– Par Sadie Lapshinoff –
Dans la culture populaire, on présente les disputes entre femmes comme quelque chose de naturel, comme un surproduit de la condition féminine. Même dans la vie réelle, nous dépensons peu d’énergie à réfléchir sur l’avènement des crêpages de chignons. Ici, je vais tenter de dénaturaliser le concept de haine entre femmes en invoquant les propos de Chimamanda Ngozi Adichie. Dans un discours intitulé « We should all be feminists », organisé par le forum TEDxEuston et dont un échantillon est apparu sur l’album récent de Beyoncé, Adichie dévoile un fait qui nous permet de comprendre pourquoi la haine entre filles est un phénomène commun. Pour paraphraser son discours, elle indique qu’en société, les femmes sont encouragées à compétitionner entre elles, non pas pour des emplois ou pour des accomplissements, mais plutôt pour l’attention des hommes. Selon elle, cette compétition perpétuelle entre femmes provient du fait que l’on apprend aux filles qu’elles doivent, avant tout, aspirer au mariage.
D’après mon expérience personnelle et mes propres observations, j’affirme avec certitude que ce modèle d’apprentissage social nuit aux femmes. Ce type de compétition entre femmes incite la haine de l’autre puisqu’il encourage les femmes à se voir comme ennemies, même au-delà des relations d’amitié. Il contribue aussi au maintien de normes sociales qui font en sorte que les femmes qui reçoivent l’approbation des hommes sont perçues comme « meilleures » que celles qui en reçoivent moins, incitant la haine de soi. En société, on privilégie certaines qualités en les présentant comme plus voulues par les hommes que d’autres. Ceci crée une hiérarchie insurmontable dont chaque femme se tache d’escalader. Ce modèle soutient l’inégalité des sexes, en abaissant les femmes qui ne détiennent pas ces « qualités voulues », mais qui possèdent d’autres qualités qui seraient considérées comme admirables si elles étaient des hommes. De plus, il ignore complètement la réalité des femmes LGBTQ, créant encore plus d’exclusion. Je crois qu’il faut comprendre pourquoi et comment ce modèle persiste, afin de nous débarrasser de ces contraintes.
Donc, qui retire les bénéfices de cette bataille de femme contre femme? C’est le patriarcat! C’est l’industrie de la beauté qui se fait des millions de dollars en nous vendant des produits pour nous faire croire que nous sommes plus belles que la prochaine. C’est l’industrie des régimes pour perdre du poids, qui nous vend des pilules puis des chirurgies pour que nous puissions nous débarrasser du corps avec lequel nous sommes nées. Ce sont les entreprises et les médias, qui utilisent le corps des femmes pour vendre de la bière et des hamburgers en nous disant que le sexe se vend. Savez-vous qui n’en retire aucun bénéfice? C’est nous! Il faut cesser d’investir dans un système brisé qui nous cause du tort. Franchement, on mérite mieux et puis c’est le temps qu’on le réalise et que l’on se mobilise pour mettre fin à la haine entre femmes.