
Motion pour l'exclusion des groupes misogynes : Empêcher l'oppression sans brimer la liberté d'expression
Charlotte Côté
La motion du Mouvement étudiant révolutionnaire (MER) pour bannir les groupes misogynes est passée à l’unanimité au Conseil d’Administration (CA) de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) le 23 mars dernier. Comment cette motion sera-t-elle mise en place et quel impact aura-t-elle réellement sur la capacité des groupes masculinistes à organiser des évènements sur le campus? La Rotonde enquête.
La campagne « Masculinistes Hors Campus » du Mouvement étudiant révolutionnaire (MER) s’est mise en place en réponse aux rassemblements mensuels de l’association Canadian Association for Equality (CAFE), militant pour les droits des hommes. Le MER tente d’empêcher la tenue de leurs rencontres et qualifie le discours de l’association d’ « haineux » car il est en « déni de l’existence de la culture du viol et de l’importance du consentement […] et diffus[e de la] désinformation ».
Danik Dozet, membre du MER, admet qu’il ne s’agit pas d’une organisation typique masculiniste, mais il affirme qu’elle demeure très problématique : « La CAFE est plus discrète sur les sujets de violence et de viol que d’autres groupes masculinistes, mais a cependant écrit un article qui explique que c’est le mouvement féministe qui a provoqué la fusillade de l’école Polytechnique de Montréal. »
Liberté d’expression?
Cette motion pour bannir les groupes masculinistes du campus est absurde selon David Shackleton, président et fondateur du chapitre ottavien de la CAFE. Selon lui, les universités sont un espace où se produisent traditionnellement des échanges et des débats sur les enjeux sociaux et controversés. Il tient à rappeler l’importance de la liberté d’expression et la valeur du débat et des échanges d’idées. « Nous croyons en la liberté d’expression et nous sommes même prêts à engager la discussion avec ces étudiants qui protestent et tentent de nous faire taire ».
Dozet réplique : « On n’a pas à accepter passivement que quelqu’un vienne parler dans nos espaces si leurs propos vont à l’encontre de nos valeurs. On n’essaie pas de les faire taire, mais on ne veut pas qu’ils s’organisent dans nos espaces. »
Une motion sans conséquences?
Shackleton tient à rappeler que la CAFE n’est pas un groupe du campus : « Je ne vois pas en quoi ça va nous affecter, car nous communiquons avec l’administration de l’U d’O et non la FÉUO pour organiser nos évènements. » De son côté, Roméo Ahimakin, v.-p. communications, reconnait que la FÉUO « n’a aucun pouvoir sur ce groupe », mais il dénonce tout acte d’oppression et de discrimination.
S’agirait-il d’une motion symbolique? Ahimakin explique que la motion était censée avoir une action précise : défédérer la CAFE. Or, comme il s’agissait d’un groupe non-fédéré, ils se sont rendu compte qu’il était impossible de l’entreprendre.
Nozet explique que, finalement, « le passage de la motion est une petite victoire qui nous a permis d’entamer le dialogue ainsi que de rassembler et engager les étudiants qui veulent contrer les groupes misogynistes ».
Ahimakin affirme que la FÉUO « va commencer des discussions avec l’administration » pour s’assurer que les groupes. Mais du côté de l’U d’O, on n’ose pas trop se mouiller. Néomie Duval, gestionnaire des relations avec les médias explique que de façon générale, l’U d’O « valorise depuis toujours la diversité des points de vue pourvu que cela se fasse dans le respect des opinions et des individus ».