
Nouveau Partenariat de trois ans : « Cultiver l’acceptabilité » avec les pétrolières
– Par Marc-André Bonneau –
Une conférence intitulée « Énergie positive : Comment atteindre l’acceptabilité sociale dans le développement des ressources énergétiques » a réuni, du 4 au 5 mars, des dirigeants de l’industrie pétrolière et des membres du Collaboratoire sur les recherches et les politiques énergétiques de l’Université d’Ottawa (U d’O). La conférence a marqué le coup d’envoi d’un partenariat de trois ans qui « s’efforc[e] de recenser les meilleures pratiques et de trouver des moyens concrets pour amener le public à accepter et à soutenir le développement énergétique ».
« Ça va avoir des gros impacts sur la réputation et les finances de l’U d’O », s’exclame Anaïs Elboujdaini, candidate à la maîtrise en sciences politiques et représentante des étudiants diplômés au Bureau des gouverneurs de l’U d’O.
« Son but est que l’énergie [des combustibles fossiles] soit acceptable aux yeux des Canadiens », affirme Mme Elboujdaini. La représentante soutient que « le devoir de l’Université et de l’industrie n’est pas de montrer que c’est bon, mais de trouver des solutions durables. […] Je reconnais que la ligne est mince pour la liberté académique. On nous dit que c’est un projet 100 % normatif, mais on se demande comment les Canadiens peuvent [en venir à] appuyer le projet. À court terme, ça peut sembler être une bonne façon de faire de l’argent, mais il faut aussi penser avec notre tête », renchérit Mme Elboujdaini.
Partenariat de trois ans
Rock a affirmé à La Rotonde que « Louis de Melo [vice-recteur aux relations extérieures] a travaillé avec Mme Gattinger pour que les gens de l’extérieur participent à la conférence. Autochtones, les groupes environnementaux… C’était un mélange ». Mme Gattinger est aussi membre du Bureau des gouverneurs de l’U d’O.
Une discussion intitulée « Cultiver l’acceptabilité dans le développement des ressources énergétiques » a marqué le début du colloque et de la nouvelle entente avec l’Université Western. M. de Melo, a refusé de répondre aux questions de La Rotonde sur le nouveau partenariat de trois ans.
Un total de trois panels d’experts a occupé l’ordre du jour. Le premier panel était intitulé « L’acceptabilité sociale : les collectivités locales et les ONG », le deuxième portait sur « Le rôle de l’opinion publique en matière d’énergie et d’environnement » et le dernier panel était intitulé « Encourager la participation des Autochtones au développement énergétique ».
Ces rencontres ont notamment réuni des membres de l’industrie, des lobbyistes de compagnies pétrolières, des académiques et des représentants de Ressources naturelles Canada. Plus de détails se retrouvent dans l’ordre du jour. La Rotonde n’a pu rejoindre les organisateurs avant la mise sous presse.
Fermé au public
Aucun communiqué de presse officiel de l’U d’O n’a été diffusé concernant cette nouvelle entente. L’inscription au colloque se faisait sur invitation seulement.
L’évènement a tenté de réunir plus de 120 experts du secteur de l’énergie. Le tout était co-organisé par Monica Gattinger, professeure et présidente du Collaboratoire, et Guy Holburn, président de la chair Suncor et directeur du Ivey Energy Policy and Management Centre, à l’Université Western.
Allan Rock, recteur de l’U d’O, clarifie l’objectif de la conférence : « L’idée, c’était de mettre en place les ponts entre les compagnies pétrolières, les ONG, les compagnies extractives et les Autochtones, pour qu’on ait une table de consultation et que l’on trouve des solutions pour un sujet qui touche une diversité d’intérêts ».
Dans le contexte actuel, Mme Elboujdaini soutient que « s’associer avec TransCanada, est problématique ». Elle cite notamment un rapport rendu public qui dévoile les stratégies utilisées par la pétrolière pour modifier l’opinion publique. « Ça fait une année et demie que je tente d’amener l’Université à considérer le désinvestissement des énergies fossiles. L’objectif est de sanctionner moralement des entreprises, dont Transcanada fait partie », explique Mme Elboujdaini.
Le regroupement uOttawa sans fossiles, qui milite pour que l’U d’O se désinvestisse des énergies non renouvelables, s’oppose catégoriquement à ce que« notre université facilite l’écoblanchiment de ces industries polluantes. Ce sont tout simplement des compagnies destructives qui cherchent à sembler plus écologiques pour éviter les critiques », soutient le regroupement.
Financé par l’industrie
Plusieurs membres de l’industrie sont des donateurs du Ivey Energy Policy and Management Center. C’est notamment le cas pour la multinational ATCO, la Suncor Energy Foundation, TransCanada Corporation ainsi que la compagnie Union Gas. La Rotonde n’a toutefois pas été en mesure de déterminer l’étendue de ce financement.
L’Association canadienne de pipelines d’énergie, l’Association canadienne des producteurs de pétroles, l’entreprise de gaz naturel Encana et Ressources naturelles Canada font partie des « supporteurs » du projet.
« Le programme [du colloque] a été structuré de façon à identifier des aspects qui permettront d’attaquer des problèmes importants », explique le mot de bienvenue rédigé pour la conférence. Questionné sur le colloque, Allan Rock a précisé que « l’ordre du jour est le seul document qui existe à ma connaissance ».
L’intérêt des pétrolières d’abord
« On en a juste entendu parler après que cela ait eu lieu », critique Daniel Cayley-Daoust, ancien étudiant à l’U d’O et coordonnateur de la sensibilisation publique à l’Institut Polaris.
« Il n’y a pas vraiment de climat ouvert aux discussions », s’indigne ce dernier. « Si on est pour avoir quelque chose comme ça, il faut au moins que ça soit ouvert. Mais je demeure critique des raisons pour lesquelles ils ont décidé de faire ce partenariat. Ce n’est pas juste une plateforme de discussion », souligne l’ancien étudiant. « Ils n’ont pas utilisé le mot pétrole dans cet ordre du jour, mais quand ils disent énergie, c’est clair qu’ils parlent du pétrole », soulève M. Cayley-Daoust.
Ce dernier soutient que l’U d’O a fait « un choix très politique » en hébergeant la conférence. « C’est le concept d’intérêt public, qui est remplacé par les intérêts économiques des compagnies et de l’industrie », critique M. Cayley-Daoust.
Des conséquences ignorées
Les ateliers étaient orientés sur le thème de l’acceptabilité. L’ordre du jour suggère que peu d’attention était portée à l’identification de solutions concrètes pour des communautés précises.
Alexandre Michaud, candidat au doctorat en histoire à l’U d’O, souligne que l’approche de l’industrie vise souvent à minimiser les risques d’aller en cour, plutôt que d’attaquer les conséquences à long terme que pose l’industrie sur les communautés. Ce dernier revendique que les pratiques devraient être repensées si l’industrie désire améliorer la situation des communautés autochtones plutôt que de tenter de réaliser ses projets « à moindre coûts ».
Le panel « Encourager la participation des Autochtones au développement énergétique » a rassemblé Phil Fontaine, ancien dirigeant de l’Assemblée des Premières Nations et facilitateur de TransCanada, Micheal Keenan de Ressources naturelles Canada, Dwight Newman de l’Université de la Saskatchewan et Alain Parisé de TransCanada.
La Rotonde n’a pu assister à la conférence ainsi qu’à l’ensemble du colloque. » Pour plus de détails