
Ce que vous ne verrez pas dans les galeries du Musée des Beaux-Arts
Arts et culture
Par Gabrielle Lemire – Journaliste
Vivre dans la capitale du Canada à ses nombreux avantages, dont l’un est de profiter de ses multiples musées. La Rotonde se donne le mandat de vous les faire découvrir un à un cet été, puisque l’entrée y est gratuite chaque jeudi soir de 17h à 20h. Regard sur un aspect dissimulé du Musée des beaux-arts du Canada: le rôle de restaurateur.trice, en coulisses des expositions.
Munis de grandes fenêtres donnant sur la rivière des Outaouais, en contrebas, les ateliers profitent de la lumière du Nord que les fenêtres laissent entrer dans la pièce. « La lumière est super importante dans notre travail. La lumière du Nord va nous apporter une lumière pure qui ne va pas trop changer les couleurs », explique Marie-Catherine Cyr, restauratrice adjointe en peinture. En effet, cette dernière mentionne que cet endroit a été choisi en 1988 par l’équipe de l’époque qui avait eu l’opportunité de choisir l’emplacement et l’orientation de l’atelier.
C’est une équipe de quinze restaurateurs.trices qui s’active en coulisses pour s’occuper de façon minutieuse des milliers d’œuvres de la collection. Entre des techniciens, des stagiaires, des encadreurs s’activent quelques restaurateurs accomplis.
Allier les arts et les sciences
Cyr affirme que pour obtenir le titre de restaurateur, il faut avoir un parcours qui combine les arts et les sciences. Tout d’abord, celle-ci a obtenu un diplôme d’études collégiales intégrées, soit en sciences lettres et arts, suivi d’un baccalauréat en Histoire de l’art et d’un certificat en arts plastiques. Enfin, tous les restaurateurs doivent terminer une maîtrise en restauration, un programme qui au Canada n’est offert qu’à l’Université Queen’s.
Avoir entre ses mains des chefs d’oeuvre des maîtres de la peinture des derniers siècles mérite qu’on y attache une attention minutieuse et experte en la matière. Pour Cyr, la collection du Musée appartient à tous les Canadiennes et les Canadiens, c’est ce qui oriente son travail de restauratrice. « Tu développes une certaine intimité avec les œuvres… Il faut apprendre à connaître l’artiste, à connaître la qualité de ses matériaux, sa technique, comment il va ajouter les différentes couches de matériaux », explique la restauratrice.
Chaque restauration d’une œuvre peut prendre des centaines d’heures, que les restaurateurs passent entre les travaux de rédaction rapports, de demandes de prêts et de recherche.
Les 5 volets de la restauration
- Les acquisitions : lorsqu’une œuvre est ajoutée à la collection, le restaurateur spécialisé dans ce type d’oeuvre-là doit faire un examen et un diagnostic complet de l’oeuvre afin de déterminer ses besoins. Planification à court, moyen et long terme les besoins de l’oeuvre.
- Les prêts : Le musée a un grand volet de prêts, reçoit et envoie des œuvres à l’international. Chaque fois qu’il y a un mouvement d’oeuvre à l’extérieur, le restaurateur s’assure que l’oeuvre est en bon état pour voyager, fait des traitements de conservation préventive pour s’assurer qu’elle va bien voyager.
- Les expositions : Chaque fois que les œuvres sont exposées, les restaurateurs travaillent de concert avec les conservateurs d’expositions pour préparer les œuvres.
- Les traitements : Le restaurateur fait beaucoup de recherche au niveau de l’histoire de l’Art et des nouvelles techniques de restauration afin de les appliquer à l’oeuvre. « C’est notre petite gâterie! » confie Cyr.
- La recherche : le restaurateur rédige des articles scientifiques revus par les pairs. Le Musée des Beaux-Arts publie également son propre magazine mensuel, dont la version électronique est gratuite. « Quand on fait de la recherche comme ça, on contribue au savoir qui est disponible pour une œuvre, pour un artiste. C’est utile pour le Musée et pour le public. » explique la restauratrice.
Le grand défi de la restauration
Pour Marie-Catherine Cyr, la première règle de la restauration est la réversibilité. Dès que les restaurateurs touchent à une œuvre, ceux-ci doivent effectuer le plus de recherches possible, doivent se familiariser avec l’artiste et ses matériaux. « On essaie de travailler en amont pour prévenir les erreurs, on fait beaucoup de tests avant de réaliser un traitement complet », explique Cyr. Chaque action doit pouvoir être inversée pour le restaurateur, qui travaille en micro-touches de solvants. Ces traitements exigent de connaître toutes les avancées technologiques du milieu, afin d’employer les techniques les plus développées. Le restaurateur se trouve alors en contexte d’apprentissage constant.
Plus que tout, les restaurateurs doivent également traiter les oeuvres de façon préventive, afin d’en assurer la longévité « Au lieu de restaurer l’oeuvre, on va préserver la qualité de l’oeuvre, penser à comment les matériaux vont réagir dans leur environnement à long terme. Il faut prévoir à mesure pour prévenir un certain vieillissement des matériaux. »
Une restauration que vous verrez au Musée
Le Musée des Beaux-Arts est bien connu pour la gigantesque araignée qui accueille les visiteurs devant le bâtiment. Maman de l’artiste Louise Bourgeois est une sculpture extérieure que les restaurateurs doivent traiter chaque année, pour prévenir l’érosion du métal. « Avec des torches de propane, on va chauffer le bronze pour l’exposer et enlever la cire protectrice qu’il y a par dessus. Ensuite on va remettre la cire, qui va fondre au contact du métal, comme ça, ça ouvre les pores du bronze et ça absorbe la cire. L’idée, c’est qu’on veut que la cire s’use au lieu du métal », élabore Cyr. Maman est donc restaurée chaque année, beau temps mauvais temps.