Par Maeve Burbridge, journaliste
Les maires d’Ottawa et de Gatineau se sont mis d’accord sur un rapprochement des deux villes. Pour élucider ce qui motive ladite union, le directeur des relations communautaires d’Ottawa, Mathieu Gravel, divulgue les détails du plan auprès de La Rotonde. Les uOttaviens ont quant à eux réagi aux plans de rapprochement en soulevant des enjeux tels que le transport en commun et la complexité d’un tel projet.
L’union fait la force
Le projet de rapprochement a été annoncé le mercredi 20 février, lors d’une réunion des entreprises et gens d’affaires de la région d’Ottawa-Gatineau. D’ailleurs, c’est le commerce, la circulation de capitaux et l’échange de main-d’œuvre qui semblent être les motivations primaires de la toute nouvelle alliance. « La région d’Ottawa-Gatineau est une région orientée vers l’économique. Si l’économie d’Ottawa va bien, alors l’économie de Gatineau va bien et vice versa. On veut donc travailler ensemble pour attirer des grandes entreprises et créer des emplois dans la région », explique Gravel.
En combinant la puissance économique d’Ottawa et de Gatineau, Gravel prédit que le secteur privé des technologies verra un boom dans la région. Selon Gravel, les opportunités d’embauche se multiplieront, tout particulièrement pour les postes bilingues.
Transport communément mauvais
Les loyers abordables font de Gatineau un paradis des logements pour les étudiant.e.s de l’U d’O. Pour bénéficier d’un loyer modique, il faut toutefois faire un compromis, soit celui d’affronter le défi de traverser la rivière en empruntant la STO, une entreprise qui ne s’avère pas toujours facile, pour se rendre en cours à tous les jours. C’est d’ailleurs une plainte qui revient souvent parmi les étudiants sondés.
Le conseiller a annoncé un projet de train léger dans l’ouest de la ville de Gatineau, qui travaillerait de concert avec celui d’Ottawa pour mettre fin à la grogne du transport entre les villes. D’après un communiqué de presse publié le 20 juin 2018, « deux points d’arrimage sont prévus avec Ottawa pour créer une boucle avec le train léger, soit la station Bayview via le pont Prince–de–Galles et la station Rideau via le Pont Alexandra ». Il n’existe toutefois présentement aucun délai officiel pour l’ouverture de ce réseau de trains légers.
Est-ce réellement possible ?
La raison qui revenait le plus souvent parmi les étudiant.e.s qui s’opposent au projet de rapprochement est la complexité du processus d’intégration. Nelson Mahmoudi, étudiant en première année en science politique et en droit, déplore l’initiative de rapprochement, le qualifiant d’un « désastre administratif ». Il explique que « ça pourrait prendre des années à débattre la logistique d’un tel projet, et ensuite on passera plusieurs années à passer la législation. Et finalement, ça prendrait encore plus longtemps pour établir un bon fonctionnement dans une ville séparée par une frontière provinciale ».
Gravel, quant à lui, affirme ne voir « aucun réel inconvénient » par rapport au projet de rapprochement.
TÉMOIGNAGES :
Noémie Poirier, résidente de Gatineau
Je dois prendre les transports en commun chaque jour pour me rendre à l’école. Je dois prévoir environ une heure et demie de déplacement tandis que le même trajet pourrait me prendre 15 minutes en auto. En effet, je trouve que c’est une belle idée de vouloir rapprocher les deux villes car beaucoup d’étudiant.e.s et de travailleurs traversent la rivière chaque jour. Gatineau et Ottawa sont des villes très souvent dépendantes l’une de l’autre et c’est d’ailleurs à leur avantage de travailler ensemble principalement dans le but de promouvoir le bilinguisme ! L’Université d’Ottawa est un établissement bilingue qui accueille des milliers d’étudiant.e.s qui habitent à Gatineau.
Je pense que de rapprocher les deux villes ne peut qu’améliorer les déplacements et ainsi contribuer à l’essor économique de chacune. Personnellement, je vais à l’école à Ottawa, mais j’y passe aussi une bonne partie de mon temps personnel. Par contre, j’ai parfois l’impression de me sentir loin de chez moi même si je ne suis qu’à 15 minutes de la maison. J’aimerais bien pouvoir bénéficier d’un accès plus rapide et plus efficace à mon université.
Nelson Mahmoudi, résident d’Ottawa
L’idée de fusionner les deux villes frontalières en une « méga » ville (bien entendu, sa population serait inférieure à celle de Toronto), sans parler d’une ville fusionnée divisée en deux entités provinciales, est un cauchemar administratif. Quelles sont les lois provinciales qui s’appliqueraient ?Par exemple pour la consommation d’alcool ? Qu’en est-il de la police ? Les élections municipales, suivraient-elles les règles électorales de l’Ontario ou du Québec ?
C’est une idée profondément absurde, avec très peu de preuves, de soutenir que cela profitera aux citoyens d’Ottawa ou de Gatineau. Nos systèmes de transport en commun sont déjà très intégrés, ce qui était une étape étonnante pour faciliter le passage de la frontière pour les navetteurs, les étudiant.e.s et les travailleurs, étant donné que de nombreux bureaux du gouvernement sont situés à Gatineau. Je peux voir comment certains citoyens de Gatineau peuvent tirer profit de cette fusion, mais les avantages seraient minimes, car nous allons passer de nombreuses années à la logistique, puis à une législation plus longue adoptée par les trois niveaux de gouvernement pour permettre ceci, et enfin, encore plus de temps pour résoudre tous les problèmes liés à la division d’une ville entre deux provinces dotées de structures sociales, de lois et de réglementations très différentes. Et n’oublions pas que le Québec et l’Ontario ont des politiques de scolarisation et de soins de santé très différentes. Celles-ci étant l’un des services les plus importants offerts au Canada, elles seraient compromises par la bureaucratie des lois provinciales. Et enfin, avec la légalisation récente du cannabis, quelles lois provinciales seraient suivies ? L’âge légal à 19 ans ou à 18 ans ?
((Midley Basquin, résidente de Gatineau
Je pense qu’un rapprochement entre Ottawa-Gatineau serait en effet une bonne chose, car une bonne partie de la population de Gatineau travaille et étudie dans la capitale. Et j’ai aussi remarqué qu’il a une grande circulation entre les deux villes, que ce soit pour le magasinage ou pour les services gouvernementaux.
Personnellement, je ne vois pas une grande différence entre les deux villes si ce n’est pas l’anglais. Alors oui, je trouve que c’est une bonne chose qu’il ait un rapprochement plus officiel entre les deux villes.))
Sean Maher, résident d’Ottawa
Je suis d’accord avec l’idée de Watson quant à la fusion de Gatineau – Ottawa. Ma ville natale de Thunder Bay a été fusionnée à partir de deux villes plus petites, ce qui me permet d’attester de la simplicité et de la rationalité des choses. D’autant plus que beaucoup de gens vont chaque jour entre les deux villes.
Pascale Couturier-Rose, résidente d’Ottawa
Non je ne pense pas que ça serait faisable. Les infrastructures sont trop différentes entre les deux villes (système de santé, système d’éducation). De plus, étant donné que ces systèmes sont des systèmes provinciaux, ils ne pourraient pas vraiment être changés. Il faut que la province s’arrête quelque part ; si toutes les villes en bordure de provinces essayaient de se fusionner, le Canada deviendrait éventuellement une grande province.
En plus, Ottawa a déjà assez de choses à gérer dans sa propre ville sans se mêler des affaires de Gatineau. Entre autres le fameux train léger qui ne semble pas vouloir ouvrir et le prix exorbitant du transport en commun. La différence de langue serait aussi un obstacle. Le maire Jim Watson s’affiche peut-être comme un allié des francophones, mais il s’est longtemps opposé au mouvement d’Ottawa ville bilingue disant qu’Ottawa était déjà « assez bilingue ». Je ne suis pas certaine que les Québécois voudraient collaborer avec quelqu’un qui semble accorder si peu d’importance au français.