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Arts et culture

J’accuse ; la parole sale sur fond blanc

8 février 2020

Crédit visuel : Ville de Gatineau 

Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe de section Arts et culture 

Comment s’incarne la révolte des femmes de nos jours ? Qu’ont-elles à crier ? C’est ce que dévoile le texte ébranlant d’Annick Lefebvre J’accuse. Celui-ci est présenté au Théâtre de l’Île, du 5 février au 1er mars.

Dans cette pièce, Lefebvre livre cinq monologues de femmes qui, bien qu’elles s’opposent par leur classe sociale, par leurs revendications et leurs opinions, partagent un point commun ; le sentiment d’injustice. Exaspérées par l’image d’elles-mêmes qu’on leur renvoie sans cesse ; elles répondent aux commentaires sociaux qui leur sont adressés.

Le spectacle est mis en scène par Sylvie Dufour et porté par cinq comédiennes d’aplomb de la région : Nathalie Baroud, Mélanie Beauchamp, Marie-Nicole Groulx, Chantale Richer et Maxine Turcotte.

Poupées emboîtées

La mise en scène de Sylvie Dufour, en partenariat avec les metteures en scène Isabelle Bélisle, Sasha Dominique, Kira Elhers et Djennie Laguerre, ouvre le projecteur sur les différentes étiquettes collées à ces femmes. 

L’interprétation, parfois caricaturale, des comédiennes résonne avec l’image du stéréotype qu’elles décrivent. Le mouvement inséré dans les monologues permet aussi de moquer plus efficacement des carcans et de dynamiser le tout. Ces éléments soulignent le ton comique de la pièce, mais donnent lieu à un jeu qui, parfois, manque de profondeur. 

La comédienne Chantale Richer semble toutefois être celle qui incarne le plus son personnage ; elle s’affirme plutôt que de se justifier constamment. 

Univers rose bonbon 

C’est dans un univers de beauté épurée que les cinq femmes déclament leurs propos. L’esthétique fait écho aux stéréotypes associés à la femme. Le décor, blanc, évoque une maison bourgeoise rappelant ainsi la place de la femme à la maison.

Les costumes et les éclairages, tous deux dans des tons rose pastel soulignent la couleur historique de prédilection pour le genre féminin. Le décor du salon ajoute aussi à l’intimité des monologues ; on se sent au coeur de la vie de ces femmes. Un rideau blanc, transparent, disposé au centre, créé une sorte de bulle, un rapport plus propice à la confidence et permet d’adapter le décor au personnage.

L’accompagnement de la musicienne Louise Poirier allège la colère ambiante. Le commentaire derrière ces choix gagnerait toutefois à être précisé.

Parler avec ses tripes 

La carapace qui les protège ne peut inévitablement qu’être brisée. Dans cette brisure, on trouve toute la vulnérabilité et la beauté de ces personnages. Derrière la colère de ces femmes se cache surtout une tristesse. Paradoxaux, les personnages dessinés par Lefebvre gagneraient à être présentés sous une talle plus variée d’émotions. 

Cette version de J’accuse semble faire ressortir ce qu’on y lit de prime abord : des femmes qui se défendent d’une société castrante. Les insultes qu’adressent ces femmes cachent une peur d’être jugée, un mal-être, une culpabilité.

Derrière cette dénonciation évidente, il était difficile de dénoter une réflexion ou un commentaire politique plus large. Bien que la forme du texte inspire une interprétation sur la défensive, le fond semble exiger plus. Ces femmes ne semblent pas rechercher à se vendre ou à se conformer, mais plutôt à faire justice. Reste à déterminer comment définir cette dernière.

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