile de lutter contre notre essence propre.

Le virus nous résiste. La nature nous rattrape. 

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