– Par Alex Jürgen Thumm –
Le doctorant Paul Beckwith représentera une organisation non gouvernementale (ONG) du Ghana à la Conférence sur les changements climatiques 2014, l’organe suprême de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Ses recherches portent sur les changements climatiques abrupts. La conférence se déroule à Lima, au Pérou, du 1er au 12 décembre. La Rotonde s’est entretenue avec lui peu avant son départ.
La Rotonde : Comment et pourquoi assistez-vous à la Conférence sur les changements climatiques 2014?
Paul Beckwith : Alors que je discutais avec des collègues internationaux qui travaillent sur le méthane, l’un d’eux déplorait le fait qu’on ne faisait que parler et qu’on n’agissait pas. Nous devons agir. D’une certaine manière, il critiquait le fait que notre discussion en ligne ne mènerait à rien. Cela m’a un peu achalé et je lui ai donc dit : « Paie pour mon voyage et je viendrai ». Et c’est ce qu’il a fait. Environ 200 pays participent à la Conférence qui se penchera sur la science la plus récente sur les changements climatiques. Mes collègues de parrainage nous ont accrédités avec une ONG au Ghana. Comme ça, je peux assister à tous les événements. Tu ne veux pas être associé au Canada lors de ce genre de Conférence. Je me rappelle qu’Elizabeth May n’avait pas été capable d’être accréditée avec le Canada dans le passé, donc elle l’avait fait aussi avec le Ghana. L’ONG du Ghana s’attarde surtout à la pauvreté et, évidemment, les changements climatiques sont créateurs de la pauvreté. Lorsque des cas de climat extrême détruisent des villes ou des propriétés, la plupart de celles-ci ne sont pas couvertes par les politiques d’assurance standard. Ça l’entraine donc la pauvreté et des migrations. À court terme, certains pays sont plus à risque que d’autres. À long terme, tous les pays le sont. Il y a même eu des exemples concrets en Ontario, ces dernières semaines, avec des températures changeant rapidement et des vents violents. Ceci devient la nouvelle norme en ce qui a trait au système climatique.
LR : Y aura-t-il une délégation représentant le Canada?
PB : C’est une bonne question. Je n’ai rien lu à ce sujet dans les nouvelles et je n’ai pas pu savoir si le Canada a décidé d’envoyer quelqu’un. Elizabeth May y sera. Lors des conférences précédentes, John Baird y est allé pour s’adresser à une salle vide à propos de ce que fait le Canada. Il inventait ce qu’il disait. Quelques personnes ont assisté simplement pour pouvoir sortir en milieu de conférence, pour envoyer un message au Canada. Le Canada n’a aucune crédibilité internationale en ce qui concerne les changements climatiques.
LR : Qu’accomplira réellement la Conférence?
PB : Un panel intergouvernemental a récemment rédigé un rapport, portant sur la science la plus récente. Mais ce rapport manque des choses. Il ne considère pas certains problèmes, comme ceux de l’Arctique. Ces problèmes sont la brebis galeuse du système climatique. C’est un risque, car si ces problèmes ne sont pas considérés, le méthane pourrait changer les choses en l’espace d’une nuit, et il y a un risque que ça se produise. Le risque est la probabilité d’un événement multipliée par l’effet de cet événement. Donc même si la probabilité est extrêmement basse, puisque l’effet serait à l’échelle globale, le risque est énorme et donc considérable.
En tant qu’humains, nous dévalorisons ce genre de risque à faible probabilité qui entraîne des conséquences énormes. Nos enfants portent des casques. Le risque de terrorisme est, je dirais, insignifiant comparativement au risque que posent les changements climatiques. Les compagnies d’assurance l’ont déjà remarqué, leurs politiques ont déjà augmenté de manière considérable depuis l’an dernier. Au Canada, par exemple, les augmentations sont de 30 % en raison de températures extrêmes. Les politiques d’assurance n’ont pas augmenté en raison du terrorisme.
LR : Qu’est-ce qui vous préoccupe à l’heure actuelle?
PB : Nous avons une bataille entre science et idéologie. Et il n’est pas clair que la science prendra le dessus. En 2011, environ 44 % des Américains croyaient que l’augmentation des cas de température extrême, comme des inondations et des sécheresses, étaient des conséquences divines et non des conséquences des systèmes climatiques. Ce chiffre s’élève maintenant à 49 %. Ma préoccupation est que, alors que la fonte glaciale progresse, les cas de température extrême deviendront plus fréquents et plus persistants. Ceci entrainera de plus en plus de personnes à dire que ceci était la volonté de Dieu et la science pourrait prendre le bord. La fenêtre de la rationalité ne restera pas ouverte pour toujours. Dans l’histoire, il y a toujours eu une réapparition massive de la religion après une pluie de météores ou une éruption volcanique. Je ne suis pas contre la religion, mais la science est la meilleure manière de comprendre les systèmes climatiques. Nous avons des cerveaux pour une raison, même d’un point de vue religieux. Nous avons besoin d’un plus grand sens d’urgence. La plupart du temps, c’est le contraire. Le public s’inquiète à propos de quelque chose et les scientifiques disent de ne pas s’en préoccuper. Mais là, ce sont les personnes qui s’y intéressent qui sont le plus inquiets. Ça devrait en dire assez. Les scientifiques doivent être plus actifs vocalement. Ils sont généralement très mal à l’aise à parler de ce qui ne touche pas directement leur domaine de spécialité. Mais nous voyons de plus en plus d’énergies renouvelables et de discussions sur la réduction des émissions.
LR : Votre participation est-elle liée à votre doctorat?
PB : Les deux sont assez indépendants. La Conférence est tellement vague, alors que
le système scolaire requiert un sujet très spécifique, très précis. Je crois qu’il est
moralement nécessaire que plusieurs autres scientifiques sortent de leur domaine précis et observent une vue d’ensemble de la science. Ce serait une grande expérience d’apprentissage pour moi, mais je vais également assister à deux conférences organisées par la presse internationale, l’une portant spécifiquement sur le méthane en Arctique et l’autre sur le groupe auquel j’appartiens, Arctic Methane Emergency Group.