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Par Noémie Calderon Tremblay – Journaliste
Je suis la première à me tatouer mille et une causes sur toutes les parties de mon âme. Je crois à une société sociale, plutôt de gauche, si l’on veut me placer sur le plan politique. Toutefois, je ne suis pas toujours d’accord avec ceux qui défendent ladite bonne cause. C’est plus complexe que le bien et le mal, il me parait. Il faut faire attention au politiquement correct et à l’opinion, à la sienne et à celle des autres. Alors, dans un monde où cela semble être un défi, comment faire la part des choses et se construire un esprit critique ?
J’ai réalisé en discutant avec certain.e.s de mes ami.e.s, que c’est parfois difficile d’amener à la discussion une opinion divergente de ce qui est énoncée par l’autre ou par un groupe. Et ce dans un groupe qui va défendre des idées de droite autant que dans un groupe qui va défendre celle de gauche.
Je ne parle pas ici d’être pour ou contre un propos, mais plutôt d’être dans une posture un peu marginale et d’amener un point de vue contraire ou de remettre en question un argument qui est tenu véridique par la majorité.
Un contexte particulier
Je l’ai vu chez les autres, mais je l’ai vu chez moi aussi. Il m’est parfois ardu, de comprendre que l’autre peut avoir des propos qui ne sont pas alignés avec les miens. J’ai entendu certaines personnes dire que cette sensibilité à l’affrontement des idées, c’était typiquement québécois ou canadien ou encore que c’était le propre des jeunes générations.
Un peu comme si tout le monde était à fleur de peau. Mais en même temps, regardez à quoi l’on est confronté aujourd’hui ! C’est quand même assez normal qu’on le soit, sensible, non ?! Autour de nous, ça bourdonne : il y a beaucoup de mouvements sociaux, on soulève la poussière, les masques tombent, on réalise nos paradoxes et les inégalités dans nos privilèges.
On a plus envie d’être muet et on n’a plus envie qu’on nous demande d’employer notre rationalité et d’avoir la tête froide. C’est donc assez évident, que l’on va être affecté et qu’on va essayer de faire attention à ce qu’on dit et peut-être se censurer certaines de nos pensées.
Ce n’est pas exactement pareil qu’avant, ce qui se pense maintenant, alors c’est compréhensible que les sensibilités ne soient pas les mêmes.
Une chose est certaine, ça ne peut pas faire de mal, un peu de ménage, notamment dans les termes qui ne sont pas politiquement corrects, la féminisation de certains noms propres, l’écoute des minorités et l’écriture d’une histoire plus inclusive. Il était temps !
Conserver une place pour l’érudition et le savoir
Toutefois, je crois qu’il doit y avoir une place dans les médias sociaux, à la radio et à la télévision pour celles et ceux qui critiquent d’une façon plus neutre et sans (trop) prendre de partie, les mouvements et les changements qui sont en train de s’opérer dans notre société.
Il ne faut pas se mentir, parfois il y a débordement ; des fois crier dans une manifestation, ça fait du bien, mais ça n’implique pas nécessairement une introspection personnelle de nos propres comportements.
J’ai l’impression que lorsqu’on voit des mouvements comme #MeToo ou #BlackLivesMatter prendre une ampleur gigantesque, on insuffle l’espoir que notre société est en train d’être changée de manière sérieuse.
Mais est-ce vraiment le cas, comment savoir si ce ne sont pas que de belles paroles ? Je ne crois malheureusement pas que tou.te.s celles et ceux qui encouragent ses mouvements sont bien intentionné.e.s ou vont se questionner sur le quotidien et modifier certains de leurs agissements. Ce n’est jamais que positif, il y a toujours un envers à la médaille, ou du moins plusieurs facettes. Ce n’est pas juste ce qu’on voit, il y a plus, il faut creuser et questionner ce qui se passe.
On a tous un rôle à jouer et ça va bien au-delà d’un hashtag au bas d’une publication. Encore une fois, je ne veux pas diminuer l’impact que de telles réalisations sociales planétaires ont sur le monde. Seulement, d’y introduire quelques idées un peu divergentes.
C’est le moment pour chacun.e d’entre-nous de réveiller notre esprit critique, d’écouter des gens dont on ne partage pas le discours, se renseigner auprès d’expert.e.s reconnu.e.s et suivre l’actualité faite par la poignée de gens sur la planète qui tentent encore de réfléchir. Pas seulement suivre. On nous le dit depuis qu’on est des enfants, ne soyons pas des moutons.
Cependant, un des moyens qui peut sembler paradoxal avec le propos énoncé plus haut, c’est d’écouter des gens, disons sages et instruits qui vont commenter et peut contredire certains comportements que vont adopter des gens et des groupes qui défendent des sujets qui paraissent impossibles à critiquer comme l’antiracisme, le féminisme ou l’écologie.
Oui, il existe de ces gens qui passent leur vie à analyser l’actualité en retrait par exemple, les philosophes, les chercheur.euse.s ou les intellectuel.le.s et qui ont peut-être des arguments très importants à apporter aux débats sociaux qui vont rages.
C’est bien des mouvements qui deviennent viraux en une poignée de secondes, mais le véritable marqueur du changement, c’est le temps. Est-ce que le buzz est réellement un moyen durable de faire bouger les choses ? J’en doute. Et douter, c’est déjà un bon pas pour commencer à creuser un peu plus profond dans ces bouleversements à la surface.
Vous n’avez pas besoin d’être en accord avec tout ce qui se passe autour de vous et même avec ce que pensent vos ami.e.s. Je sais qu’on le sait, mais cultivons (sans trop) de haine nos échanges hétérogènes entre individus aux expériences multiples. Ce n’est pas parce qu’un commentaire (à moins qu’il soit totalement vulgaire) nous choque qu’il faut totalement diaboliser le discours de celui qu’il l’a émis.