
Orchestre Pop de l’Université d’Ottawa : Quand la musique parle à tous les sens
Pour son deuxième concert du printemps, l’orchestre Pop de l’Université d’Ottawa a décidé de mettre à l’honneur cet autre art qu’est le cinéma, et surtout de rappeler que sans ces compositions, les films ne seraient qu’images muettes et vides. C’est à travers une heure et demie de concert, installé sur des chaises de velours rouge, qui ne sont pas sans rappeler les salles de projection, que le public a traversé plusieurs décennies de films, mais aussi une large palette d’émotions.
Le démarrage s’est fait sur une pointe d’humour, avec un retentissant hommage à la Fox. Ces quelques accords ont servi à montrer au public, comme une soudaine apparition, que tout ce qui allait suivre n’est pas pure fiction, que la ressemblance avec des musiques ayant réellement existé n’est pas fortuite. Mais le simple fait de connaitre déjà lesdites musiques, de connaitre ces notes, elles sont gravées dans la mémoire, et c’est avec brio que l’orchestre les a offertes. Le dépaysement a commencé juste après, avec un thème qui aura guidé toute une décennie, au parfum de lierre, de grandes étendues et d’influences celtiques. « The Fellowship of the Ring » a marqué le premier pas d’un voyage qui a emmené l’auditoire aux confins de l’espace, à la recherche d’une étoile noire, à travers le monde à la suite d’un espion au flegme britannique reconnu, ou encore sur l’océan en compagnie des pirates les plus connus des Caraïbes.
Oui, ces quelques films qui sont aujourd’hui devenus les classiques des 30 dernières années ont tous été présents pour quelques minutes, loin des postes de télés, des ordinateurs ou des cinémas. Ils se trouvaient là, accrochés aux cordes d’un violon, ou dans les grondements des cuivres. Et il en n’a pas fallu plus pour que des images remontent. Le public se faisait sentir, composé d’amis, de familles et d’autres amateurs, en osmose pendant ces moments. Quand l’expérience individuelle face au film devient un vaste partage de sentiments, là dans ce théâtre loin des salles obscures.
Parce qu’il faut le souligner, le pari était risqué. L’orchestre s’est attaqué à des musiques qui seront toujours, et pour de bonnes raisons, associées à des paysages, des images, des plans que tout le monde connaît.
La force, et c’est ce qui a marqué la réussite de l’orchestre, c’est de pouvoir, sans jeux de lumière ou autres effets spéciaux, présenter ces images. Les faire jaillir de l’auditoire, comme un souvenir enfoui, et plonger ce dernier dans cet univers qui n’appartient qu’au compositeur, mais que pourtant, le spectateur pouvait toucher du doigt grâce à ce qui jadis lui apparaissait à l’écran. L’écran, cette fois, n’était pas devant l’assistance, car en face d’elle, ce n’était qu’un orchestre concentré, dont la cohésion se faisait sentir, et qui restait de marbre, jonglant entre les partitions et la baguette aérienne d’un chef d’orchestre bienveillant. Et malgré cela, chacun a vu ces quelques images : de vastes plaines vertes, les étoiles et l’immensité de l’univers, la poursuite effrénée de bateaux sous le soleil de plomb. Chaque morceau, quand il se terminait à son apogée, laissait ce goût dans la bouche, le même que quand les lumières du cinéma se rallument après la séance. Et tout ce que veut le spectateur, c’est repartir. Profiter encore un peu du voyage, replonger dans ces bons souvenirs que ces musiques rappellent.
Les 54 musiciens, menés par un Mark Kleyn actuellement étudiant à l’Université d’Ottawa pour décrocher sa maîtrise d’interprétation de l’alto, ont cependant dû faire face à quelques obstacles. Car préparer un tel spectacle demande de gérer autant l’emploi du temps, mais aussi des contraintes de matériel. M. Kleyn l’a fait remarquer, l’orchestre se compose de personnes issues de différents programmes, simplement rassemblées par ce qu’elles aiment faire. Et c’est là le message que ce jeune chef d’orchestre a livré et qu’il leur livre chaque jour : « Continuez de faire ce que vous voulez faire ». Jusqu’à cela semble leur réussir, et au vu de cette prestation, on ne peut que les encourager à continuer.